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devrait savoir les choses, dire des bêtises pareilles ! Est-ce assez énorme ! Je lui ai ri au nez. Je lui ai dit : — Sachez que je suis rédacteur d’un journal qui a toujours conspiré avant le 24 février, jamais après ! Et puis je suis un meilleur ami du président que vous, je veux la République, moi, et je conseille à Louis Bonaparte l’amnistie. Il ferait aimer son gouvernement, il se réconcilierait avec le peuple. Oui, je veux la République, j’aime la révolution de février. On se trompe si l’on croit qu’on nous la retirera des griffes. Nous la tenons, nous ne la lâcherons pas. Il y a une chose qui me fâche pourtant, c’est que la République jusqu’ici a nui aux arts et aux choses de l’intelligence. Nous avions un magnifique mouvement français, qui était devenu un mouvement européen, toutes les idées étaient en marche, la poésie en tête. Cela s’est arrêté. Je suis de ceux que ça désole. Pardi ! on peut bien être une république et rester la France ! Est-ce que nous allons faire une république où l’on n’écrira plus, où l’on ne pensera plus, où l’on ne fera plus de vers, où l’on sera très bête ! C’est l’idéal des crétins, ce n’est pas le mien. Je veux donc que la République soit lettrée, et je veux qu’elle soit clémente. Et puis il faut s’occuper du peuple. Savez-vous qu’ils ont faim dans les faubourgs ? Savez-vous qu’ils ne sont pas contents par là ? Ils grognent. Un beau matin ils se lèveront et ils recommenceront, savez-vous ça, et juin ne sera qu’une torgnolle en comparaison ! Ils ont très faim et très froid, ces pauvres gens. Il faudrait gouverner de leur côté. Autrement on donnera raison au citoyen Proudhon. Je me fiche du citoyen Proudhon quant à moi. Il ne me mangera pas, mais si l’on n’y prend garde, il mangera les bourgeois ! Je me résume, je veux que l’idée marche, sacrebleu !

Sur ce sacrebleu, tout aussi énergique que ceux de Caussidière, notre compagnon nous quitta. Pendant ce monologue que j’écoutais en silence et que Paul coupait de monosyllabes approbatifs, nous avions suivi la rue de Rivoli, traversé la place Vendôme, et nous étions arrivés au coin de la rue Neuve-des-Petits-Champs. Notre homme prit la main de Paul, me salua, et s’en alla.

C’était le citoyen Ribeyrolles, rédacteur en chef de la Réforme où il avait remplacé le citoyen Flocon.




XIV


3 mars 1849.

Avant 1830 M. Guizot disait de certaines choses contre M. de Polignac ; avant 1848 M. Odilon Barrot disait les mêmes choses contre M. Guizot ; au-