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c’était là un spectacle infiniment touchant, et qui ne pouvait que nous rendre plus chère encore et plus vénérable la noble figure littéraire de l’auteur du Stechlin ; mais d’autant plus nous étions curieux de savoir de quelle manière Théodore Fontane, dans l’intimité de son cœur de poète, avec la nature de « grand enfant » que nous avaient révélée chez lui ses lettres à sa femme, avait accueilli une renommée dont aucune trace ne se découvrait à nous dans le développement de son œuvre écrite.

La réponse à cette question vient de nous être apportée, définitivement, en deux énormes volumes de lettres adressées par Théodore Fontane à quelques amis et à une foule de confrères, d’un bout à l’autre de sa carrière d’écrivain ; et force m’est de déclarer avant tout que, pour intéressante qu’elle soit, cette réponse nous aurait été infiniment plus facile à rechercher dans un recueil de dimensions plus modestes, sans compter maints autres avantages qu’il y aurait eu, pour nous et pour la mémoire elle-même du maître allemand, à voir disparaître de cette correspondance plusieurs centaines de billets écrits par Fontane à des éditeurs, à des demandeurs de renseignemens insignifians, à d’anciens ou nouveaux amis envers lesquels son exquise politesse se traduisait plus d’une fois en des formules qui risquent fort, aujourd’hui, de paraître banales. Je n’ignore pas que le choix des matériaux d’une publication de cet ordre constitue toujours une tâche des plus malaisées, surtout lorsqu’il s’agit d’un inguérissable « causeur » tel que l’était l’auteur des Promenades ; mais, puisque le recueil devait fatalement rester incomplet, ne valait-il pas mieux n’y admettre que des documens caractéristiques, et attacher plus d’importance au contenu des lettres qu’au nom ou à la qualité de leurs destinataires ?


En tout cas, cette correspondance nous fournit la solution de l’émouvant problème biographique dont je parlais tout à l’heure, et nous savons pleinement désormais, grâce à elle, quel effet a produit sur le caractère et la vie intime de Théodore Fontane sa brusque promotion au rang de chef incontesté de la jeune école. Hélas ! il faut reconnaître que cet effet a été désastreux : jamais peut-être l’envers d’une gloire ne s’est montré à nous sous des couleurs plus navrantes. Ce n’est pas seulement que Fontane ait dû se séparer de ses amis de jadis, pour se lier dorénavant avec des personnes qu’il ne pouvait aimer, ni même apprécier à leur vraie valeur : encore que cette nécessité de sa situation ne laisse pas de nous offrir, déjà, nombre de