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heures, car il continuait de tirer sans produire d’effet apparent, trouvant avec peine l’instant propice, et perdant un temps considérable à ramasser ses flèches. Je ne fus pas fâché de trouver cette occasion de lui montrer la supériorité de nos armes, et j’envoyai deux balles au bœuf à la distance d’environ trente pas ; il tomba sur le coup, mais se relevant aussitôt, il se précipita brusquement sur mon compagnon et moi qui étions l’un à côté de l’autre. Nous évitâmes le danger en nous retirant derrière un rocher qui se trouvait heureusement près de nous ; l’animal, lancé de toute sa force, vint frapper si violemment la pierre de sa tête, qu’il tomba avec un fracas qui ébranla le sol à quelque distance. Mon guide s’élança aussitôt sur lui pour le percer de son couteau, mais ayant manqué son coup, il chercha un refuge derrière les chiens qui étaient revenus à l’attaque. Le bœuf saignait avec une telle abondance, que les longs poils de son cou et de ses flancs étaient inondés de sang ; mais sa force et sa rage ne paraissaient nullement affaiblies, et il continuait d’avancer et de donner des coups de tête avec la même férocité qu’auparavant.

Dans cette intervalle, j’avais rechargé mon fusil à l’abri du rocher, et je m’avançais pour faire feu, lorsque l’animal fondit sur moi comme la première fois, à la grande frayeur de Poo-yet-tah qui me cria de me cacher de nouveau. Mais j’avais assez de temps pour viser de sang-froid. J’attendis l’animal à dix pas, et tirai mes deux coups, qui le firent tomber immédiatement. En voyant la chute de l’ennemi, mon compagnon se mit à pousser des cris de joie et à sauter ; en s’approchant, il le trouva mort ; une balle lui avait traversé le cœur, et l’autre avait fracassé l’épaule. Poo-yet-tah restait confondu de l’effet des armes à feu ; il examina avec soin les trous qu’avaient faits les balles, et me fit remarquer que quelques-unes avaient percé l’animal de part en part ; mais ce fut l’état où se trouvait l’épaule, qui le frappa davantage, et je n’oublierai jamais l’expression d’horreur et d’étonnement avec laquelle il me dit en me regardant en face : « Now-ek-poke, » elle est brisée.

« Nous n’avions rien pris depuis dix-huit heures, et je m’attendais naturellement à ce que mon compagnon commençât par dîner aux dépens du bœuf : mais je lui faisais injure ; sa prudence l’emportait sur son appétit. Il se contenta de mêler un peu de sang chaud avec de la neige, de manière à faire fondre de cette dernière, ce qu’il lui fallait pour apaiser sa soif, et se mit à écorcher l’animal, sachant très bien que s’il différait cette opération, le froid la rendrait impossible, en gelant le mort, et le convertissant en une masse solide. Par la même raison, il partagea le cadavre en quatre portions, puis il en fit autant de la panse et des intestins, après en avoir retiré ce qu’ils contenaient. Les matières analogues qui se trouvent