« Hercule Mourant » : différence entre les versions

La bibliothèque libre.
Contenu supprimé Contenu ajouté
EllynB. (discussion | contributions)
Aucun résumé des modifications
EllynB. (discussion | contributions)
Aucun résumé des modifications
Ligne 64 : Ligne 64 :
Lui-même il a marqué ce terme à son absence,
Lui-même il a marqué ce terme à son absence,


Et ce jour expiré, tout espoir est perdu. [5]
Et ce jour expiré, tout espoir est perdu.




Ligne 80 : Ligne 80 :
Ne vous lassez-vous point d'éprouver sa constance ?
Ne vous lassez-vous point d'éprouver sa constance ?


Il vit pour l'univers ; il ne vit plus pour nous. [10]
Il vit pour l'univers ; il ne vit plus pour nous.


Faible, plaintive, errante, aux larmes condamnée,
Faible, plaintive, errante, aux larmes condamnée,
Ligne 93 : Ligne 93 :
De tous les ennuis qu'il vous cause,
De tous les ennuis qu'il vous cause,


Sa gloire doit vous consoler. [15]
Sa gloire doit vous consoler.




Ligne 106 : Ligne 106 :
Des monstres de Némée et de ceux d'Erymante,
Des monstres de Némée et de ceux d'Erymante,


J'entends les sifflements de l'Hydre menaçante, [20]
J'entends les sifflements de l'Hydre menaçante,


J'entends les cris affreux de Cerbère enchaîné ;
J'entends les cris affreux de Cerbère enchaîné ;
Ligne 129 : Ligne 129 :
{{personnage|HILUS.|c}}
{{personnage|HILUS.|c}}


Il revient ; Junon même à ce vainqueur rapide [25]
Il revient ; Junon même à ce vainqueur rapide


Se lasse d'opposer d'inutiles efforts.
Se lasse d'opposer d'inutiles efforts.
Ligne 139 : Ligne 139 :
Cependant ses captifs s'avancent sur ces bords.
Cependant ses captifs s'avancent sur ces bords.


Dans les fers du vainqueur, une beauté céleste [30]
Dans les fers du vainqueur, une beauté céleste


Attire et charme tous les cœurs.
Attire et charme tous les cœurs.
Ligne 155 : Ligne 155 :
Nous cache son pays, son rang et ses aïeux,
Nous cache son pays, son rang et ses aïeux,


Mais, si j'en crois mon cœur, elle est du sang des Dieux. [35]
Mais, si j'en crois mon cœur, elle est du sang des Dieux.


Tout en elle intéresse, enchante.
Tout en elle intéresse, enchante.
Ligne 165 : Ligne 165 :
Lorsqu'elle afflige la beauté !
Lorsqu'elle afflige la beauté !


Verrez-vous sans pitié cette aimable captive ? [40]
Verrez-vous sans pitié cette aimable captive ?


Il est si cruel d'accabler
Il est si cruel d'accabler
Ligne 178 : Ligne 178 :
Pense au retour d'Alcide, à ce jour plein de charmes.
Pense au retour d'Alcide, à ce jour plein de charmes.


Dis-moi qu'il vient tarir les larmes [45]
Dis-moi qu'il vient tarir les larmes


Que son absence a fait couler.
Que son absence a fait couler.
Ligne 197 : Ligne 197 :
Le vainqueur des tyrans revient dans nos climats :
Le vainqueur des tyrans revient dans nos climats :


Il est précédé par la gloire, [50]
Il est précédé par la gloire,


Et la paix vole sur ses pas.
Et la paix vole sur ses pas.
Ligne 213 : Ligne 213 :
Que jamais la trompette à nos voix ne réponde ;
Que jamais la trompette à nos voix ne réponde ;


Que la seule musette éveille les échos. [55]
Que la seule musette éveille les échos.


Triomphe, aimable paix, enchaîne les héros,
Triomphe, aimable paix, enchaîne les héros,
Ligne 239 : Ligne 239 :
{{personnage|JUNON.|c}}
{{personnage|JUNON.|c}}


N'es-tu qu'à moi seule fatale, [60]
N'es-tu qu'à moi seule fatale,


Jalousie infernale ?
Jalousie infernale ?
Ligne 249 : Ligne 249 :
N'es-tu qu'à moi seule fatale,
N'es-tu qu'à moi seule fatale,


Jalousie infernale ? [65]
Jalousie infernale ?


Ne sais-tu tourmenter que le cœur de Junon ?
Ne sais-tu tourmenter que le cœur de Junon ?
Ligne 259 : Ligne 259 :
Jalousie infernale,
Jalousie infernale,


Ne sais-tu tourmenter que le cœur de Junon ? [70]
Ne sais-tu tourmenter que le cœur de Junon ?




Ligne 272 : Ligne 272 :
D'Alcide en frémissant j'admire les travaux.
D'Alcide en frémissant j'admire les travaux.


Le bonheur de Déjanire [75]
Le bonheur de Déjanire


Me révolte, me déchire :
Me révolte, me déchire :
Ligne 285 : Ligne 285 :
Ces feux que la vengeance et que l'amour allument.
Ces feux que la vengeance et que l'amour allument.


Déjanire aime son époux ; [80]
Déjanire aime son époux ;


Invisible à ses yeux, et sans cesse autour d'elle,
Invisible à ses yeux, et sans cesse autour d'elle,
Ligne 298 : Ligne 298 :
Par la voix de Dircé, sa compagne fidèle,
Par la voix de Dircé, sa compagne fidèle,


Venez percer son cœur des plus sensibles coups. [85]
Venez percer son cœur des plus sensibles coups.




Ligne 311 : Ligne 311 :
Le fatal objet de sa flamme ;
Le fatal objet de sa flamme ;


Que Jupiter lui-même en frémisse d'horreur. [90]
Que Jupiter lui-même en frémisse d'horreur.




Ligne 338 : Ligne 338 :
Mes yeux ne versent plus de larmes.
Mes yeux ne versent plus de larmes.


Que dis-je ? Mon exil, mes malheurs me sont chers. [95]
Que dis-je ? Mon exil, mes malheurs me sont chers.


Pour moi l'esclavage a des charmes.
Pour moi l'esclavage a des charmes.
Ligne 348 : Ligne 348 :
Quelle voix suspend mes alarmes ?
Quelle voix suspend mes alarmes ?


Quel Dieu vient adoucir la rigueur de mes fers ? [100]
Quel Dieu vient adoucir la rigueur de mes fers ?




Ligne 366 : Ligne 366 :
Moi-même, avant de la connaître,
Moi-même, avant de la connaître,


J'ai lu vos destins dans vos yeux. [105]
J'ai lu vos destins dans vos yeux.


L'amour vous a soumis un cœur dont il est maître.
L'amour vous a soumis un cœur dont il est maître.
Ligne 379 : Ligne 379 :
Nos cœurs sont-ils faits pour l'amour ?
Nos cœurs sont-ils faits pour l'amour ?


Et puis-je pardonner au sang qui vous anime [110]
Et puis-je pardonner au sang qui vous anime


Sans révolter celui qui me donna le jour ?
Sans révolter celui qui me donna le jour ?
Ligne 392 : Ligne 392 :
C'est le crime de la victoire,
C'est le crime de la victoire,


Et non pas celui du vainqueur. [115]
Et non pas celui du vainqueur.


Mais, faut-il vous venger en me perçant le cœur ?
Mais, faut-il vous venger en me perçant le cœur ?
Ligne 413 : Ligne 413 :
Hélas ! À travers ma douleur
Hélas ! À travers ma douleur


Voyez-vous éclater une haine implacable ? [120]
Voyez-vous éclater une haine implacable ?


Non, non, vous n'êtes point coupable.
Non, non, vous n'êtes point coupable.
Ligne 426 : Ligne 426 :
{{personnage|HILUS.|c}}
{{personnage|HILUS.|c}}


Si vous m'aimez, quel bien manquerait à mes vœux ? [125]
Si vous m'aimez, quel bien manquerait à mes vœux ?




Ligne 448 : Ligne 448 :
{{personnage|HILUS.|c}}
{{personnage|HILUS.|c}}


Mon père est mon rival ! [130]
Mon père est mon rival !




Ligne 461 : Ligne 461 :
Dans les fers me traîner mourante ;
Dans les fers me traîner mourante ;


Et je l'ai vu m'offrir sa main [135]
Et je l'ai vu m'offrir sa main


Qui du sang de mon père était encore fumante.
Qui du sang de mon père était encore fumante.
Ligne 485 : Ligne 485 :
{{personnage|IOLE.|c}}
{{personnage|IOLE.|c}}


Tremblez que sa fureur jalouse [140]
Tremblez que sa fureur jalouse


Ne le rende encor plus cruel.
Ne le rende encor plus cruel.
Ligne 495 : Ligne 495 :
Un regard, un soupir est facile à surprendre ;
Un regard, un soupir est facile à surprendre ;


Le mystère en amour est un voile léger, [145]
Le mystère en amour est un voile léger,


Et tout peut trahir un cœur tendre.
Et tout peut trahir un cœur tendre.
Ligne 508 : Ligne 508 :
La plaisir de mêler nos larmes
La plaisir de mêler nos larmes


N'adoucira plus nos malheurs. [150]
N'adoucira plus nos malheurs.


