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d’orgueil et de dureté, la monarchie un principe d’arbitraire<ref>On a dit que Michelet avait commencé, comme Victor Hugo, par être royaliste fervent. Cela est inexact. On en trouvera la preuve dans notre premier appendice sur le Journal intime de Michelet. Il appartenait à l’école libérale de la Restauration, tout en se défiant plus qu’elle du bonapartisme. Il admirait l’empereur, mais se souvenait qu’il avait ruiné son père et la France. Il évita longtemps de rien écrire sur Napoléon, se sentant trop partial contre lui. Quand, à la fin de sa vie, il entreprit l’histoire de Bonaparte, on a vu la force de ses ressentiments. Ce qui a fait croire au royalisme de Michelet, c’est qu’il donna des leçons à la fille du duc de Berry, plus tard duchesse de Parme, alors âgée de huit ans, et ressentit pour elle une tendresse dont il aima toujours à se souvenir. « Elle a ému mes entrailles de père », disait-il. — Il avait d’ailleurs un sens historique trop profond pour s’associer aux étroitesses intellectuelles des hommes de parti. Les dernières paroles qu’il a prononcées avant de mourir en sont un curieux témoignage. Sortant d’une demi-torpeur, il dit tout à coup : « On eût dû faire manger à Henri V des cœurs de lion. — Pourquoi ? lui demanda-t-on. — Parce qu’il aurait eu le tempérament plus militaire. » Sans vouloir attacher un sens trop précis à ces paroles, ne semble-t-il pas que Michelet ait eu à ce moment le sentiment que la faiblesse de la France contemporaine vient de la rupture de toutes ses traditions historiques ? N’a-t-il pas éprouvé un vague regret, regret d’historien et d’ami de la vieille France, en pensant qu’Henri V eût pu peut-être renouer ces traditions, s’il avait été capable de comprendre les aspirations légitimes et les besoins du monde moderne ?</ref>,
d’orgueil et de dureté, la monarchie un principe d’arbitraire[70],
tandis que la démocratie seule lui paraissait pouvoir
tandis que la démocratie seule lui paraissait pouvoir

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toute sa politique ; il était républicain, non en vertu d’une théorie rationnelle et abstraite, mais parce que l’aristocratie était à ses yeux un principe d’exclusion, d’orgueil et de dureté, la monarchie un principe d’arbitraire[1], tandis que la démocratie seule lui paraissait pouvoir

  1. On a dit que Michelet avait commencé, comme Victor Hugo, par être royaliste fervent. Cela est inexact. On en trouvera la preuve dans notre premier appendice sur le Journal intime de Michelet. Il appartenait à l’école libérale de la Restauration, tout en se défiant plus qu’elle du bonapartisme. Il admirait l’empereur, mais se souvenait qu’il avait ruiné son père et la France. Il évita longtemps de rien écrire sur Napoléon, se sentant trop partial contre lui. Quand, à la fin de sa vie, il entreprit l’histoire de Bonaparte, on a vu la force de ses ressentiments. Ce qui a fait croire au royalisme de Michelet, c’est qu’il donna des leçons à la fille du duc de Berry, plus tard duchesse de Parme, alors âgée de huit ans, et ressentit pour elle une tendresse dont il aima toujours à se souvenir. « Elle a ému mes entrailles de père », disait-il. — Il avait d’ailleurs un sens historique trop profond pour s’associer aux étroitesses intellectuelles des hommes de parti. Les dernières paroles qu’il a prononcées avant de mourir en sont un curieux témoignage. Sortant d’une demi-torpeur, il dit tout à coup : « On eût dû faire manger à Henri V des cœurs de lion. — Pourquoi ? lui demanda-t-on. — Parce qu’il aurait eu le tempérament plus militaire. » Sans vouloir attacher un sens trop précis à ces paroles, ne semble-t-il pas que Michelet ait eu à ce moment le sentiment que la faiblesse de la France contemporaine vient de la rupture de toutes ses traditions historiques ? N’a-t-il pas éprouvé un vague regret, regret d’historien et d’ami de la vieille France, en pensant qu’Henri V eût pu peut-être renouer ces traditions, s’il avait été capable de comprendre les aspirations légitimes et les besoins du monde moderne ?