« Le Communisme jugé par l’histoire/Du socialisme et du communisme en général » : différence entre les versions

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Librairie E. Lachaud (p. 27-30).

LE

COMMUNISME

JUGÉ PAR L’HISTOIRE




CHAPITRE PREMIER

Du socialisme et du communisme en général.

S’il y a dans la nature humaine un sentiment de la liberté et un idéal de perfection qui la poussent constamment aux plus nobles conquêtes, auxquels sont dus tous les progrès de la civilisation et de la science, on est aussi forcé d’y reconnaître un esprit de contradiction et de révolte, de singularité et d’aventure, qui la ramène par l’anarchie à son point de départ. C’est cet esprit qui a produit, dans la sphère de la religion, tant de monstrueuses hérésies ; dans le domaine de la philosophie, tant de systèmes déraisonnables ; dans la carrière des arts, tant d’essais extravagants ou horribles. Toujours prêt à justifier les passions pour les mettre de son côté, il va les chercher où elles sont le plus ardentes ; il leur fournit des arguments appropriés à leur but et au caractère du temps qui les voit naître. Il n’est donc pas étonnant que, dans un siècle de révolutions, il se soit attaché surtout aux questions qui intéressent l’ordre social, et qu’il ait mis au jour ces doctrines malfaisantes que, par un étrange renversement du langage, on désigne sous le nom de socialisme.

Le socialisme, c’est la prétention, non pas de réformer, mais de refaire la société de fond en comble, de la constituer sur de nouvelles bases, de changer toutes ses conditions, de substituer un autre droit à son droit, une autre morale à sa morale, comme si le crime et la folie avaient été jusqu’à présent ses seuls législateurs. En effet, si nous écoutons les adeptes de cette nouvelle alchimie, on ne conçoit rien de plus inique, de plus désordonné, de plus infâme que le régime sous lequel nous vivons. L’homme exploité par l’homme, le pauvre par le riche, le faible par le fort, la spoliation un droit, le travail une servitude, la misère augmentant chaque jour son empire, des classes entières fatalement vouées au vice et au crime, partout la division, la corruption, le mensonge, le doute : tels en sont les principaux résultats. Qu’on se garde bien d’en accuser les fautes, l’imprévoyance et les passions de l’individu. Toutes les passions sont légitimes, toutes sont utiles à notre bonheur, il ne s’agit que d’en savoir tirer parti. L’homme fait le bien et le mal selon le milieu dans lequel il vit, selon les rapports qu’on lui fait avec ses semblables ; c'est donc l'ensemble de ces rapports, c’est la société, encore une fois, qu'il faut refondre complètement ; et comme l'ordre social, tel que nous le concevons aujourd’hui, c’est-à-dire tel qu’il a toujours existé, repose tout entier sur la propriété et sur la famille, c’est à ces deux institutions que s’attaquent en général, soit directement, soit indirectement, d’une manière franche ou détournée, tous les socialistes. Mais les uns s’élèvent plus particulièrement contre la propriété : ce sont les communistes ; les autres contre la famille : ce sont les phalanstériens ; d’autres, portant plus haut leurs coups, absorbent l’individu dans l’espèce et tendent à supprimer en nous le principe même de tout droit, de toute règle, de toute obligation morale : ce sont les philosophes humanitaires, derniers échos d’une religion qui réhabilitait la chair, sanctifiait les passions et organisait le despotisme universel. Pour avoir raison de toutes ces sectes, il ne suffit pas de répudier leurs conséquences, ni de les écraser par la force ou par le jugement solennel d’une assemblée politique ; il faut les étudier en elles-mêmes dans leurs principes et dans les rapports qui les unissent ensemble ; il faut remonter à leur origine et les suivre dans leur histoire. Le mal est ancien et profond, on n’en trouvera pas le remède si on ne l’observe depuis sa racine Jusqu’à ses dernières ramifications. Telle est la tâche que je me suis proposée. Je parlerai d’abord du communisme, parce que là est le fond et pour ainsi dire le noyau des systèmes que je voudrais faire connaître. Tous les socialistes, qu’ils le sachent ou qu’ils l’ignorent, qu’ils le dissimulent ou l'avouent, les phalanstériens, les philosophes humanitaires, les prétendus organisateurs du crédit et du travail, sont nécessairement communistes.