« Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Histoire, tome I.djvu/396 » : différence entre les versions

La bibliothèque libre.
Phe-bot (discussion | contributions)
m Phe: split
 
AkBot (discussion | contributions)
Pywikibot touch edit
(Aucune différence)

Version du 25 juillet 2018 à 00:22

Cette page n’a pas encore été corrigée

cette pensée de se réaliser comme je la comprenais. Les représentants ont fait tout leur devoir, la Providence n’a peut-être pas fait tout le sien. – Quoi qu’il en soit, en supposant que nous ne fussions pas emportés tout de suite par quelque combat nocturne et immédiat, et qu’à l’heure où je parlais nous eussions encore un lendemain, je sentais le besoin de fixer tous les yeux sur le parti à adopter pour la journée qui allait suivre. – Je pris la parole.

Je commençai par déchirer complètement le voile de la situation. Je fis le tableau en quatre mots : la Constitution jetée au ruisseau, l’Assemblée menée à coups de crosse en prison, le conseil d’État dissipé, la Haute Cour chassée par un argousin, un commencement évident de victoire pour Louis Bonaparte, Paris pris sous l’armée comme sous un filet, la stupeur partout, toute autorité terrassée, tout pacte mis à néant ; il ne restait plus debout que deux choses, le coup d’État et nous.

Nous ! et qui sommes-nous ? Ce que nous sommes, dis-je, nous sommes la vérité et la justice ! nous sommes le pouvoir suprême et souverain, le peuple incarné, le droit !

Je poursuivis :

Louis Bonaparte, à chaque minute qui s’écoule, fait un pas de plus dans son crime. Pour lui, rien d’inviolable, rien de sacré ; ce matin il a violé le palais des représentants de la nation, quelques heures plus tard il a mis la main sur leurs personnes, demain, tout à l’heure peut-être, il versera leur sang. Eh bien ! il avance sur nous, avançons sur lui. Le péril grandit, grandissons avec le péril.

Un mouvement d’adhésion se fit dans l’assemblée, je poursuivis :

Je le répète et j’insiste.

Ne faisons grâce à ce malheureux Bonaparte d’aucune des énormités que contient son attentat. Puisqu’il a tiré le vin – je veux dire le sang – il faut qu’il le boive. Nous ne sommes pas des individus, nous sommes la nation. Chacun de nous marche vêtu de la souveraineté du peuple. Il ne peut frapper nos personnes sans la déchirer. Forçons sa mitraille à trouer nos écharpes avec nos poitrines. Cet homme est dans une voie où la logique le tient et le mène au parricide. Ce qu’il tue en ce moment, c’est la patrie ! Eh bien ! la balle du pouvoir exécutif à travers l’écharpe du pouvoir législatif, c’est là le parricide visible ! C’est là ce qu’il faut qu’on voie !

— Nous sommes tout prêts ! crièrent-ils. Votre avis sur les mesures à prendre ?

— Pas de demi-mesures, répondis-je, un grand acte ! Demain – si nous sortons d’ici cette nuit – trouvons-nous tous au faubourg Saint-Antoine…

On m’interrompit : – Pourquoi le faubourg Saint-Antoine ?