La pitié dans vos yeux a pour moi trop de charmes.
La pitié dans vos yeux a pour moi trop de charmes.
Ligne 532 : Ligne 532 :
{{didascalie|vivement}}
{{didascalie|vivement}}


Mon fils, que tes vaisseaux, avant la fin du jour, [155]
Mon fils, que tes vaisseaux, avant la fin du jour,


Soient prêts à s'élancer sur la plaine liquide.
Soient prêts à s'élancer sur la plaine liquide.
Ligne 549 : Ligne 549 :
De mon bonheur puis-je douter encore, Dircé ?
De mon bonheur puis-je douter encore, Dircé ?


J'aime un héros que l'univers adore, [160]
J'aime un héros que l'univers adore,


Le digne sang des dieux, l'exemple des mortels,
Le digne sang des dieux, l'exemple des mortels,
Ligne 562 : Ligne 562 :
Puisse le tendre amour dont vous brûlez sans cesse
Puisse le tendre amour dont vous brûlez sans cesse


Ne jamais vous coûter de pleurs ! [165]
Ne jamais vous coûter de pleurs !




Ligne 575 : Ligne 575 :
Le charme est enfin dissipé.
Le charme est enfin dissipé.


Il s'éloigne d'Omphale, il me tient sa promesse, [170]
Il s'éloigne d'Omphale, il me tient sa promesse,


Il vient me rendre un cœur de moi seule occupé.
Il vient me rendre un cœur de moi seule occupé.
Ligne 595 : Ligne 595 :
Des cœurs qu'il a soumis recevez l'humble hommage.
Des cœurs qu'il a soumis recevez l'humble hommage.


Sa valeur n'eût jamais enchaîné que des mains ; [175]
Sa valeur n'eût jamais enchaîné que des mains ;


Sa démence a fait davantage.
Sa démence a fait davantage.
Ligne 614 : Ligne 614 :
Partout où l'on aime.
Partout où l'on aime.


Pour tous, en tous lieux [180]
Pour tous, en tous lieux


L'Amour est le même.
L'Amour est le même.
Ligne 627 : Ligne 627 :
{{personnage|LE CHŒUR.|c}}
{{personnage|LE CHŒUR.|c}}


Nous trouvons nos dieux [185]
Nous trouvons nos dieux


Partout où l'on aime, etc.
Partout où l'on aime, etc.
Ligne 640 : Ligne 640 :
Bergers, ou guerriers,
Bergers, ou guerriers,


Nous n'avons qu'un maître. [190]
Nous n'avons qu'un maître.


Aimé dans les fers
Aimé dans les fers
Ligne 653 : Ligne 653 :
Nous trouvons nos dieux
Nous trouvons nos dieux


Partout où l'on aime, etc. [195]
Partout où l'on aime, etc.




Ligne 672 : Ligne 672 :
Mais à vaincre le sort un grand cœur met sa gloire.
Mais à vaincre le sort un grand cœur met sa gloire.


Vos droits vous sont rendus dans cet heureux séjour. [200]
Vos droits vous sont rendus dans cet heureux séjour.


Du fils de Jupiter la cour est votre asile.
Du fils de Jupiter la cour est votre asile.
Ligne 688 : Ligne 688 :
Non, non, si mes vœux sont remplis,
Non, non, si mes vœux sont remplis,


Vous ne gémirez plus du malheur qui vous presse. [205]
Vous ne gémirez plus du malheur qui vous presse.


Dans ces lieux, pour vous embellis,
Dans ces lieux, pour vous embellis,
Ligne 707 : Ligne 707 :
Si vous êtes sensible aux pleurs de l'innocence,
Si vous êtes sensible aux pleurs de l'innocence,


De ces bords dangereux laissez-moi me bannir. [210]
De ces bords dangereux laissez-moi me bannir.


Laissez-moi retourner aux lieux de ma naissance,
Laissez-moi retourner aux lieux de ma naissance,
Ligne 723 : Ligne 723 :
Si vous êtes sensible aux pleurs de l'innocence,
Si vous êtes sensible aux pleurs de l'innocence,


De ces bords dangereux laissez-moi me bannir. [215]
De ces bords dangereux laissez-moi me bannir.




Ligne 753 : Ligne 753 :
{{personnage|DÉJANIRE.|c}}
{{personnage|DÉJANIRE.|c}}


Dieux, qu'entends-je ! [220]
Dieux, qu'entends-je !




Ligne 772 : Ligne 772 :
L'esclave favori d'Alcide,
L'esclave favori d'Alcide,


Lychas a publié ce mystère odieux. [225]
Lychas a publié ce mystère odieux.


Daignez l'interroger.
Daignez l'interroger.
Ligne 785 : Ligne 785 :
Je n'en ai que trop entendu.
Je n'en ai que trop entendu.


Cette esclave est tremblante et veut fuir ce rivage ; [230]
Cette esclave est tremblante et veut fuir ce rivage ;


J'ai vu mon fils lui-même interdit, confondu.
J'ai vu mon fils lui-même interdit, confondu.
Ligne 795 : Ligne 795 :
Déchirent mon cœur éperdu.
Déchirent mon cœur éperdu.


C'en est fait, mes enfants, vous avez tout perdu. [235]
C'en est fait, mes enfants, vous avez tout perdu.


L'opprobre et l'abandon, voila votre partage.
L'opprobre et l'abandon, voila votre partage.
Ligne 805 : Ligne 805 :
Que pour lui voir briser le saint nœud qui l'engage ?
Que pour lui voir briser le saint nœud qui l'engage ?


Est-ce là le prix qui m'est dû ? [240]
Est-ce là le prix qui m'est dû ?


Non, je ne puis survivre à ce dernier outrage.
Non, je ne puis survivre à ce dernier outrage.
Ligne 818 : Ligne 818 :
Pour ramener l'ingrat n'avez-vous point encore
Pour ramener l'ingrat n'avez-vous point encore


Ce tissu précieux, ce présent du Centaure ? [245]
Ce tissu précieux, ce présent du Centaure ?




Ligne 834 : Ligne 834 :
C'est un charme puissant pour attendrir son âme :
C'est un charme puissant pour attendrir son âme :


Nessus vous l'a prédit expirant à vos yeux. [250]
Nessus vous l'a prédit expirant à vos yeux.




Ligne 847 : Ligne 847 :
Je périrai moi-même avant qu'il s'accomplisse.
Je périrai moi-même avant qu'il s'accomplisse.


Viens. À la perfide opposons l'artifice : [255]
Viens. À la perfide opposons l'artifice :


C'est le dernier espoir que me laissent les dieux.
C'est le dernier espoir que me laissent les dieux.
Ligne 875 : Ligne 875 :
Destructeur des tyrans de la terre et des mers,
Destructeur des tyrans de la terre et des mers,


Je ne puis sur mon cœur remporter la victoire ; [260]
Je ne puis sur mon cœur remporter la victoire ;


Et dompté par l'amour, je languis dans ses fers.
Et dompté par l'amour, je languis dans ses fers.
Ligne 893 : Ligne 893 :
Au pied du monte Olympe, une illustre jeunesse
Au pied du monte Olympe, une illustre jeunesse


Vient célébrer les jeux que tu fais publier. [265]
Vient célébrer les jeux que tu fais publier.




Ligne 909 : Ligne 909 :
{{personnage|PHILOCTÈTE.|c}}
{{personnage|PHILOCTÈTE.|c}}


On succombe aisément au danger que l'on aime. [270]
On succombe aisément au danger que l'on aime.


Ton cœur ne connaît pas ce qu'il peut sur lui-même.
Ton cœur ne connaît pas ce qu'il peut sur lui-même.
Ligne 919 : Ligne 919 :
Vois du plus tendre hymen les fruits abandonnés.
Vois du plus tendre hymen les fruits abandonnés.


A la honte, à l'oubli les as-tu condamnés ? [275]
A la honte, à l'oubli les as-tu condamnés ?


Rompras-tu sans remords des nœuds si pleins de charmes ?
Rompras-tu sans remords des nœuds si pleins de charmes ?
Ligne 932 : Ligne 932 :
J'immolerais mon fils pour première victime,
J'immolerais mon fils pour première victime,


Si je m'abandonnais à mes transports jaloux. [280]
Si je m'abandonnais à mes transports jaloux.




