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même principe que les erreurs que nous venons de passer en revue, qu’elle est elle-même une hallucination de l’idée de cause.

99. On a vu que la Religion, première forme que revêt le sentiment, contemplation extatique de la substance infinie, absorption de l’entendement dans la conception de l’être, n’a point de méthode. Sa dialectique consiste à dire voyez ; et, lorsque voir est impossible, croyez. Quant aux problèmes, soit physiques, soit métaphysiques ou moraux, dont l’esprit de l’homme est invinciblement porté à chercher la solution, la religion se borne à les énoncer sous une expression hiéroglyphique, en un mot, à les symboliser : elle ne les résout pas.

Or, de même que la religion, première manifestation de l’esprit, naît du sentiment de l’existence ; de même la philosophie naît du sentiment de l’activité personnelle, de l’idée de causalité. Ni la religion ni la philosophie ne se demandent si les substances et les causes peuvent être saisies, analysées, connues ; elles croient fermement à leur réalité, parce qu’elles ne peuvent pas ne pas y croire, et cela leur suffit. En vertu de ce double principe, l’une conçoit des attributs et des propriétés, l’autre des phénomènes et des effets, là où nous verrons seulement (ch. iii) des rapports de succession, de juxtaposition, de quantité ou de forme. D’où il suit que savoir, pour la religion, c’est croire à la substance infinie et à ses attributs ; pour la philosophie, c’est saisir les causes et les suivre dans leurs effets ; pour nous, la science consistera dans la classification des rapports et la formation des séries.

100. Qu’est-ce donc qui distingue les alchimistes, les astrologues, les sorciers, des philosophes ? Rien, si ce n’est l’objet auquel les uns et les autres appliquent le principe de causalité. Pendant que ceux-là se flattent de produire des effets miraculeux en dirigeant l’action des puissances naturelles ou des causes, les philosophes, bornant leur sphère à la métaphysique et à la morale, se proposent d’arriver à la connaissance du vrai par la filiation des idées. Le procédé des uns et des autres est le même : saisir la cause, la puissance, le principe, et en faire jaillir le phénomène, le mouvement, l’idée. L’identité de méthode est tellement vraie qu’on la rencontre partout : partout on a vu, d’un côté, des magiciens et des astrologues, qui dans le fond n’étaient que de mauvais physiciens, chercher dans les forces de la matière des moyens de créer, de métamorphoser et de prédire ; de l’autre, des raisonneurs se persuader qu’avec des arbres généalogiques d’idées, ils résoudraient en dehors de l’expérience et de l’analyse les problèmes relatifs à l’homme et à la société.

101. Cette préoccupation de l’esprit humain paraît avoir été