« Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 112.djvu/638 » : différence entre les versions

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Ce qu’il y a de plus sensible dans l’histoire humaine est l’alternative d’élévation et d’abaissement qui, au dire d’Ésope, est l’occupation ordinaire de la Providence. Comment concilier cela avec les idées d’un Dieu infiniment bon ? .. L’Être parfait se peut-il plaire à élever une créature au plus haut degré de la gloire, pour la précipiter ensuite au plus bas degré de l’ignominie ? Ne serait-ce pas se conduire comme les enfans, qui n’ont pas plus tôt bâti un château de cartes qu’ils le défont et qu’ils le renversent ? Cela, dira-t-on, est nécessaire, parce que les hommes, abusant de leur prospérité, en deviennent si insolens qu’il faut que leur chute soit la punition du mauvais usage qu’ils ont fait des faveurs du ciel, la consolation des malheureux, et une leçon pour ceux à qui Dieu fera des grâces à l’avenir. Mais ne vaudrait-il pas mieux, répondra quelque autre, mêler à tant de faveurs celle de n’en point abuser ? .. La première chose que ferait un père, s’il le pouvait, serait de fournir à ses enfans le don de se bien servir de tous les biens qu’il leur voudrait communiquer ; car sans cela, les autres présens qu’il leur fait sont plutôt un piège qu’une faveur, quand on sait qu’ils inspireront une conduite dont il faudra que la punition serve d’exemple. Outre que l’on ne remarque point les utilités de ces exemples : toutes les générations jusques ici ont eu besoin de cette leçon, et il n’y a pas d’apparence que les siècles à venir soient moins exempts de cette vicissitude que ceux qui ont précédé. [Dictionnaire historique. Art. Lucrèce. Remarque D.]

Nier ainsi, — que ce soit au nom de sa majesté même ou de sa bonté, — l’intervention de Dieu dans les affaires humaines, le reléguer lui-même là-haut, très haut, très loin,

Dans ses cieux, au-delà de la sphère des nues,
Au fond de son azur immobile et dormant,

c’est proprement le déisme, et Bayle, — pour en réitérer en passant la remarque, — en aurait donc donné la formule avant les Libres penseurs anglais. C’est au surplus un point sur lequel je n’insiste pas, si, cette formule, il la tenait lui-même des premiers libres penseurs de l’Europe moderne, — ce sont les Italiens ; — à moins encore que, comme eux, il ne l’eût directement héritée des Anciens. « Jamais homme ne nia plus hardiment que ce poète la Providence divine, » dit-il en parlant de Lucrèce, et il a raison de le dire.

Mais Bayle va plus loin que les Anciens encore, et sa négation de la Providence n’est en quelque manière que la première démarche de sa dialectique. En effet, après avoir établi, en cent endroits de ses Pensées ou de son Dictionnaire, qu’à vrai dire, la