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inculpées de droit commun dont les dehors trahissent une certaine éducation, ou qui sont sous le coup de quelque grave accusation. Il y a quelques années, au lendemain de la commune, j’y avais vu Louise Michel, sans pressentir sa gloire, et j’ai reconnu plus tard, sans surprise du reste, dans une photographie exposée à la devanture d’une boutique, les traits de l’ex-institutrice, dont la physionomie énergique et un peu farouche m’était restée dans la mémoire. A ma dernière visite, j’y ai trouvé encore une institutrice dont le cas était, suivant moi, beaucoup plus intéressant. Elle avait fait en Allemagne l’éducation d’une jeune fille de noble famille, dont le nom est bien connu en France, et, cette éducation terminée, elle était revenue à Paris, dans l’espérance d’y trouver une place. Elle y avait dévoré rapidement ses petites économies, et après avoir traîné pendant quelques mois sa misère par les rues, elle n’avait pu résister à la tentation de dérober quelques objets de toilette à l’étalage des grands magasins du Louvre, afin de relever un peu son ajustement. Elle pleurait en racontant son histoire, et alléguait pour s’excuser que tous les objets dérobés par elle avaient été retrouvés dans sa chambre. Toute différente, pleine de fierté et presque d’arrogance, était l’attitude d’une autre femme, dont la situation paraissait au premier abord bien plus digne de pitié. C’était une aveugle-née. Malgré son infirmité, elle avait été admise dans une pension de jeunes filles comme maîtresse de piano. Mais elle s’était mise en tête d’écrire un roman, et la maîtresse de pension, trouvant, à tort ou à raison, qu’il y avait incompatibilité entre la profession de femme-auteur et celle de donneuse de leçons de piano, l’avait mise en demeure d’opter. Son choix avait été aussitôt fait, et elle était partie emportant son manuscrit. Elle n’avait pas tardé à tomber dans la misère, et elle avait été arrêtée comme étant sans profession ni domicile. Elle repoussait avec une sorte d’impatience toutes les offres charitables qui lui étaient faites, et demandait qu’on lui procurât une seule chose : un éditeur.

Si j’ai retenu mes lecteurs un peu plus longtemps peut-être que de raison au dépôt de la préfecture de police, c’est à cause de la variété des types qu’on y rencontre. On y trouve, en effet, réuni, et on y prend sur le vif le tout-Paris du crime, de la débauche et de la misère : dans le quartier des hommes, l’assassin de haute volée, le malfaiteur vulgaire, le vagabond et le mendiant d’habitude, et aussi le meurtrier par jalousie, ou le pauvre diable qui n’est coupable que de sa mauvaise fortune ; dans le quartier des femmes, la mère qui a sacrifié les jours de son enfant, l’amante qui a joué du vitriol, l’épouse adultère surprise en flagrant délit, et aussi la proxénète, la prostituée de bas étage, l’enfant précoce qui sera un jour la courtisane en renom ; — tous et