Ligne 953 : Ligne 953 :
{{personnage|PHILOCTÈTE.|c}}
{{personnage|PHILOCTÈTE.|c}}


Tous les monstres encor ne sont pas terrassés. [285]
Tous les monstres encor ne sont pas terrassés.




Ligne 980 : Ligne 980 :
{{didascalie|Une Symphonie guerrière annonce l'arrivée de combattants.}}
{{didascalie|Une Symphonie guerrière annonce l'arrivée de combattants.}}


Mais j'entends dans les airs la trompette éclatante. [290]
Mais j'entends dans les airs la trompette éclatante.


{{didascalie|Les jeux sont annoncés.}}
{{didascalie|Les jeux sont annoncés.}}
Ligne 1 004 : Ligne 1 004 :
Dieu souverain de tous les dieux !
Dieu souverain de tous les dieux !


Reconnais un mortel qui te doit la naissance. [295]
Reconnais un mortel qui te doit la naissance.


J'ai puni comme toi le crime audacieux ;
J'ai puni comme toi le crime audacieux ;
Ligne 1 017 : Ligne 1 017 :
{{personnage|LE CHŒUR.|c}}
{{personnage|LE CHŒUR.|c}}


Chantons Alcide et ses combats. [300]
Chantons Alcide et ses combats.




Ligne 1 039 : Ligne 1 039 :
{{personnage|HERCULE et PHILOCTÈTE.|c}}
{{personnage|HERCULE et PHILOCTÈTE.|c}}


Chantez, chantez le dieu terrible [305]
Chantez, chantez le dieu terrible


Qui donne la force à mon bras.
Qui donne la force à mon bras.
Ligne 1 052 : Ligne 1 052 :
Chantons Alcide et ses combats.
Chantons Alcide et ses combats.


Chantons. [310]
Chantons.




Ligne 1 077 : Ligne 1 077 :
{{personnage|UN THESSALIEN.|c}}
{{personnage|UN THESSALIEN.|c}}


Volez, amours, sur le char de la gloire. [315]
Volez, amours, sur le char de la gloire.


Pour les héros les doux loisirs sont faits.
Pour les héros les doux loisirs sont faits.
Ligne 1 087 : Ligne 1 087 :
Dans les combats voyez Mars en colère,
Dans les combats voyez Mars en colère,


Il fait frémir l'univers alarmé. [320]
Il fait frémir l'univers alarmé.


Prés de Vénus voyez Mars à Cythère,
Prés de Vénus voyez Mars à Cythère,
Ligne 1 096 : Ligne 1 096 :
{{personnage|LE THESSALIEN et LE CHŒUR.|c}}
{{personnage|LE THESSALIEN et LE CHŒUR.|c}}


Volez, amours, etc.
Volez, amours, sur le char de la gloire.

Pour les héros les doux loisirs sont faits.

L'aimable paix embellit la victoire,

Et les plaisirs embellissent la paix.

Dans les combats voyez Mars en colère,

Il fait frémir l'univers alarmé.

Prés de Vénus voyez Mars à Cythère,

Rien n'est plus doux que ce dieu désarmé.




Ligne 1 116 : Ligne 1 130 :
{{didascalie|présentant la robe envoyée par Déjanire}}
{{didascalie|présentant la robe envoyée par Déjanire}}


De l'amour le plus tendre [325]
De l'amour le plus tendre


Recevez l'offrande et les vœux.
Recevez l'offrande et les vœux.
Ligne 1 126 : Ligne 1 140 :
Ah ! que n'avez-vous pu l'entendre !
Ah ! que n'avez-vous pu l'entendre !


Que n'avez-vous pu voir éclater ses transports ! [330]
Que n'avez-vous pu voir éclater ses transports !


Son cœur s'élançait vers ces bords,
Son cœur s'élançait vers ces bords,
Ligne 1 136 : Ligne 1 150 :
Déjanire est tremblante, et n'ose croire encore
Déjanire est tremblante, et n'ose croire encore


Que le sort apaisé lui rende son époux. [335]
Que le sort apaisé lui rende son époux.


Les dieux même, les dieux que l'univers adore
Les dieux même, les dieux que l'univers adore
Ligne 1 152 : Ligne 1 166 :
Alcide, à quoi te résous-tu ?
Alcide, à quoi te résous-tu ?


Le crime et la vertu se disputent ton âme ; [340]
Le crime et la vertu se disputent ton âme ;


Vas-tu céder au crime et trahir la vertu ?
Vas-tu céder au crime et trahir la vertu ?
Ligne 1 177 : Ligne 1 191 :
{{personnage|HERCULE.|c}}
{{personnage|HERCULE.|c}}


Est-ce assez d'adoucir, de plaindre ses malheurs ? [345]
Est-ce assez d'adoucir, de plaindre ses malheurs ?


Dans un humble esclavage est-ce assez qu'elle vive ?
Dans un humble esclavage est-ce assez qu'elle vive ?
Ligne 1 195 : Ligne 1 209 :
{{personnage|HERCULE.|c}}
{{personnage|HERCULE.|c}}


Vous l'aimez, je vous cède mes droits, [350]
Vous l'aimez, je vous cède mes droits,


Et je vous remets ma conquête.
Et je vous remets ma conquête.
Ligne 1 220 : Ligne 1 234 :
La vertu dans mon cœur te devra son retour ;
La vertu dans mon cœur te devra son retour ;


Et sans l'amitié qui me guide [355]
Et sans l'amitié qui me guide


Je me laissais encore égarer par l'amour.
Je me laissais encore égarer par l'amour.
Ligne 1 230 : Ligne 1 244 :
Viens, Lychas, porte-moi ce voile précieux :
Viens, Lychas, porte-moi ce voile précieux :


Puis-je m'en revêtir pour un plus digne usage [360]
Puis-je m'en revêtir pour un plus digne usage


Que pour sacrifier au souverain des dieux.
Que pour sacrifier au souverain des dieux.
Ligne 1 264 : Ligne 1 278 :
Juge du coup mortel dont mon âme est frappée.
Juge du coup mortel dont mon âme est frappée.


Le sang où la robe est trempée, [365]
Le sang où la robe est trempée,


A mes yeux vient de s'enflammer.
A mes yeux vient de s'enflammer.
Ligne 1 274 : Ligne 1 288 :
Tu m'en as inspiré le coupable dessein ;
Tu m'en as inspiré le coupable dessein ;


Ou plutôt c'est l'enfer qui l'a mis dans mon sein. [370]
Ou plutôt c'est l'enfer qui l'a mis dans mon sein.




Ligne 1 310 : Ligne 1 324 :
Dieu, grand Dieu ! sois sensible à ma douleur profonde.
Dieu, grand Dieu ! sois sensible à ma douleur profonde.


Protège un héros cher au monde : [375]
Protège un héros cher au monde :


Hélas ! il est ton sang, il est digne de toi.
Hélas ! il est ton sang, il est digne de toi.
Ligne 1 330 : Ligne 1 344 :
D'Alcide en ce moment les jours sont menacés :
D'Alcide en ce moment les jours sont menacés :


Attirez sur moi le tonnerre ; [380]
Attirez sur moi le tonnerre ;


Qu'Alcide vive, c'est assez.
Qu'Alcide vive, c'est assez.
Ligne 1 346 : Ligne 1 360 :
De tes autels j'approche en frémissant.
De tes autels j'approche en frémissant.


Mon crime m'a rendu ton temple redoutable. [385]
Mon crime m'a rendu ton temple redoutable.


Hélas ! ma main seule est coupable,
Hélas ! ma main seule est coupable,
Ligne 1 364 : Ligne 1 378 :
{{personnage|LE GRAND PRÊTRE et LE CHŒUR.|c}}
{{personnage|LE GRAND PRÊTRE et LE CHŒUR.|c}}


Père d'Alcide, à tes genoux, [390]
Père d'Alcide, à tes genoux,

Pour lui nos vœux se font entendre.
Pour lui nos vœux se font entendre.


Ligne 1 383 : Ligne 1 397 :
{{personnage|LE GRAND PRÊTRE.|c}}
{{personnage|LE GRAND PRÊTRE.|c}}


Fuis, tremble, épouse criminelle. [395]
Fuis, tremble, épouse criminelle.


Le ciel avec horreur rejette ton encens.
Le ciel avec horreur rejette ton encens.
Ligne 1 419 : Ligne 1 433 :
Ce nom me fait frémir d'effroi.
Ce nom me fait frémir d'effroi.


Allez, allez cacher dans la nuit éternelle [400]
Allez, allez cacher dans la nuit éternelle


Un forfait qui vous rend l'horreur de l'univers.
Un forfait qui vous rend l'horreur de l'univers.
Ligne 1 429 : Ligne 1 443 :
Vous rendez votre fils le bourreau de son père !
Vous rendez votre fils le bourreau de son père !


