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départ pour Washington, où Mrs Madison retrouve enfin tous les siens.


V

Ici, une longue interruption de la correspondance ; quelques rares billets où l’on apprend la naissance de nombreux enfans de Mrs Martha Randolph et de Mrs Anna Cutts. L’horizon politique s’assombrit de plus en plus du côté de l’Angleterre ; M. Madison a été élu président de l’Union et est entré en fonctions (mars 1809) : il est enseveli sous des monceaux de papiers diplomatiques, mais sa femme tient de son mieux tête à l’orage.

Elle a trente-sept ans, et la réputation bien établie d’être la plus jolie femme des Etats-Unis. S’il est un point de l’Union où les passions politiques fassent trêve, c’est le salon de Mrs Madison. Toutes les résistances cèdent devant l’élégance, la bonne grâce, l’ardent désir de plaire de Madame la présidente. Pendant les dîners officiels, où les ministres étrangers et les membres du gouvernement s’entretiennent des affaires sérieuses, les dames du corps diplomatique soupent avec Mrs Dolly et se partagent les bibelots de prix qu’elle offre en d’ingénieuses loteries dans ces réunions intimes. Bien qu’elle ne fût pas très instruite et quelle eût peu le temps de lire, elle suppléait à tout par le tact, l’amabilité, la vivacité du cœur, et les ressources qu’une grande fortune mettait au service d’une générosité sans bornes. Même ses anciens amis quakers n’avaient plus le courage de lui en vouloir de son goût si prononcé pour les choses du monde.

Elle eut cette ambition de donner pour sa part le plus d’éclat possible à l’administration de son mari, pendant les trois années de 1809 à 1812, qui furent pour Madison un temps de cruel souci et de travail sans relâche. De santé faible, il succombait parfois à la fatigue : il s’en allait alors passer quelques minutes dans le salon de sa femme, sûr d’y entendre d’amusantes histoires et de jolis éclats de rire ; et cela le reposait plus, disait-il lui-même, qu’une longue promenade au grand air.

Un des traits de ce caractère de grande dame vraiment bonne, était l’horreur de toute discussion politique. Même aux heures les plus sombres qui précédèrent la déclaration de guerre à l’Angleterre (18 juin 1812), quand toutes les passions politiques étaient déchaînées, elle entretenait dans son salon une atmosphère de douce et bienveillante tolérance universelle.

La cité fédérale fut assez animée dans l’hiver de 1811 à 1812. Les membres du nouveau Congrès arrivaient en nombre avec leurs