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me mords comme la vipère. Tu t’es fait un arc bandé contre moi pour me cribler de traits. Pourquoi donc déchirer un homme qui t’a donné des avis salutaires ? Je consens à être un scélérat, comme tu le publies partout ; fais donc pénitence avec moi. Je consens à être un pécheur ; expie donc comme moi tes péchés par des larmes. Penserais-tu par hasard que mes crimes deviendront pour toi des vertus ? Pleure : une larme tombée sur cette soie qui te couvre ne sera pas perdue. Quoique tu aies été blessé sur le chemin de Jérusalem, le Samaritain te mettra sur son cheval et te conduira dans l’hôtellerie. Fusses-tu mort et pourri dans le tombeau, la voix du Seigneur répondra à ton repentir, elle te dira : « Lazare, sors d’ici ! »

Je ne sais comment se termina cette déplorable aventure ; mais d’après le passé de Lazare on peut supposer qu’il ne sortit point du tombeau.


II

Les destinées fatales de Rome étaient enfin accomplies : la ville éternelle avait touché à son dernier jour, la ville déesse était profanée, la ville victorieuse du monde avait été saccagée et vaincue : trois jours et trois nuits durant, Alaric l’avait livrée à l’épée et aux flammes. Les calamités de ce long saccagement s’étaient appesanties comme à plaisir sur les amis de Jérôme, qui appartenaient aux rangs les plus élevés de la société romaine. On avait vu le palais du mont Aventin, son oratoire, ses cellules dorées, envahis par d’affreux barbares. La jeune Principia eût subi les derniers outrages sans le courage héroïque de Marcella ; Marcella elle-même avait été mise à la torture, flagellée, foulée aux pieds, pour livrer aux Goths ce qu’elle n’avait plus, des trésors dissipés depuis longtemps par les œuvres de la charité. Traînée dans une église qui servait à la fois d’hôpital et de refuge, elle expira quelques jours après. Pammachius aussi mourut, on ignore comment. Beaucoup d’autres avaient disparu, soit sous les débris de leurs maisons incendiées, soit sous le fer des Goths, soit par la fuite, et ceux qui fuyaient rencontraient au dehors la misère et la faim. Jérôme apprit tous ces malheurs ensemble par les premiers émigrés, toute correspondance ayant cessé entre Rome et les contrées de l’Orient. La nouvelle lui en parvint lorsqu’il rédigeait son commentaire d’Ézéchiel, et il s’arrêta frappé de stupeur, comme s’il ne l’eût jamais prévue, comme si lui-même, dans son commentaire de Daniel, n’avait pas signalé aux terreurs du monde ce colosse de l’empire qui n’avait plus que des pieds d’argile. La plume lui tomba des mains ; il resta