Puis-je à ces traits affreux reconnaître ma mère ? [405]
Puis-je à ces traits affreux reconnaître ma mère ?




Ligne 1 450 : Ligne 1 464 :
Injustes Dieux ! cruels destins !
Injustes Dieux ! cruels destins !


C'est vous qui dans le crime entraînez l'innocence. [410]
C'est vous qui dans le crime entraînez l'innocence.




Ligne 1 463 : Ligne 1 477 :
Il marchait à l'autel ; une flamme infernale
Il marchait à l'autel ; une flamme infernale


Tout à coup pénètre ses sens. [415]
Tout à coup pénètre ses sens.


Il veut de la douleur étouffer les accents,
Il veut de la douleur étouffer les accents,
Ligne 1 473 : Ligne 1 487 :
Il rompt ce farouche silence.
Il rompt ce farouche silence.


Son corps fumant exhale une noire vapeur [420]
Son corps fumant exhale une noire vapeur


A ses flancs embrasés le voile affreux s'attache
A ses flancs embrasés le voile affreux s'attache
Ligne 1 483 : Ligne 1 497 :
Et le poison rapide a coulé dans son cœur.
Et le poison rapide a coulé dans son cœur.


Il tombe, il se débat en mordant la poussière : [425]
Il tombe, il se débat en mordant la poussière :


Des pleurs mêlés de sang inondent sa paupière :
Des pleurs mêlés de sang inondent sa paupière :
Ligne 1 493 : Ligne 1 507 :
Tout frémit : la terreur l'environne et nous glace.
Tout frémit : la terreur l'environne et nous glace.


Il me voit, il m'appelle, et j'approche éperdu. [430]
Il me voit, il m'appelle, et j'approche éperdu.


Malheureux, m'a-t-il dit, ton erreur m'a perdu ;
Malheureux, m'a-t-il dit, ton erreur m'a perdu ;
Ligne 1 503 : Ligne 1 517 :
Que ma faiblesse déshonore ;
Que ma faiblesse déshonore ;


Fuyons, puisque je vis encore, [435]
Fuyons, puisque je vis encore,


Et cessons d'exciter la pitié des mortels.
Et cessons d'exciter la pitié des mortels.
Ligne 1 518 : Ligne 1 532 :
De mes transports jaloux ton père est la victime.
De mes transports jaloux ton père est la victime.


Par un charme inconnu j'ai voulu l'engager ; [440]
Par un charme inconnu j'ai voulu l'engager ;


Ce charme est un poison funeste
Ce charme est un poison funeste
Ligne 1 528 : Ligne 1 542 :
Rien n'excuse l'erreur de mon cœur égaré.
Rien n'excuse l'erreur de mon cœur égaré.


Qu'Alcide en mourant me déteste ; [445]
Qu'Alcide en mourant me déteste ;


Que de tout l'univers mon nom soit abhorré.
Que de tout l'univers mon nom soit abhorré.
Ligne 1 556 : Ligne 1 570 :
{{personnage|LE CHŒUR.|c}}
{{personnage|LE CHŒUR.|c}}


Alcide au tombeau va descendre. [450]
Alcide au tombeau va descendre.


Qui méritait mieux des autels ?
Qui méritait mieux des autels ?
Ligne 1 576 : Ligne 1 590 :
Enfin je succombe à ma rage.
Enfin je succombe à ma rage.


L'excès de la douleur a vaincu mon courage. [455]
L'excès de la douleur a vaincu mon courage.




Ligne 1 595 : Ligne 1 609 :
{{personnage|HERCULE.|c}}
{{personnage|HERCULE.|c}}


Quelle mort ! sous les coups d'une femme perfide ! [460]
Quelle mort ! sous les coups d'une femme perfide !


Oui, je veux lui survivre ; oui, je veux de ma main
Oui, je veux lui survivre ; oui, je veux de ma main
Ligne 1 610 : Ligne 1 624 :
{{personnage|PHILOCTÈTE.|c}}
{{personnage|PHILOCTÈTE.|c}}


Tu le vois dans la douleur plongé. [465]
Tu le vois dans la douleur plongé.




Ligne 1 641 : Ligne 1 655 :
{{personnage|HILUS.|c}}
{{personnage|HILUS.|c}}


Hélas ! Connaissez mon erreur : [470]
Hélas ! Connaissez mon erreur :


Pour vous rendre à ses vœux, dans ses tendres alarmes
Pour vous rendre à ses vœux, dans ses tendres alarmes
Ligne 1 654 : Ligne 1 668 :
{{personnage|HERCULE.|c}}
{{personnage|HERCULE.|c}}


Son cœur n'est point coupable ! [475]
Son cœur n'est point coupable !




Ligne 1 686 : Ligne 1 700 :
{{didascalie|en s'approchant}}
{{didascalie|en s'approchant}}


Ô jour fatal ! Ô mort cruelle ! [480]
Ô jour fatal ! Ô mort cruelle !




Ligne 1 723 : Ligne 1 737 :
{{personnage|HILUS.|c}}
{{personnage|HILUS.|c}}


Nos malheurs sont comblés. [485]
Nos malheurs sont comblés.




Ligne 1 736 : Ligne 1 750 :
En mourant je dois vous unir.
En mourant je dois vous unir.


Je dois de Palénor calmer l'ombre plaintive. [490]
Je dois de Palénor calmer l'ombre plaintive.




Ligne 1 749 : Ligne 1 763 :
Avec plus de fureur je sens qu'il se rallume.
Avec plus de fureur je sens qu'il se rallume.


Quel accès ! quel supplice ! ô dieux qui m'éprouvez, [495]
Quel accès ! quel supplice ! ô dieux qui m'éprouvez,


Qui vous offrit jamais plus d'encens, de victimes ?
Qui vous offrit jamais plus d'encens, de victimes ?
Ligne 1 762 : Ligne 1 776 :
Viens, mon fils, sois témoin de l'excès de mes maux.
Viens, mon fils, sois témoin de l'excès de mes maux.


Peuples heureux par mes travaux, [500]
Peuples heureux par mes travaux,


Est-ce là le bras invincible,
Est-ce là le bras invincible,
Ligne 1 772 : Ligne 1 786 :
Le reconnaissez-vous dans cet état horrible ?
Le reconnaissez-vous dans cet état horrible ?


Hercule est abattu : tyrans vous triomphez. [505]
Hercule est abattu : tyrans vous triomphez.




Ligne 1 785 : Ligne 1 799 :
Déchirez, dispersez mes dépouilles sanglantes.
Déchirez, dispersez mes dépouilles sanglantes.


Arrachez de mon sein mes entrailles brûlantes. [510]
Arrachez de mon sein mes entrailles brûlantes.


Lâches, vous frémissez, vous m'abandonnez tous.
Lâches, vous frémissez, vous m'abandonnez tous.
Ligne 1 801 : Ligne 1 815 :
{{personnage|HILUS et LE CHOEUR.|c}}
{{personnage|HILUS et LE CHOEUR.|c}}


Il expire dans les tourments. [515]
Il expire dans les tourments.




Ligne 1 828 : Ligne 1 842 :
{{personnage|HERCULE.|c}}
{{personnage|HERCULE.|c}}


Jure-moi que tu vas la remplir. [520]
Jure-moi que tu vas la remplir.




Ligne 1 863 : Ligne 1 877 :
{{personnage|HILUS.|c}}
{{personnage|HILUS.|c}}


Vous voulez que je sois l'horreur de la nature ! [525]
Vous voulez que je sois l'horreur de la nature !


Les dieux me puniraient si je n'étais parjure.
Les dieux me puniraient si je n'étais parjure.
Ligne 1 913 : Ligne 1 927 :
Viens, mon fils, viens jouir de ta gloire nouvelle,
Viens, mon fils, viens jouir de ta gloire nouvelle,


La flamme a consumé ta dépouille mortelle ; [530]
La flamme a consumé ta dépouille mortelle ;


Triomphe du trépas, affranchi toi des lois.
Triomphe du trépas, affranchi toi des lois.
Ligne 1 929 : Ligne 1 943 :
{{personnage|LE CHŒUR, LA COUR CÉLESTE et LE PEUPLE.|c}}
{{personnage|LE CHŒUR, LA COUR CÉLESTE et LE PEUPLE.|c}}


Que tout l'univers soit son temple [535]
Que tout l'univers soit son temple


Il est rempli de ses bienfaits.
Il est rempli de ses bienfaits.
Ligne 1 948 : Ligne 1 962 :
{{didascalie|en s'élevant aux cieux}}
{{didascalie|en s'élevant aux cieux}}


Peuples, recevez mes adieux. [540]
Peuples, recevez mes adieux.





