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Isabella Bird, Voyage d’une femme aux Montagnes Rocheuses : lettre 1 1888

Traduction Elizabeth Martineau des Chesnez


Ce matin, Truckee avait un aspect tout à fait différent. La foule de la nuit précédente avait disparu. Là où étaient les grands feux, il n’y avait plus que des monceaux de cendre. Un garçon allemand tout endormi semblait être la seule personne de l’établissement, Les cafés en plein air étaient presque déserts, et, seuls, quelques fainéants somnolents erraient dans ce qu’on appelle la rue. On eût dit un dimanche : mais ici, paraît-il, il apporte un redoublement de foule et de gaieté. Le culte public a disparu ; ce jour-là, le travail cesse, mais on s’adonne au plaisir. Je mets dans un sac quelques objets indispensables, et, passant mon costume de cheval hawaien sur une jupe de soie, un cache-poussière par-dessus le tout, je traverse furtivement la plaza jusque chez le loueur de chevaux qui a le plus grand établissement de Truckee ; douze beaux chevaux occupaient des stalles, de chaque côté d’un large passage. Mon ami de la veille au soir me montra son harnachement : trois selles de femme recouvertes de velours et presque sans fourches. Beaucoup de dames, me dit-il, se servaient de la selle mexicaine ; mais ici, aucune ne montait à califourchon. J’étais très-déconcertée. Je ne pouvais monter de la manière habituelle aux femmes, et j’allais abandonner mon projet, lorsque l’homme me dit : « Faites à votre idée ; si l’on peut, quelque part, faire ce que l’on veut, c’est bien à Truckee. » Bienheureux Truckee ! En un instant, un grand cheval gris fut harnaché avec une belle selle mexicaine rehaussée d’argent, une housse de peau d’ours noir et des glands de cuir qui pendaient à la garde des étriers. J’attachai ma jupe de soie sur la selle, déposai mon manteau dans le coffre à maïs, et j’étais en sûreté sur le dos de mon cheval, avant que son propriétaire eût eu le temps de chercher un moyen pour me faire monter. Ni lui, ni aucun des fainéants qui s’étaient rassemblés, ne montrèrent le plus léger signe d’étonnement, et ils étaient tous aussi respectueux que possible.

