« Page:Barbey d’Aurevilly - À côté de la grande histoire, 1906.djvu/58 » : différence entre les versions

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que des esprits comme lui ont commis pourtant dans leur impuissance, Tallemant des Réaux est déjà — dans la première moitié du XVIIe siècle — une expression très vive et très nette de cet individualisme que Descartes représente dans la philosophie, Robinson Crusoé dans la vie romanesque, l’idéal de la vie réelle, Jean-Jacques Rousseau plus tard, et même Béranger. Il y a de tous ces hommes en lui. Ils y sont diminués, raccourcis, prosaïsés, ratatinés. Mais qu’importe ! ils y sont, car il y a de l’homme encore dans le magot ! Dans la sphère et dans la longueur de ses très courtes facultés, Tallemant des Réaux procède comme ces esprits plus grands que lui. Comme eux, il est anti-social. Comme eux, il ne s’abstient de rien de ce qui est funeste. Autant qu’il est en lui, il défait la société par les combles et par les fondements. Il la démolit comme il peut. Il est le ronge-maille de ce filet dans lequel parfois les lions rugissent. L’égoïsme, tel est le caractère de son livre, l’amusement du moi à tout prix ! On entend parfois dans ses historiettes les petits éclats de ce rire sec dont Joubert disait, avec son appréciation ferme et exquise : « Tout ricanement déplacé vient d’une petitesse de tête », et, malgré la gaucherie des formes qui révèlent le cuistre, il y a parfois, çà et là, de ces légèretés d’assassin qui font pressentir Voltaire, cet autre bourgeois, mais étincelant de génie, et qui, frotté aux grands seigneurs, avait contracté la grâce pestiférée de leurs vices.