« Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 112.djvu/402 » : différence entre les versions

La bibliothèque libre.
 
Aucun résumé des modifications
Contenu (par transclusion) :Contenu (par transclusion) :
Ligne 1 : Ligne 1 :
vrir les coffres était le ''roi David''. Une bourse, c’était une ''feullouze'',
396 REVUE DES DEUX MONDES.
et de l’argent de l’''aubert'' ou du ''caire ;'' le pain, ''arton'', et le feu
vrir les coffres était le roi David. Une bourse, c’était une feullouze,
Saint-Antoine ''rufle''. Ils avaient donné au jour le nom de ''torture ;''
et de l’argent de Vaubert ou du caire; le pain, arton, et le feu
et inversement la torture, c’était le ''jour''. L’un des témoins dit
Saint-Antoine rufle. Ils avaient donné au jour le nom de torture;
et inversement la torture, c’était le jour. L’un des témoins dit
qu’on ne pourra rien obtenir des accusés « senon à grand’force du
qu’on ne pourra rien obtenir des accusés « senon à grand’force du
jour. )) Estoffe était la part du butin. Quand ils se criaient : Es-
jour. » ''Estoffe'' était la part du butin. Quand ils se criaient : ''Estoffe ! ou je faugeray !'' cela signifiait : « Ma part, ou je dénoncerai ! » Une robe se nommait ''jarte ;'' un cheval ''galier ;'' l’''ance'' était
l’oreille, les ''quilles'' les jambes, et la ''serre'' la main. S’ils étaient
tofje ! ou je faugeray ! cela signifiait : « Ma part, ou je dénonce-
rai ! » Une robe se nommait jar te; un cheYàl galier ; Vance était
l’oreille, les quilles les jambes, et la serre la main. S’ils étaient
poursuivis par le guet, en faisant un crochet pour s’échapper, ils
poursuivis par le guet, en faisant un crochet pour s’échapper, ils
disaient qu’ils baillaient la cantonade. Un homme résolu à battre
disaient qu’ils ''baillaient la cantonade''. Un homme résolu à battre
ceux qui voudraient l’arrêter était ferme à la louche (1 ) (ferme à
ceux qui voudraient l’arrêter était ''ferme à la louche'' <ref>Dans le petit livre de jargon, de Pechon de Ruby (1596), ''louche'' (cuiller) signifie main.</ref> (ferme à
la main). Celui qui refusait de confesser ses crimes quand on le
la main). Celui qui refusait de confesser ses crimes quand on le
mettait à la question était ferme en la mauhe (2) (ferme en la
mettait à la question était ''ferme en la mauhe'' <ref>''Mauhe''
(mohe, mowe moe, moue), bouche, dans la langue vulgaire du {{s|XV}}.</ref> (ferme en la
bouche).
bouche).

Parmi les noms que dicta Perrenet le Fournier, on reconnaît des
Parmi les noms que dicta Perrenet le Fournier, on reconnaît des
Picards, des Gascons, des Provençaux, des Normands, des Sa-
Picards, des Gascons, des Provençaux, des Normands, des Savoyards, des Bretons, des Espagnols et des Écossais, sans compter
voyards, des Bretons, des Espagnols et des Écossais, sans compter
les Bourguignons qui sont en nombre supérieur. Ainsi on peut voir
les Bourguignons qui sont en nombre supérieur. Ainsi on peut voir
que la société de la Coquille fut formée des débris de bandes
que la société de la Coquille fut formée des débris de bandes
d’écorcheurs revenus de la bataille de Saint-Jacques et qui vivaient
d’écorcheurs revenus de la bataille de Saint-Jacques et qui vivaient
sur le pays depuis ihh^.
sur le pays depuis 1445.