Une fois à cheval, mon embarras disparut, et je traversai Truckee, dont les maisons aux toits irréguliers et les cabanes plantées dans un lieu défriché, et serrées de près par la forêt et la montagne, semblaient être un campement provisoire. Je passai sous le chemin de fer du Pacifique et suivis, pendant près de vingt milles, les détours de la Truckee, rivière de montagne claire et impétueuse, dans laquelle étaient échoués d’énormes troncs de pins attendant la nouvelle crue pour être mis à flot. C’est une joyeuse et bruyante rivière d’eau glacée, qui ne laisse point de verdure dans sa course turbulente et dont les bords sont dépourvus de fougères et de plantes traînantes. Tout brillait de cette splendeur du ciel et de l’atmosphère, de cette lumière du soleil, de cet éclat général que je n’avais jamais vu avant mon arrivée en Californie, et se combinait avec une élasticité de l’air qui enlevait toute fatigue et donnait du courage pour toute chose. De chaque côté de la Truckee, de grandes sierras s’élevaient comme des murailles, crénelées, fendues, ornées et couronnées de pins énormes ; les murailles s’ouvrant de temps à autre, pour montrer un pic neigeux qui se dresse dans un ciel sans nuage, d’un bleu intense et radieux. À cette hauteur de 6 000 pieds, il faut se contenter des variétés de conifères, car, excepté les trembles qui s’élèvent à quelques endroits d’où les pins ont été enlevés et les peupliers du Canada qui, mais sur un niveau plus bas, bordent les torrents, on ne trouve que des cerisiers, des framboisiers et des groseillers sauvages. Rien de tout cela ne pousse au bord de la Truckee, mais les yeux se repaissent de la vue de pins qui, quoique moins grands que le wellingtonia du Yosemite, sont vraiment gigantesques ; ils atteignent une hauteur de 250 pieds ; leurs troncs sont énormes, du beau rouge du cèdre, s’élevant droits et sans branches jusqu’au tiers de leur hauteur ; leur diamètre est de 7 à 15 pieds, leur forme celle du mélèze, mais avec les aiguilles longues et noires, et leurs pommes ont un pied de long. Les pins se découpent sur le ciel ; ils se massent partout où se trouve un terrain de niveau ; ils surplombent la Truckee à angle droit ou gisent en travers dans une grandeur déchue. On trouvait partout leurs souches et leurs troncs dépouillés, et, sur les sierras, des pousses tendres marquaient l’endroit où on les avait abattus pour les faire porter par la rivière. Le pays sauvage leur doit sa population parsemée, et le bruit aigu de la cognée du bûcheron se mêle au cri des bêtes sauvages et au mugissement des torrents de la montagne. Le chemin est une route de voiture, douce, naturelle et très-agréable pour le cavalier. Mon cheval était beaucoup trop gros pour moi et avait des idées à lui ; mais de temps à autre, quand le terrain le permettait, j’essayais son lourd galop, et cela m’amusait beaucoup. Je ne rencontrai personne et ne dépassai sur la route qu’un chariot de marchandises traîné par vingt-deux bœufs, conduits par trois beaux jeunes gens qui eurent un peu de peine à faire ranger leur embarrassant convoi pour me laisser passer. Après une course d’une dizaine de milles environ, la route gravit dans la forêt une colline escarpée, tourna brusquement, et à travers l’ombre bleue des grands pins qui s’élevaient du ravin où était alors cachée la rivière, se dévoilèrent deux montagnes d’environ 11 000 pieds, dont les sommets dénudés et gris étaient couronnés d’une neige d’une blancheur immaculée. C’était, dans le paysage, une de ces magnifiques surprises qui donnent envie de s’incliner et d’adorer. La forêt était épaisse, avec des broussailles de sapin nain et de ronces, et comme mon cheval devenait inquiet et nerveux, je changeai de direction avec l’idée de prendre un chemin de traverse. J’étais tranquillement en train de raccourcir mon étrier, quand une grosse bête noire et velue, grognant et faisant craquer les branches, sortit du taillis juste en face de moi. Je ne fis que l’apercevoir et crus que mon imagination grossissait un sanglier, mais c’était un ours. Le cheval s’ébroua et se déroba violemment, comme s’il voulait descendre vers la rivière ; puis tourna sur ses pas, en se dérobant toujours, vers un endroit escarpé. Voyant que je ne pouvais rester en selle, je me jetai du côté droit, où le terrain s’élevait beaucoup, de sorte que je ne tombai pas de haut. Je me relevai couverte de poussière, mais ni abattue ni contusionnée. C’était vraiment grotesque et humiliant. L’ours courait d’un côté, le cheval de l’autre, et moi après ce dernier, qui s’arrêta deux fois lorsque j’étais près de lui, puis se retourna et partit au petit galop. Après avoir marché pendant près d’un mille dans une épaisse poussière, je ramassai d’abord la couverture, puis mon sac, et me trouvai bientôt auprès du cheval, qui me regardait en tremblant de tout son corps. Je crus alors pouvoir l’attraper, mais quand je m’avançai vers lui, il se retourna, se cabra plusieurs fois, sortit du chemin, fit plusieurs tours au galop en ruant tout le temps, puis se dressant sur ses pieds de derrière comme pour me défier, il se sauva à toute vitesse dans la direction de Truckee, avec la selle sur le dos et les grands étriers de bois lui battant les flancs, tandis que je cheminais honteusement dans la poussière, portant péniblement le sac et la couverture.