Version du 24 février 2015 à 20:02


Tête d'Héraclès, Glyptothek Munich


PERSONNAGES

HERCULE

DÉJANIRE, épouse d'Hercule.

HILUS, fils d'Hercule et de Déjanire.

PHILOCTÈTE, compagnon d'Hercule.

IOLE, Princesse captive.

LYCHAS, esclave d'Hercule.

DIRCÉ, confidente de Déjanire.

JUPITER.

JUNON.

LA JALOUSIE.

CHŒURS de Thessaliens.

CHŒURS de Captifs.

CHŒURS de Combattants dans les Jeux Olympiques.

CHŒURS de Prêtres de Jupiter.

CHIEURS de Femmes, suivantes de Déjanire.

CHŒURS de Guerriers, compagnons d'Hercule.

CHŒURS de Divinités célestes.



ACTE I


Le théâtre représente le palais d'Hercule à Trachine.



Scène première

Déjanire, Dircé


DÉJANIRE.

Dircé, voici le jour où mon sort se décide,

Le jour qui doit me rendre Alcide,

Hélas ! s'il peut m'être rendu.

Lui-même il a marqué ce terme à son absence,

Et ce jour expiré, tout espoir est perdu.


DIRCÉ.

Junon le tient sous sa puissance,

Elle a prolongé ses travaux.


DÉJANIRE.

Dieux ! Encor des dangers nouveaux !

Ne vous lassez-vous point d'éprouver sa constance ?

Il vit pour l'univers ; il ne vit plus pour nous.

Faible, plaintive, errante, aux larmes condamnée,

Sa famille est abandonnée.

Il dédaigne les soins et de père et d'époux.


DIRCÉ.

De tous les ennuis qu'il vous cause,

Sa gloire doit vous consoler.


DÉJANIRE.

Sa gloire ? Ah ! sans frémir puis-je me rappeler

Les périls, les combats où sa valeur l'expose ?

Je crois le voir environné

Des monstres de Némée et de ceux d'Erymante,

J'entends les sifflements de l'Hydre menaçante,

J'entends les cris affreux de Cerbère enchaîné ;

Et mon époux sans cesse à mes yeux se présente

Luttant contre le sort, à le perdre obstiné.



Scène II

Hilus, Déjanire, Dircé


DÉJANIRE.


à Hilus

Mais que vois-je ? mon fils ! en quels lieux est Alcide ?


HILUS.

Il revient ; Junon même à ce vainqueur rapide

Se lasse d'opposer d'inutiles efforts.

Au pied du mont Olympe un saint devoir l'arrête.

A Jupiter son père il consacre une fête.

Cependant ses captifs s'avancent sur ces bords.

Dans les fers du vainqueur, une beauté céleste

Attire et charme tous les cœurs.


DÉJANIRE.

Et quelle est cette esclave ?


HILUS.

Un silence modeste

Nous cache son pays, son rang et ses aïeux,

Mais, si j'en crois mon cœur, elle est du sang des Dieux.

Tout en elle intéresse, enchante.

Avec elle on gémit de sa captivité.

Ah ! que la douleur est touchante

Lorsqu'elle afflige la beauté !

Verrez-vous sans pitié cette aimable captive ?

Il est si cruel d'accabler

L'innocence faible et craintive,

Et si doux de la consoler !


DÉJANIRE.

Pense au retour d'Alcide, à ce jour plein de charmes.

Dis-moi qu'il vient tarir les larmes

Que son absence a fait couler.

Mais j'entends des chants de victoire.



Scène III

Hilus, Déjanire, Dircé, Peuple de Thessaliens


qui vient féliciter Déjanire sur le retour d'Hercule

LE CHŒUR.

Victoire, victoire !

Le vainqueur des tyrans revient dans nos climats :

Il est précédé par la gloire,

Et la paix vole sur ses pas.


On danse.


UNE THESSALIENNE.

Triomphe, aimable paix, enchaîne les héros,

Ton règne est le printemps du monde.

Que jamais la trompette à nos voix ne réponde ;

Que la seule musette éveille les échos.

Triomphe, aimable paix, enchaîne les héros,

Ton règne est le printemps du monde.


On danse.


DÉJANIRE.

Peuple, c'est votre appui qui revient en ces lieux :

Allons à son retour intéresser les Dieux.


Tandis que Déjanire et le Peuple se retirent, Junon paraît dans les airs poursuivie par la Jalousie.



Scène IV

Junon, la Jalousie


JUNON.

N'es-tu qu'à moi seule fatale,

Jalousie infernale ?

Dans les cieux, sur la terre, attachée à mes pas,

Tu montes sur ton char, tu ne me quittes pas.

N'es-tu qu'à moi seule fatale,

Jalousie infernale ?

Ne sais-tu tourmenter que le cœur de Junon ?

Vois la gloire d'Alcide, et l'éclat de son nom ;

Vois le triomphe heureux que ce rivage étale.

Jalousie infernale,

Ne sais-tu tourmenter que le cœur de Junon ?


LA JALOUSIE.

Non, non, dans la nature entière

Tous les heureux sont mes rivaux.

Je voudrais du soleil obscurcir la lumière ;

D'Alcide en frémissant j'admire les travaux.

Le bonheur de Déjanire

Me révolte, me déchire :

Je voudrais l'en punir par des tourments nouveaux.


JUNON.

Va, répands dans son sein les feux qui me consument,

Ces feux que la vengeance et que l'amour allument.

Déjanire aime son époux ;

Invisible à ses yeux, et sans cesse autour d'elle,

Va signaler ta rage en servant mon courroux.


LA JALOUSIE.

Noirs soupçons, tourments des jaloux,

Par la voix de Dircé, sa compagne fidèle,

Venez percer son cœur des plus sensibles coups.


ensemble

Que le désespoir, la fureur,

Embrasent, dévorent son âme,

Qu'elle immole, dans son erreur,

Le fatal objet de sa flamme ;

Que Jupiter lui-même en frémisse d'horreur.


ACTE II


Le théâtre représente les jardins du Palais d'Hercule sur le bord de la mer.



Scène première


IOLE.


seule

Quelle voix suspend mes alarmes ?

Quel Dieu vient adoucir la rigueur de mes fers ?

En parcourant ces vastes mers

Mes yeux ne versent plus de larmes.

Que dis-je ? Mon exil, mes malheurs me sont chers.

Pour moi l'esclavage a des charmes.

Un calme heureux succède au tumulte des armes ;

Et j'oublie en ces lieux les plus cruels revers.

Quelle voix suspend mes alarmes ?

Quel Dieu vient adoucir la rigueur de mes fers ?



Scène II

Hilus, Iole


HILUS.

Venez, fille des rois, il est temps de paraître.

Le rang où le ciel vous fit naître

N'est plus ignoré dans ces lieux.

Moi-même, avant de la connaître,

J'ai lu vos destins dans vos yeux.

L'amour vous a soumis un cœur dont il est maître.

La beauté pour régner n'a pas besoin d'aïeux.


IOLE.

Laissez gémir une victime.

Nos cœurs sont-ils faits pour l'amour ?

Et puis-je pardonner au sang qui vous anime

Sans révolter celui qui me donna le jour ?

Hilus, mon père est mort.


HILUS.

Il est mort avec gloire.

C'est le crime de la victoire,

Et non pas celui du vainqueur.

Mais, faut-il vous venger en me perçant le cœur ?

Frappez.


IOLE.

Vous n'êtes point coupable.


HILUS.

Pourquoi donc m'accabler d'une injuste rigueur ?


IOLE.

Hélas ! À travers ma douleur

Voyez-vous éclater une haine implacable ?

Non, non, vous n'êtes point coupable.

Héros sensible et généreux,

Vous serez assez malheureux,

Sans que ma haine vous accable.


HILUS.

Si vous m'aimez, quel bien manquerait à mes vœux ?


IOLE.

Ah ! Je frémis des maux que l'amour nous prépare.

Mais dois-je révéler ce mystère fatal ?


HILUS.

Ah ! parlez. Quel effroi de mon âme s'empare !


IOLE.

Perfide époux, tyran barbare, Alcide ose m'aimer.


HILUS.

Mon père est mon rival !


IOLE.

Fille de Palénor, j'ai vu la flamme errante

Répandre dans nos murs sa fureur dévorante.

J'ai vu le vainqueur inhumain

Dans les fers me traîner mourante ;

Et je l'ai vu m'offrir sa main

Qui du sang de mon père était encore fumante.


HILUS.

Ô dieux ! Qu'ai-je entendu !


IOLE.

Son amour criminel

Vient m'attacher à lui par un nœud solennel.


HILUS.

Ô mère infortunée ! Ô malheureuse épouse !


IOLE.

