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triomphant, c’était, avec la fin de la Révolution, le dépècement de la Patrie. S’il avait jadis prêché, la sédition, il s’était mieux qu’aucun autre pénétré, en face d’un mortel péril, des nécessités de la discipline. Il la voulait consentie par la Nation, par l’armée et, si séparé qu’il fût de Dumouriez par de vieilles querelles, jugeant que celui-ci était l’homme qu’il fallait pour amener les soldats à la consentir, il le fortifia de tout son pouvoir. Se réservant de prêcher « l’audace » à Paris, il s’en rapporta à Dumouriez et à Kellermann pour que se fondât la nouvelle discipline.

Le Roi était tombé, la Révolution se consommait ; les officiers « aristocrates » avaient émigré. Mais les Autrichiens assiégeaient Lille, les Prussiens envahissaient la Lorraine, faisaient capituler Longwy, remplissaient la Woëvre, allaient faire tomber Verdun et franchir l’Argonne. Les soldats de la Nation n’avaient plus à craindre de périls ni derrière eux, ni parmi eux, mais, devant eux, un péril extrême. Le seul danger auquel il importait de faire face, c’était l’ennemi : l’Autrichien au Nord et le Prussien à l’Est. Les troupes restaient plus que jamais révolutionnaires, mais l’art de Dumouriez fut de concentrer leur civisme révolutionnaire sur un seul objet : Victoire sur les ennemis de la Patrie. « Que faut-il pour les vaincre ? criait Danton. De l’audace ! — Et de la discipline !  » ajoutait Dumouriez.

Dès le 20 août, le général Dommartin écrivait de Sedan : « Nous parvenons à mettre la discipline sur un pied où elle n’a jamais été. » Dumouriez allait mander, le 6 septembre, au ministre de la Guerre Servan, — idéologue un peu perdu dans toute cette bagarre, — qu’en présence de l’ennemi, les soldats de ligne demandaient à leur général un règlement plus sévère. Et les commissaires de l’Assemblée législative aux armées ayant eu la malencontreuse idée de leur offrir d’élire leurs chefs, ces soldats répondaient, de l’aveu du député commissaire Kersaint, que « c’était le plus grand malheur qui pût arriver. » Ces soldats français, intelligens et cordiaux, avaient compris la leçon d’avril : d’eux-mêmes ils revenaient à la discipline, parce que « la Patrie était en danger [1]. »

  1. Inutile de dire de quelle précieuse ressource sont pour cette partie de notre étude les volumes si nourris, si documentés et, par ailleurs, si vivans de M. Arthur Chuquet sur les Campagnes, de la Révolution, — Cf- aussi Chassin, L’Armée de la Révolution. — Camille Rousset. Les Volontaires. — Sérignan. La vie aux armées sous la Révolution (Revue des questions historiques, 1908), et tant d’autres articles et ouvrages que j’ai cités à la fin de certains chapitres de mon volume : La Révolution (Hachette 1911). Cf. dans un autre ordre d’idées Théodore Pavlovitch (L’Idéal démocratique et la discipline militaire, 1911).