Je marchai pendant près d’une heure, ayant chaud et faim, quand, à ma grande joie, j’aperçus l’attelage des bœufs arrêté au sommet d’une gorge, tandis que l’un des conducteurs m’amenait mon cheval. Ce jeune homme me raconta que, l’ayant vu venir, ils avaient mis l’attelage en travers de la route pour l’arrêter, et se rappelant qu’il les avait dépassés en portant une dame, ils craignaient qu’il n’y eût eu un accident et ils venaient de seller un de leurs propres chevaux pour aller à ma recherche. Il m’apporta de l’eau pour laver mon visage couvert de poussière et sella de nouveau ma monture ; mais elle se déroba, s’ébroua avant de vouloir me laisser monter, et alors s’en alla de côté d’une manière si nerveuse, que le conducteur marcha près de moi pendant quelque temps pour me voir « all right ». Il me dit que les bois qui avoisinent Tahoe étaient remplis d’ours gris et bruns, mais qu’il n’y avait rien à craindre. Je galopai longtemps au delà de l’endroit où j’étais tombée, afin de tranquilliser mon cheval qui était très-inquiet et fatigant.

Le paysage devint alors vraiment magnifique et resplendissant de vie. Des geais bleus huppés volaient à travers les pins sombres, des centaines d’écureuils couraient à travers la forêt, des libellules rouges étincelaient comme une « lumière vivante », de délicieux écureuils rayés traversaient le chemin, mais seul, ici et là, un poudreux lupin bleu me rappelait de plus beaux enfants de la terre. La rivière, calme et large, reflétait dans ses profondeurs transparentes des pins royaux droits comme une flèche, le tronc couvert de lichens verts et d’un beau jaune ; des sapins et des pins balsamiques remplissaient les espaces laissés entre eux. La gorge s’ouvrait, et j’avais devant moi ce lac avec sa ceinture de montagnes, ses bords découpés en baies et en promontoires revêtus pittoresquement d’énormes pins à sucre. Il se ridait et scintillait doucement au soleil de midi, aussi intact qu’il y a quinze ans, alors que sa pure beauté n’était connue que des trappeurs et des Indiens. Un seul homme vit là toute l’année. Autrement, le précoce octobre prive les rives de leurs rares habitants, et pendant sept mois il n’est guère accessible que sur des raquettes. Il ne gèle jamais. Dans les épaisses forêts qui l’entourent et revêtent les deux tiers de ses sierras décharnées, il y a des hordes d’ours gris et bruns, de loups, d’élans, de daims, de martres, de loutres, de skunks, de renards, d’écureuils et de serpents. Je trouvai sur ses bords une auberge construite en bois, et, arrêté à la porte, un chariot sur lequel était étendu un grand ours gris tué le matin même derrière la maison. J’avais l’intention d’aller à dix milles plus loin, mais séduite par la beauté et la sérénité de Tahoe, je suis restée ici à dessiner, à jouir de la vue qu’on a de la verandah, et à errer dans la forêt. Il gèle tous les soirs pendant toute l’année, et j’ai les doigts engourdis.

Cette beauté est enchanteresse. Le soleil couchant s’est caché derrière les sierras de l’ouest, et tous les promontoires couverts de pins de ce côté de l’eau sont d’un bel indigo, qui va se rougir d’une teinte de laque, pour s’assombrir çà et là en une pourpre de Tyr. Au-dessus, les pics qui reçoivent encore le soleil sont d’un rouge rosé étincelant, et toutes les montagnes de l’autre côté sont roses ; roses aussi, les sommets éloignés où sont les amas de neige. Des teintes indigo, rouge et orange, colorent l’eau calme qui, sombre et solennelle, s’étend contre la rive à l’ombre des pins majestueux. Une heure plus tard, et une lune presque pleine, non pas un disque pâle et plat, mais une sphère radieuse, a paru dans la rougeur du ciel. Le coucher du soleil est arrivé par tous les degrés de la beauté, par toutes les gloires de la couleur, par la lutte et le triomphe, le pathos et la tendresse, à un repos long, calme et rêveur, auquel a succédé la solennité profonde du clair de lune et un silence qui n'est interrompu que par les cris que poussent, dans la nuit, les bêtes des forêts embaumées.

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