Tremblez que sa fureur jalouse

Ne le rende encor plus cruel.

De nous voir et de nous entendre

Fuyons, s'il se peut, le danger.

Un regard, un soupir est facile à surprendre ;

Le mystère en amour est un voile léger,

Et tout peut trahir un cœur tendre.

De nous voir et de nous entendre

Fuyons, s'il se peut, le danger.


ensemble

La plaisir de mêler nos larmes

N'adoucira plus nos malheurs.

La pitié dans vos yeux a pour moi trop de charmes.

Oubliez mes alarmes,

Cachez-moi vos douleurs.

La pitié dans vos yeux a pour moi trop de charmes.


Iole sort.



Scène III

Hilus, Déjanire, Dircé


DÉJANIRE.


vivement

Mon fils, que tes vaisseaux, avant la fin du jour,

Soient prêts à s'élancer sur la plaine liquide.

Chargé de mes présents, vole au devant d'Alcide,

Va lui porter l'hommage et les vœux de l'amour.



Scène IV

Déjanire, Dircé


DÉJANIRE.

De mon bonheur puis-je douter encore, Dircé ?

J'aime un héros que l'univers adore,

Le digne sang des dieux, l'exemple des mortels,

Un fils dont Jupiter s'honore,

Qui doit lui-même un jour partager ses autels.


DIRCÉ.

Puisse le tendre amour dont vous brûlez sans cesse

Ne jamais vous coûter de pleurs !


DÉJANIRE.

Avec mille vertus Alcide eut sa faiblesse.

Les plaisirs sur ses pas ont répandu des fleurs ;

Ils ont égaré sa jeunesse.

Le charme est enfin dissipé.

Il s'éloigne d'Omphale, il me tient sa promesse,

Il vient me rendre un cœur de moi seule occupé.



Scène V

Déjanire, Dircé, Iole, les Captifs


Marche dansée, pendant laquelle les Captifs présentent les tributs de leurs climats. Pendant la marche, Iole reste au fond du théâtre.


LE CHŒUR DES CAPTIFS.

Épouse d'un héros qui des dieux est l'image,

L'amour et l'effroi des humains ;

Des cœurs qu'il a soumis recevez l'humble hommage.

Sa valeur n'eût jamais enchaîné que des mains ;

Sa démence a fait davantage.


DÉJANIRE.

Que de ces fers on les dégage.


On danse.


UNE CAPTIVE.

Je trouve mes dieux

Partout où l'on aime.

Pour tous, en tous lieux

L'Amour est le même.

Vaincus et vainqueurs,

Sous sa loi suprême

Il tient tous les cœurs.


LE CHŒUR.

Nous trouvons nos dieux

Partout où l'on aime, etc.


LA CAPTIVE.

Parmi les lauriers,

À l'ombre d'un hêtre,

Bergers, ou guerriers,

Nous n'avons qu'un maître.

Aimé dans les fers

L'esclave croit être

Roi de l'univers.


LE CHŒUR.

Nous trouvons nos dieux

Partout où l'on aime, etc.


On danse. Iole s'avance pour rendre hommage à Déjanire.


DÉJANIRE.


à Iole

Princesse, au gré de la victoire

Les trônes tour à tour sont détruits ou fondés.

Le sort vous a trahie, et nous a secondés ;

Mais à vaincre le sort un grand cœur met sa gloire.

Vos droits vous sont rendus dans cet heureux séjour.

Du fils de Jupiter la cour est votre asile.


IOLE.

Le malheur fuit l'éclat du jour,

Il ne veut qu'un oubli tranquille.


DÉJANIRE.

Non, non, si mes vœux sont remplis,

Vous ne gémirez plus du malheur qui vous presse.

Dans ces lieux, pour vous embellis,

A vos destins tout s'intéresse.


IOLE.


à part

Et pour elle et pour moi quel horrible avenir !


à Déjanire

Si vous êtes sensible aux pleurs de l'innocence,

De ces bords dangereux laissez-moi me bannir.

Laissez-moi retourner aux lieux de ma naissance,

Y pleurer mes malheurs.


DÉJANIRE.

Non ; je veux les finir.


IOLE.

Si vous êtes sensible aux pleurs de l'innocence,

De ces bords dangereux laissez-moi me bannir.


DÉJANIRE.

C'en est assez. Alcide en ces lieux va venir ;

Et vous êtes sous sa puissance.


Iole se retire.



Scène VI

Déjanire, Dircé


DIRCÉ.


vivement

Est-ce à vous de la retenir ?

Apprenez qu'Alcide l'adore.


DÉJANIRE.

Dieux, qu'entends-je !


DIRCÉ.

On dit plus encore.

Au mépris de vos feux l'hymen va les unir.


DÉJANIRE.

Et qui t'a révélé le crime du perfide ?


DIRCÉ.

L'esclave favori d'Alcide,

Lychas a publié ce mystère odieux.

Daignez l'interroger.


DÉJANIRE.

Moi ! rougir à ses yeux !

Hélas ! pour m'accabler en faut-il davantage ?

Je n'en ai que trop entendu.

Cette esclave est tremblante et veut fuir ce rivage ;

J'ai vu mon fils lui-même interdit, confondu.

Du crime de l'ingrat leur trouble est le présage.

La honte, la douleur, le désespoir, la rage

Déchirent mon cœur éperdu.

C'en est fait, mes enfants, vous avez tout perdu.

L'opprobre et l'abandon, voila votre partage.

Père barbare !... Ô dieux qui me l'avez rendu,

Dans les pleurs ne l'ai-je attendu,

Que pour lui voir briser le saint nœud qui l'engage ?

Est-ce là le prix qui m'est dû ?

Non, je ne puis survivre à ce dernier outrage.

La honte, la douleur, le désespoir, la rage

Déchirent mon cœur éperdu.


DIRCÉ.

Pour ramener l'ingrat n'avez-vous point encore

Ce tissu précieux, ce présent du Centaure ?


DÉJANIRE.

Ah ! Dircé, quel recours ! je rougis d'y penser.


DIRCÉ.

Vous laisserez-vous offenser ?

Dans ce voile enchanté l'amour cache sa flamme.

C'est un charme puissant pour attendrir son âme :

Nessus vous l'a prédit expirant à vos yeux.


DÉJANIRE.

Je ne me connais plus... je tremble, je frissonne...

Au trouble de mes sens ma raison m'abandonne.

Je le vois préparer cet hymen odieux...

Je périrai moi-même avant qu'il s'accomplisse.

Viens. À la perfide opposons l'artifice :

C'est le dernier espoir que me laissent les dieux.



ACTE III



Scène première


Le lieu de la scène est un amphithéâtre, au-delà duquel on voit le temple de Jupiter.


HERCULE.


seul

Trompeuse image de ma gloire,

Cachez ma honte à l'univers.

Destructeur des tyrans de la terre et des mers,

Je ne puis sur mon cœur remporter la victoire ;

Et dompté par l'amour, je languis dans ses fers.

Trompeuse image de ma gloire,

Cachez ma honte à l'univers.



Scène II

Hercule, Philoctète


PHILOCTÈTE.

Au pied du monte Olympe, une illustre jeunesse

Vient célébrer les jeux que tu fais publier.


HERCULE.

Puissent-ils me faire oublier

Les charmes que j'évite et que je vois sans cesse !

Je ne t'ai point caché ma nouvelle faiblesse :

La beauté fut toujours l'écueil de ma vertu.


PHILOCTÈTE.

On succombe aisément au danger que l'on aime.

Ton cœur ne connaît pas ce qu'il peut sur lui-même.

Il eût vaincu l'amour, s'il avait combattu.

Vois Déjanire dans les larmes ;

Vois du plus tendre hymen les fruits abandonnés.

A la honte, à l'oubli les as-tu condamnés ?

Rompras-tu sans remords des nœuds si pleins de charmes ?


HERCULE.

Trop indigne des noms et de père et d'époux,

Je veux bien t'avouer la fureur qui m'anime.

J'immolerais mon fils pour première victime,

Si je m'abandonnais à mes transports jaloux.


PHILOCTÈTE.

Hilus !


HERCULE.

Il a su plaire à l'objet qui m'enflamme.

La haine et la pitié, la nature et l'amour

Partagent tour à tour

Et déchirent mon âme.


PHILOCTÈTE.

Tous les monstres encor ne sont pas terrassés.


HERCULE.

L'amour est dans mon cœur une hydre renaissante.


PHILOCTÈTE.


vivement

Ranime contre lui ta force languissante.


HERCULE.

Je le veux, mais en vain.


PHILOCTÈTE.

Tu le veux, c'est assez.

Une Symphonie guerrière annonce l'arrivée de combattants.

Mais j'entends dans les airs la trompette éclatante.

Les jeux sont annoncés.



