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Les secrétaires d’état avaient pris graduellement pied dans la société royale : ils avaient mangé à la table du roi ; ils étaient entrés dans ses carrosses ; ils s’étaient donné du monseigneur. Il fallait au XVIIIe siècle que les ducs et pairs fissent antichambre chez eux ; qu’y avait-il de plus humiliant pour des hommes qui se croyaient si fort au-dessus d’eux ? Et cependant c’était parce que Louis XIV avait réglé les limites entre ceux qui gouvernaient en son nom, comme le lui rappelait Fénelon dans la lettre célèbre qui vient d’être citée, parée qu’il leur avait laissé une grande autorité, que l’administration avait été régénérée, que de nombreux abus avaient disparu, que le règlement des affaires s’était simplifié, que l’impulsion avait été donnée à tant de services auparavant languissans ou désorganisés. Sans doute les ministres n’auraient pas dû s’arrêter là pour parachever l’œuvre commencée ; il leur fallait être autre chose encore que des administrateurs ; il leur appartenait de suggérer au roi des plans plus étendus de réforme, de lui proposer des vues d’ensemble qui ont trop souvent fait défaut au gouvernement de l’ancien régime ; ils auraient dû oser davantage. C’est pour ne l’avoir pas fait que les derniers ministres de Louis XV ont précipité la France dans un chaos d’où l’on s’imagina sortir par des institutions qui m’avaient été ni assez expérimentées, ni suffisamment mûries. Malouët le disait bien à Necker et à Montmorin [1] ; il leur proposait non de faire rendre un édit ou un arrêt du conseil, mais de préparer tout un ensemble de mesures à soumettre à l’approbation des états-généraux ; il leur remontrait que c’était à eux, ministres qui avaient la pratique et la connaissance des choses, de prendre cette initiative. « Concevez-vous, leur disait-il, la moindre apparence d’ordre et de raison dans une réunion de 1,200 législateurs tirés de toutes classes, sans expérience, sans habitude de discussions et de méditations sur les objets importans qu’ils vont traiter, égarés par l’esprit de parti, par le mouvement impétueux de tant d’intérêts et d’opinions-divergentes ? Si vous ne commencez par fixer leurs idées, par les environner, de la part, de leurs commettans, d’instructions et d’entraves qu’ils ne puissent briser, attendez-vous à tous les écarts, à des désordres irrémédiables ! » Les paroles de Malouët étaient prophétiques. Loin d’avoir trop fait, les derniers ministres de la monarchie absolue n’ont point fait assez. Necker, financier habile, n’a pas su s’élever à la hauteur d’un législateur. Il livra la France malade à mille médecins ayant chacun sa théorie et qui étaient eux-mêmes atteints du mal dont ils prétendaient la

  1. Voyez la curieuse conversation que rapporte Malonët dans ses Mémoires publiés par son petit-fils le baron Malouët, t. Ier, p. 254.