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ressources et de l’importance de l’Asie centrale au point de vue commercial et politique. Le cabinet de Saint-Pétersbourg, mieux renseigné à ce sujet, avait, dès le règne de Pierre le Grand, fait de ce pays l’objet de sa persévérante ambition ; mais, trop habite pour annoncer à l’avance ses desseins, il les enveloppa d’un secret profond et ne les révéla que quand l’orage sourdement amassé fut près d’éclater.

Dès 1841 cependant, quelques signes précurseurs avaient éveillé l’attention des esprits pénétrans, et un homme d’un jugement sûr, M. E. Thouvenel, depuis ministre des affaires étrangères et mort si prématurément, signalait dans la Revue [1] les projets de la Russie en reprochant aux nations occidentales « de ne pas s’inquiéter assez des graves intérêts de leur avenir, » mis en péril par l’extension de cette puissance. Son appel ne fut pas entendu. L’Angleterre même, qui avait tant de raisons pour ne pas laisser une nation rivale s’établir aux portes de l’Inde, ferma les yeux sur le danger dont sa marine et son commerce paraissaient menacés. Depuis une année seulement, depuis que le gouvernement russe, recueillant le fruit de ses patiens efforts, s’est emparé de villes importantes, de provinces entières, la presse anglaise a commencé de prendre l’alarme, Le public en Angleterre ayant compris que les intérêts britanniques étaient compromis, le jour ne pouvait manquer de se faire bientôt sur cette grave question : une foule de documens recueillis en Russie même par MM. John et Robert Michell ont porté la lumière dans les esprits, et leurs travaux, ainsi que d’autres publications riches en renseignemens non moins authentiques, nous permettent de suivre dans ses moindres détails la marche d’abord embarrassée et obscure, puis victorieuse et rapide de l’empire moscovite.

Quel est ce pays dont la conquête est depuis longtemps poursuivie avec tant d’ardeur par le cabinet de Saint-Pétersbourg ? Le nom d’Asie centrale, Tartarie ou Turkestan, ne désigne pas seulement la steppe située au sud de la Sibérie ; il comprend encore des états riches et peuplés, baignés par deux fleuves, le Syr-Daria et l’Amou-Daria, qui, prenant leur source près des frontières de Chine, traversent la contrée de Test à l’ouest, et viennent se jeter dans la mer d’Aral après avoir répandu sur tout leur parcours l’abondance et la vie. Ces puissans cours d’eau reçoivent le tribut d’une foule d’affluens que leur envoient les versans du Pamir, vaste plateau qui relie les montagnes du Ciel à l’Himalaya, L’importance d’une semblable situation est facile à comprendre. Dans l’antiquité, le commerce de

  1. Voyez la Revue du 15 décembre 1841.