Scène III

Hercule, Philoctète, Guerriers, Thessaliens, Thessaliennes, Compagnons d'Hercule


portant des trophées, composés de dépouilles des tyrans et des monstres qu'il a dompté.


HERCULE.


se tournant vers le Temple de Jupiter

Arbitre des destins, ô toi dont la puissance

Remplit l'immensité des cieux !

Dieu souverain de tous les dieux !

Reconnais un mortel qui te doit la naissance.

J'ai puni comme toi le crime audacieux ;

Comme toi j'ai vengé la timide innocence ;

De ton sang immortel suis-je digne à tes yeux ?

Arbitre des destins, etc.


LE CHŒUR.

Chantons Alcide et ses combats.


HERCULE.


vivement et avec reconnaissance

Chantez, chantez le dieu terrible

Qui donne la force à mon bras.


LE CHŒUR.

Chantons Alcide et ses combats.

Les tyrans sont domptés, et la terre est paisible.


HERCULE et PHILOCTÈTE.

Chantez, chantez le dieu terrible

Qui donne la force à mon bras.


LE CHŒUR.

A sa valeur rapide il n'est rien d'impossible.

Et partout la victoire a volé sur ses pas.

Chantons Alcide et ses combats.

Chantons.


HERCULE et PHILOCTÈTE.

Chantez le dieu qui me rend invincible.


LE CHŒUR.

Chantons Alcide et ses combats.


LE CHŒUR et ALCIDE.

Chantons le dieu terrible

Qui donne la force à mon bras.


Les jeux commencent par le combat de la lutte : le prix est la peau d'un tigre. Le vainqueur, après l'avoir reçue des mains d'Hercule, exprime son triomphe en dansant. Le prix du chant est une Lyre. On présente en dansant des couronnes aux vainqueurs.


UN THESSALIEN.

Volez, amours, sur le char de la gloire.

Pour les héros les doux loisirs sont faits.

L'aimable paix embellit la victoire,

Et les plaisirs embellissent la paix.

Dans les combats voyez Mars en colère,

Il fait frémir l'univers alarmé.

Prés de Vénus voyez Mars à Cythère,

Rien n'est plus doux que ce dieu désarmé.


LE THESSALIEN et LE CHŒUR.

Volez, amours, sur le char de la gloire.

Pour les héros les doux loisirs sont faits.

L'aimable paix embellit la victoire,

Et les plaisirs embellissent la paix.

Dans les combats voyez Mars en colère,

Il fait frémir l'univers alarmé.

Prés de Vénus voyez Mars à Cythère,

Rien n'est plus doux que ce dieu désarmé.


Les peuples et le compagnons d'Alcide se retirent sur une fanfare.



Scène IV

Hercule, Hilus, Lychas


HERCULE.

Quoi ! mon fils de retour ?


HILUS.


présentant la robe envoyée par Déjanire

De l'amour le plus tendre

Recevez l'offrande et les vœux.

Rendez à Déjanire un époux glorieux.

Venez tarir les pleurs que vous faites répandre.

Ah ! que n'avez-vous pu l'entendre !

Que n'avez-vous pu voir éclater ses transports !

Son cœur s'élançait vers ces bords,

Impatient de vous attendre.

Seigneur, venez jouir d'un spectacle si doux.

Déjanire est tremblante, et n'ose croire encore

Que le sort apaisé lui rende son époux.

Les dieux même, les dieux que l'univers adore

Ne sont pas aimés comme vous.


PHILOCTÈTE.


bas

Entre un coupable amour et la plus belle flamme,

Alcide, à quoi te résous-tu ?

Le crime et la vertu se disputent ton âme ;

Vas-tu céder au crime et trahir la vertu ?


HERCULE.


bas

Je le craindrai ce cœur trop long-temps combattu.


haut, à Hilus

Vous ne me parlez point de la jeune captive ?


HILUS.

La reine, qui la plaint, daigne essuyer ses pleurs.


HERCULE.

Est-ce assez d'adoucir, de plaindre ses malheurs ?

Dans un humble esclavage est-ce assez qu'elle vive ?

Le ciel l'a mise au rang des rois

Mon fils, du diadème il faut ceindre sa tête ;

Et pour la couronner c'est vous dont j'ai fait choix.


HILUS.

Moi ? Seigneur !


HERCULE.

Vous l'aimez, je vous cède mes droits,

Et je vous remets ma conquête.


HILUS.


aux pieds d'Alcide

Mon père ! Ah ! Ce bienfait m'est plus cher que le jour.


PHILOCTÈTE.


vivement

Enfin je reconnais Alcide.


HERCULE.

La vertu dans mon cœur te devra son retour ;

Et sans l'amitié qui me guide

Je me laissais encore égarer par l'amour.

Avant de quitter ce rivage

Allons à Jupiter présenter notre hommage.

Viens, Lychas, porte-moi ce voile précieux :

Puis-je m'en revêtir pour un plus digne usage

Que pour sacrifier au souverain des dieux.


ACTE IV


Le théâtre représente le vestibule du temple de Jupiter, à Trachine.



Scène première

Déjanire, Dircé, la Jalousie


DÉJANIRE.


éperdue

Qu'ai-je fait ! Ô Nessus, ta fureur m'a trompée.


DIRCÉ.

Reine, qui peut vous alarmer ?


DÉJANIRE.

Juge du coup mortel dont mon âme est frappée.

Le sang où la robe est trempée,

A mes yeux vient de s'enflammer.

Tremblante au bord du précipice,

J'avais craint d'employer ce funeste artifice :

Tu m'en as inspiré le coupable dessein ;

Ou plutôt c'est l'enfer qui l'a mis dans mon sein.


LA JALOUSIE.


traversant les airs

Oui, c'est la Jalousie, compagne et tyran de l'Amour.


DÉJANIRE.

Ciel !


LA JALOUSIE.

Je servais Junon, et Dircé m'a servie.

Pleure Alcide expirant ; tu le perds sans retour.


Dircé s'éloigne désespérée, et la Furie disparaît.



Scène II


DÉJANIRE.


seule

Dieu, grand Dieu ! sois sensible à ma douleur profonde.

Protège un héros cher au monde :

Hélas ! il est ton sang, il est digne de toi.


Les femmes de Déjanire accourent à ses cris ; le temple s'ouvre et les Prêtres paraissent.



Scène III

Déjanire, les Femmes de sa suite, les Prêtres de Jupiter


DÉJANIRE.

Ministres des autels, partagez mon effroi.

De ce héros, l'espoir, le vengeur de la terre,

D'Alcide en ce moment les jours sont menacés :

Attirez sur moi le tonnerre ;

Qu'Alcide vive, c'est assez.


LE CHŒUR avec DÉJANIRE.

Dieu, grand Dieu ! sois sensible à sa / ma douleur profonde ;

Protège un héros cher au monde.


DÉJANIRE.

De tes autels j'approche en frémissant.

Mon crime m'a rendu ton temple redoutable.

Hélas ! ma main seule est coupable,

Et mon cœur, tu le sais, mon cœur est innocent.


LE CHŒUR avec DÉJANIRE.

Dieu, grand Dieu ! sois sensible à sa / ma douleur profonde ;

Protège un héros cher au monde.

On danse.


LE GRAND PRÊTRE et LE CHŒUR.

Père d'Alcide, à tes genoux,

Pour lui nos vœux se font entendre.

Veille sur lui comme il veille sur nous

Rends lui les biens qu'il prend soin de répandre.


Les Prêtres préparent le sacrifice. La danse exprime les vœux des femmes de Déjanire. L'autel tremble et le tonnerre gronde.


DÉJANIRE.

Le temple est ébranlé ! Quels éclats menaçants !


LE GRAND PRÊTRE.

Fuis, tremble, épouse criminelle.

Le ciel avec horreur rejette ton encens.


Le temple se ferme.



Scène IV

Déjanire, Hilus


DÉJANIRE.

Ah ! mon fils !


HILUS.


éperdu

Dieux ! Qu'entends-je ? Et quelle voix m'appelle ?


DÉJANIRE.

Tu méconnais ta mère ! Arrête.


HILUS.

Laissez-moi.

Ce nom me fait frémir d'effroi.

Allez, allez cacher dans la nuit éternelle

Un forfait qui vous rend l'horreur de l'univers.

Quand je crois présenter les dons d'une main chère,

C'est votre fureur que je sers !

Vous rendez votre fils le bourreau de son père !

Puis-je à ces traits affreux reconnaître ma mère ?


DÉJANIRE.

Hélas ! C'en est donc fait.


HILUS.

La plus grand des humains,

Alcide, votre époux, l'auteur de ma naissance

A reçu la mort de mes mains.


DÉJANIRE.

Injustes Dieux ! cruels destins !

C'est vous qui dans le crime entraînez l'innocence.


