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Vers le milieu du mois d’août 1814, Beyle quitta Paris et se rendit à Milan, où il séjourna pendant trois années consécutives. C’est donc par erreur qu’on l’a fait figurer parmi lei combattants à Waterloo ; il ne vint point en France dans l’interrègne, jugeant que Napoléon ayant contre lui tous les souverains de l’Europe, sa cause n’avait pas de chance de succès.

Ces trois années passées à Milan paraissent avoir été pour lui une époque bien heureuse ; il en parlait toujours avec enthousiasme. Les délicieuses soirées de la Scala ne pouvaient sortir de sa mémoire. Sans être riche, sa bourse suffisait à ses besoins ; il était jeune, amoureux, en relations journalières avec les hommes les plus distingués, et il écrivait l’Histoire de la peinture en Italie. Je ne puis donner une idée plus juste du charme qu’offrait alors à un homme d’esprit la société de Milan, qu’en empruntant à M. de Latour ce passage de son excellente notice sur Silvio Pellico.

« La maison du comte Porro était, à Milan, le rendez-vous de tous les étrangers de distinction, dans cette Italie que traversent incessamment les plus hautes intelligences de l’Europe. Là, apparaissaient tour à tour à l’auteur[1] de Françoise de Rimini, Byron, madame de Staël, Dawis, Schlegel, Brougham, l’industrielle Angleterre et la rêveuse Allemagne. Là, s’entretenaient de leurs communes espérances beaucoup d’Italiens de renom. C’était le célèbre Confalonieri, un des hommes les plus remarquables de notre temps, par ses talents politiques et par son grand caractère ; c’était Lodovico de Brême, poëte et prosateur à la fois ; c’était don Petro Borsieri de Faënza, critique ingénieux et poëte remarquable, avec bien d’autres encore. »

Tout enfin souriait à Beyle ; car il ne songeait guère à l’avenir, et le présent était sans nuage. Un jour, cependant, arriva où des peines de cœur assez vives lui firent éprouver le besoin d’une secousse ; il vint à Paris en juin 1817. Son état habituel semblait fort bizarre ; il était ou profondément triste ou ridiculement gai et même bouffon ; on voyait qu’il

  1. Pellico fonda en 1818, et fut le principal rédacteur du Conciliatore, journal romantique, source de ses malheurs.