La bande avait ses receleurs et ses fabricans de faux bijoux et
La bande avait ses receleurs et ses fabricans de faux bijoux et
de faux lingots à Paris, bien qu’elle comptât plusieurs ouvriers
de faux lingots à Paris, bien qu’elle comptât plusieurs ouvriers
orfèvres comme Denisot Leclerc et Christophe Turgis. L’un d’eux
orfèvres comme Denisot Leclerc et Christophe Turgis. L’un d’eux
était Jaquet Legrant, âgé de cinquante-six ans, emprisonné cinq
était Jaquet Legrant, âgé de cinquante-six ans, emprisonné cinq
lois depuis l/iAS pour dorer des anneaux de cuivre. Ce Jaquet Le-
lois depuis 1448 pour dorer des anneaux de cuivre. Ce Jaquet Legrant
grant avait deux filles de seize ou dix-sept ans, ce qui rendit
avait deux filles de seize ou dix-sept ans, ce qui rendit
la justice indulgente. On trouva dans sa boutique un anneau de
la justice indulgente. On trouva dans sa boutique un anneau de
cuivre doré avec une pierre vermeille, un grand nombre de « si-
cuivre doré avec une pierre vermeille, un grand nombre de « signets et verges » en cuivre doré, une chaîne de laiton qu’il se
gnets et verges » en cuivre doré, une chaîne de laiton qu’il se
préparait à dorer en même temps qu’un écu d’argent. Régnier de
préparait à dorer en même temps qu’un écu d’argent. Régnier de
Montigny connaissait fort la boutique de Jaquet Legrant, où il de-
Montigny connaissait fort la boutique de Jaquet Legrant, où il devait aller souvent pour ses compagnons de la Coquille. Une nuit,
vait aller souvent pour ses compagnons de la Coquille. Une nuit,
avec Nicolas de Launay, il vola dans l’église de Saint-Jean en
avec Nicolas de Launay, il vola dans l’église de Saint-Jean en
Grève un calice d’argent. Ils le mirent en pièces et apportèrent le
Grève un calice d’argent. Ils le mirent en pièces et apportèrent le
tout à Jaquet Legrant. Il y avait là 2 marcs 6 « esterlins » d’ar-
tout à Jaquet Legrant. Il y avait là 2 marcs 6 « esterlins » d’argent que
gent que Jaquet leur prit à raison de 8 francs le marc. D’ailleurs
Jaquet leur prit à raison de 8 francs le marc. D’ailleurs
l’orfèvre avoua qu’il avait déjà acheté à Régnier de Montigny
l’orfèvre avoua qu’il avait déjà acheté à Régnier de Montigny
(1) Dans le petit livre de jargon, de Pechon de Ruby (1596), louche (cuiller) signifie
main.
(2) Mauhe (mohe, mowe moe, moue), bouche, dans la langue vulgaire du xv^ siècle.

Version du 29 novembre 2012 à 15:59

Cette page n’a pas encore été corrigée

vrir les coffres était le roi David. Une bourse, c’était une feullouze, et de l’argent de l’aubert ou du caire ; le pain, arton, et le feu Saint-Antoine rufle. Ils avaient donné au jour le nom de torture ; et inversement la torture, c’était le jour. L’un des témoins dit qu’on ne pourra rien obtenir des accusés « senon à grand’force du jour. » Estoffe était la part du butin. Quand ils se criaient : Estoffe ! ou je faugeray ! cela signifiait : « Ma part, ou je dénoncerai ! » Une robe se nommait jarte ; un cheval galier ; l’ance était l’oreille, les quilles les jambes, et la serre la main. S’ils étaient poursuivis par le guet, en faisant un crochet pour s’échapper, ils disaient qu’ils baillaient la cantonade. Un homme résolu à battre ceux qui voudraient l’arrêter était ferme à la louche [1] (ferme à la main). Celui qui refusait de confesser ses crimes quand on le mettait à la question était ferme en la mauhe [2] (ferme en la bouche).

Parmi les noms que dicta Perrenet le Fournier, on reconnaît des Picards, des Gascons, des Provençaux, des Normands, des Savoyards, des Bretons, des Espagnols et des Écossais, sans compter les Bourguignons qui sont en nombre supérieur. Ainsi on peut voir que la société de la Coquille fut formée des débris de bandes d’écorcheurs revenus de la bataille de Saint-Jacques et qui vivaient sur le pays depuis 1445.

La bande avait ses receleurs et ses fabricans de faux bijoux et de faux lingots à Paris, bien qu’elle comptât plusieurs ouvriers orfèvres comme Denisot Leclerc et Christophe Turgis. L’un d’eux était Jaquet Legrant, âgé de cinquante-six ans, emprisonné cinq lois depuis 1448 pour dorer des anneaux de cuivre. Ce Jaquet Legrant avait deux filles de seize ou dix-sept ans, ce qui rendit la justice indulgente. On trouva dans sa boutique un anneau de cuivre doré avec une pierre vermeille, un grand nombre de « signets et verges » en cuivre doré, une chaîne de laiton qu’il se préparait à dorer en même temps qu’un écu d’argent. Régnier de Montigny connaissait fort la boutique de Jaquet Legrant, où il devait aller souvent pour ses compagnons de la Coquille. Une nuit, avec Nicolas de Launay, il vola dans l’église de Saint-Jean en Grève un calice d’argent. Ils le mirent en pièces et apportèrent le tout à Jaquet Legrant. Il y avait là 2 marcs 6 « esterlins » d’argent que Jaquet leur prit à raison de 8 francs le marc. D’ailleurs l’orfèvre avoua qu’il avait déjà acheté à Régnier de Montigny

  1. Dans le petit livre de jargon, de Pechon de Ruby (1596), louche (cuiller) signifie main.
  2. Mauhe (mohe, mowe moe, moue), bouche, dans la langue vulgaire du XVe siècle.