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la vie de famille, l’amour d’une jeune fille qu’il aime, — pour se faire le chevalier errant de toutes les libertés. La jeune fille, Agnès Skogman, qui lui avait donné son cœur dans la candeur de ses dix-sept ans, accepte, par amour pour lui, de renoncer à lui. Elle se dévoue de son côté à l’humanité souffrante et se fait garde-malade dans un hospice de folles. Des années se sont passées lorsqu’elle aperçoit un jour, dans la vitrine d’un libraire, le premier livre de Christian Grane. Elle l’achète et rentre chez elle pour le lire d’un trait.

— Voilà donc tout ce qui est résulté de mon sacrifice ! se dit-elle en terminant cette lecture, dans la solitude de sa petite chambre d’infirmière, auprès de la fenêtre d’où l’on entend le pas lourd et le radotage incohérent des folles se promenant dans la cour. Voilà donc l’œuvre pour laquelle nous avons tous deux perdu notre bonheur : des nouvelles, de tristes histoires de la vie de tous les jours !

Que l’on prenne les nouvelles de M. de Geijerstam : Ciels gris, Pauvres gens, Nuages épars, ou que l’on prenne ses œuvres de plus longue haleine : Erik Grane, le Pasteur Hallin, ce sont toujours des histoires de ce genre, tristes comme les jours de ciel gris, tristes comme les misères humaines ; et l’impression qui s’en dégage est toujours celle de l’inharmonie des choses, de l’injustice fies hommes, de l’intolérance de la société, du manque de charité de toutes les religions et de toutes les morales.

C’est, dans Erik Grane, la lutte du jeune étudiant libre penseur, sceptique et radical, se débattant à Upsal contre les tendances conservatrices, la religion officielle, le rigorisme moral de la vieille cité universitaire. Ce sont, dans le Pasteur Hallin, les mêmes luttes transportées dans une ville de province, siège d’un évêché et d’une école supérieure, et se déroulant avec l’âpreté particulière que peut donner à de tels débats l’atmosphère d’une petite ville, au milieu d’une société ecclésiastique, parmi les professeurs et les gros bourgeois de l’endroit. Et nous assistons aux luttes intérieures du jeune pasteur Hallin, qui, au moment de sa consécration au pastoral, se sent assailli par les doutes de la philosophie moderne et se débat entre le parjure qu’il va commettre et la crainte de désoler tous les siens par une révolte contre sa destinée. C’est enfin, dans Ciels gris, Pauvres gens, En attendant, les combats journaliers des humbles et des laborieux, des habitaris des campagnes et du littoral ; c’est la vie de ces rudes paysans du Nord, du pêcheur, du marin des côtes, vie cruelle et dure, dominée par deux grands instincts : la faim et l’amour.