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qu’on ne saurait être l’homme qu’il fut, très simple et très fier, a froissé d’un rien, révolté d’une nuance, » très discret et très réservé, sans que ces qualités se retrouvent dans son œuvre, où, pour y prendre d’autres noms, elles ne sont pas moins les mêmes. Peu d’artistes avaient reçu sa forte éducation morale ; peu d’artistes ont travaillé plus patiemment, plus constamment que lui à la perfectionner encore ; et c’est pourquoi peu d’artistes ont laissé une œuvre plus noble en son ensemble et où l’on voie plus distinctement ce que peuvent, dans un même écrivain, l’alliance du talent et du caractère.

Aussi, comme à ses débuts, les paradoxes du romantisme avaient glissé sur lui sans l’émouvoir, on s’est trompé quand on a voulu signaler dans ses œuvres les plus récentes l’influence ou l’involontaire contagion des grossièretés du naturalisme. Au contraire, les derniers de ses grands romans : Honneur d’artiste et la Morte, sont des protestations contre le naturalisme, tout de même qu’il y a plus de quarante ans maintenant, c’est aux exagérations du romantisme qu’il opposait la Crise et le Village, la Clef d’or et Dalila. Ai-je besoin de rappeler, d’ailleurs, qu’au sens où l’on prend aujourd’hui le mot, ses plus grandes hardiesses sont Monsieur de Camors, qui est de 1867, et Julia de Trécœur, qui est de 1872 ? Il les aurait plutôt atténuées dans un Mariage dans le monde et dans les Amours de Philippe, deux de ses rares romans qui « finissent bien, » comme le Roman d’un jeune homme pauvre. Non pas peut-être que dans le secret de son cœur il n’ait rendu justice au talent de quelques-uns de nos naturalistes ; et j’en pourrais donner des preuves, s’il ne me paraissait, d’ailleurs, tout à fait indécent de faire parler les morts dans les querelles des vivans. Mais si les romantiques avaient jadis abusé du droit d’extravaguer, les naturalistes, eux, ont abusé de celui qu’on a d’être grossier ou même obscène ; et c’était un emploi du talent qu’il en considérait comme la prostitution. Il eût trouvé honteux de réussir par de certains moyens ; et supposé qu’étant homme, il eût pu concevoir l’idée de rivaliser de « hardiesse » avec ses successeurs, c’est la qualité de son éducation, c’est la sûreté de son goût, c’est la noblesse de ses sentimens et la hauteur de son caractère qui l’en auraient encore préservé.

Que restera-t-il de son œuvre ? Dès à présent, comme ceux de George Sand, comme ceux de Balzac, comme ceux de Flaubert, — pour ne parler que des morts, — les romans de Feuillet, depuis Sibylle jusqu’à la Morte, appartiennent à l’histoire du roman contemporain. Combien y en a-t-il dont on en puisse dire autant ? De