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qui voguaient au-dessus… » — Impressions du 17 février : « Les branches de houx inclinées sous le poids de leur blanc fardeau, mais laissant voir encore leurs baies d’un rouge brillant et leurs feuilles d’un vert lustré. Les branches nues des chênes épaissies par la neige. » — Impressions du 2 avril : « Rafale… Les houx dans l’épaisseur du bois non ébranlés par la rafale ; seulement, quand elle redoublait de force, secoués par les gouttes de pluie qui tombaient des chênes au-dessus d’eux. » — Cela fait songer à quelques pages d’Eugénie de Guérin ou de son frère Maurice, qui, au surplus, fut un des rares imitateurs français de Wordsworth. Mais je le demande : deux êtres humains ont-ils jamais vécu plus près l’un de l’autre, et plus près aussi de ce troisième être, avec lequel ils aiment à converser longuement, le grand être de la Nature ? Vie singulièrement vide et monotone, en apparence ; singulièrement féconde, en fait, puisque tout Wordsworth est sorti de là. Près de sa sœur, il redevenait humble de cœur : « Sans toi, ma sœur, lui disait-il, mon âme trop indifférente à la grâce douce serait resté trop confiante en sa force individuelle. »

Du même coup, le disciple aigri de Godwin reprend goût à l’humanité. Il s’avise qu’il était devenu « le bigot d’une nouvelle idolâtrie. » Il comprend qu’il a eu tort de se détourner des hommes d’aujourd’hui pour espérer tout des hommes de l’avenir. Nul abîme ne sépare l’humanité d’aujourd’hui de celle de demain. Pareil à un moine ignorant, le poète a travaillé à cette œuvre mauvaise « d’isoler son cœur de toutes les sources de sa force première. » Il est temps de revenir à un idéal plus simple, plus humble, ou plutôt il est temps de revenir à la réalité. La nature est « la qualité visible, la forme et l’image de la vraie raison. » Or, la nature ne connaît « ni espoirs impatiens ou fallacieux, ni excessives ardeurs. » Ce qu’elle enseigne, c’est ce qu’ignore Godwin, le respect de la vertu des humbles, des pauvres d’esprit, des « Milton muets et sans gloire », même des enfans. Devant une réponse d’un enfant de trois ans, voici Wordsworth qui s’écrie, tout ému : « O cher, cher en faut ! Mon cœur soupirerait rarement après un savoir meilleur, si je pouvais seulement l’enseigner la centième partie de ce que j’apprends de toi ! »

Le danger de la société exclusive de sa sœur, c’était, pour Wordsworth, un abandon trop complaisant des droits de la pensée. Samuel Taylor Coleridge, cet homme « merveilleux », comme il dit, vint fort à propos lui donner les élémens de ce qui lui manquait encore : une philosophie.

Coleridge agit sur Wordsworth par l’ascendant d’une nature