HILUS.

Alcide expire, consumé

Du feu que dans son sein vous avez allumé.

Couvert de la robe fatale,

Il marchait à l'autel ; une flamme infernale

Tout à coup pénètre ses sens.

Il veut de la douleur étouffer les accents,

Mais il n'en peut dompter l'horrible violence,

Et par les cris les plus perçants

Il rompt ce farouche silence.

Son corps fumant exhale une noire vapeur

A ses flancs embrasés le voile affreux s'attache

Il le déchire avec fureur ;

Mais en lambeaux sanglants c'est en vain qu'il l'arrache,

Et le poison rapide a coulé dans son cœur.

Il tombe, il se débat en mordant la poussière :

Des pleurs mêlés de sang inondent sa paupière :

Il se relève avec effort,

Il embrasse l'autel, il implore la mort.

Tout frémit : la terreur l'environne et nous glace.

Il me voit, il m'appelle, et j'approche éperdu.

Malheureux, m'a-t-il dit, ton erreur m'a perdu ;

Mais elle est innocente, et ta douleur l'efface.

Traîne-moi loin de ces autels

Que ma faiblesse déshonore ;

Fuyons, puisque je vis encore,

Et cessons d'exciter la pitié des mortels.

Vous l'allez voir.


DÉJANIRE.

Après mon crime,

Le voir ! Ah ! je vais le venger.

De mes transports jaloux ton père est la victime.

Par un charme inconnu j'ai voulu l'engager ;

Ce charme est un poison funeste

Qu'une furie a préparé.

La rage des enfers, la colère céleste,

Rien n'excuse l'erreur de mon cœur égaré.

Qu'Alcide en mourant me déteste ;

Que de tout l'univers mon nom soit abhorré.

Mais en fermant les yeux de ton malheureux père,

Peins-lui le désespoir de ta coupable mère ;

Et dis-lui que mon cœur l'a toujours adoré.


ACTE V


Le théâtre représente le Mont Aetna environné d'épaisses forêts.



Scène première

les compagnons d'Hercule


élevant son bûcher


LE CHŒUR.

Alcide au tombeau va descendre.

Qui méritait mieux des autels ?

Hélas ! du plus grand des mortels

Il ne va rester que des cendres.



Scène II

Hercule, Philoctète, les Compagnons d'Hercule


HERCULE.


se traînant sur le bûcher

Enfin je succombe à ma rage.

L'excès de la douleur a vaincu mon courage.


à Philoctète

Cruel, à mes tourments veux-tu m'abandonner ?


PHILOCTÈTE.

De ta gloire à jamais ce seul instant décide.

Ose souffrir la vie, ose la couronner

Par une mort digne d'Alcide.


HERCULE.

Quelle mort ! sous les coups d'une femme perfide !

Oui, je veux lui survivre ; oui, je veux de ma main

Arracher son cœur inhumain.

Qui la dérobe à ma vengeance ?

Quoi ! mon fils avec elle est-il d'intelligence ?

Il me fuit.


PHILOCTÈTE.

Tu le vois dans la douleur plongé.



Scène III

Hilus, Hercule, Philoctète, les Compagnons d'Hercule


HERCULE.


à Hilus

Approche. Hé bien, suis-je vengé ?

Viens-tu d'immoler ma victime.


HILUS.

Elle est ma mère.


HERCULE.

Après son crime,

Peux-tu la nommer sans horreur ?


HILUS.

Hélas ! Connaissez mon erreur :

Pour vous rendre à ses vœux, dans ses tendres alarmes

Elle a cru n'employer qu'un secours innocent.

Nessus l'avait trompé ; et ce venin puissant

Est le sang du perfide infecté par vos armes.


HERCULE.

Son cœur n'est point coupable !


HILUS.

Ah ! croyez-en mes larmes

Et la douleur qu'elle ressent.


LE CHŒUR de femmes.


dans l'éloignement

Ô jour fatal ! Ô mort cruelle !


HERCULE.

Qu'entends-je ? Quel cri gémissant !



Scène IV

Iole, les Femmes de Déjanire, Hilus, Hercule, Philoctète, les Compagnons d'Hercule


LE CHŒUR.


en s'approchant

Ô jour fatal ! Ô mort cruelle !


HILUS.


à Iole

La reine ?...


IOLE.

Elle n'est plus.


HILUS.

Ô mon père !


IOLE.

À nos yeux

Elle vient d'expirer, en demandant aux dieux

D'épuiser leur rigueur sur elle.


HERCULE, HILUS et LE CHŒUR.

Ô jour fatal ! Ô mort cruelle !


HILUS.

Nos malheurs sont comblés.


HERCULE.

Il faut les soutenir.

Venez, trop aimable captive.

Pour essuyer vos pleurs que mon fils me survive.

En mourant je dois vous unir.

Je dois de Palénor calmer l'ombre plaintive.


à son fils

Tous mes maux vont finir : mon fils, embrasse-moi...

Non, non, arrête, éloigne-toi ;

Ah ! crains de respirer le feu qui me consume :

Avec plus de fureur je sens qu'il se rallume.

Quel accès ! quel supplice ! ô dieux qui m'éprouvez,

Qui vous offrit jamais plus d'encens, de victimes ?

Et si tel est le sort que vous me réservez,

Quel sort destinez-vous au crime ?


Il succombe.

Viens, mon fils, sois témoin de l'excès de mes maux.

Peuples heureux par mes travaux,

Est-ce là le bras invincible,

Ce bras sous qui tombaient les lions étouffés ?

Desséché, consumé d'une flamme invisible,

Le reconnaissez-vous dans cet état horrible ?

Hercule est abattu : tyrans vous triomphez.


Il se lève.

Au défaut de mes mains tremblantes

Hâtez-vous me secourir.

Je souffre mille morts, et je ne puis mourir.

Déchirez, dispersez mes dépouilles sanglantes.

Arrachez de mon sein mes entrailles brûlantes.

Lâches, vous frémissez, vous m'abandonnez tous.

Où sont-ils, ces brigands dont j'ai purgé la terre ?

Ils seraient moins cruels que vous.

Dieux ! accordez-moi le tonnerre.


Il retombe sur le bûcher.


HILUS et LE CHOEUR.

Il expire dans les tourments.


PHILOCTÈTE.

Alcide ! ... Quels gémissements !


HERCULE.


Il se relève.

Mes yeux appesantis vont perdre la lumière.

Hilus, jure-moi d'accomplir

La volonté d'un père à son heure dernière.


HILUS.

Ordonnez.


HERCULE.

Jure-moi que tu vas la remplir.


HILUS.

J'en atteste les dieux.


HERCULE.


Il monte sur le bûcher.

Viens délivrer mon âme

De son infernale prison.

Au bûcher de ton père ose porter la flamme.


HILUS.


épouvanté

Moi !


HERCULE.

Frémis du parjure et de la trahison.


HILUS.

Vous voulez que je sois l'horreur de la nature !

Les dieux me puniraient si je n'étais parjure.


HERCULE.

Obéis, tu le dois.


HILUS.

Je ne puis.


HERCULE.

Je le veux.


HILUS.

Mon père !


PHILOCTÈTE.

Alcide.


HERCULE.

Ah ! Malheureux !


La foudre tombe sur le bûcher et l'allume, Hercule est enveloppé par les flammes. Tout à coup le bûcher se transforme en un char, sur lequel Hercule paraît triomphant.



Scène dernière

Iole, les Femmes de Déjanire, Hilus, Hercule, Philoctète, les Compagnons d'Hercule, Jupiter

sur son Trône, environné de sa cour céleste


JUPITER.


à Hercule

Viens, mon fils, viens jouir de ta gloire nouvelle,

La flamme a consumé ta dépouille mortelle ;

Triomphe du trépas, affranchi toi des lois.

Dieux, il est votre égal. Terre, il est mon image.

Mondes qui m'adorez, rendez-lui votre hommage.

Astres brillants des cieux, retracez ses exploits...


Le Char d'Hercule s'élève jusqu'au pied du Trône de Jupiter.


LE CHŒUR, LA COUR CÉLESTE et LE PEUPLE.

Que tout l'univers soit son temple

Il est rempli de ses bienfaits.

Que sa gloire soit à jamais

Des vertus l'espoir et l'exemple,

Et l'épouvante des forfaits.


les Divinités célestes descendent et forment des danses. Cette fête est l'apothéose d'Hercule.


HERCULE.


en s'élevant aux cieux

Peuples, recevez mes adieux.


à Philoctète

Digne ami, c'est à toi que je laisse mes armes.


à Hilus

Mon fils, j'aurai sur vous les yeux.


à Iole

Princesse, embellissez la terre par vos charmes ;

Mais tournez quelquefois vos regards vers les cieux.


Un divertissement général termine l'opéra