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qui se mit à boire. À mesure qu’il s’enfonçait dans le vice, les reproches de « l’autre » lui étaient plus insupportables. Il essayait de fuir ce double abhorré, qui semblait trouver une volupté féroce à lui murmurer à l’oreille sa dégradation. Deux ou trois fois, il crut s’en être délivré ; mais sa conscience refusait de mourir et se réveillait au milieu d’une orgie, ou au moment de commettre une mauvaise action. Cette lutte monstrueuse est racontée par Poe avec une passion émouvante. Son William Wilson fuit de contrée en contrée dans une « agonie d’horreur », comme jadis Caïn sous la malédiction de l’Éternel, et ne trouve nulle part de sûreté contre la voix qui « pénètre la moelle de ses os. — Je fuyais en vain. Ma destinée maudite m’a poursuivi, triomphante, et me prouvant que son mystérieux pouvoir n’avait fait jusqu’alors que de commencer. À peine eus-je mis le pied dans Paris, que j’eus une preuve nouvelle du détestable intérêt que le Wilson prenait à mes affaires. Les années s’écoulèrent, et je n’eus point de répit. Misérable ! — À Rome, avec quelle importune obséquiosité, avec quelle tendresse de spectre il s’interposa entre moi et mon ambition ! — Et à Vienne ! — et à Berlin ! — et à Moscou ! Où donc ne trouvai-je pas quelque amère raison de le maudire du fond de mon cœur ? Frappé d’une panique, je pris enfin la fuite devant son impénétrable tyrannie comme devant une peste, et jusqu’au bout du monde j’ai fui, j’ai fui en vain ».

L’adolescent s’était fait homme, l’homme s’était entièrement adonné à la boisson, et l’alcool accomplissait son œuvre : — « Son influence exaspérante sur mon tempérament héréditaire me rendait de plus en plus impatient de tout contrôle. » En cet état, William Wilson résolut de s’affranchir coûte que coûte de souffrances dont l’inutilité était manifeste. Dans une nuit de plaisir, il assassina son double au fond