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prendra une autre forme : on n’alléguera plus les faits absurdes, invraisemblables, que Sprenger, Nider et leurs successeurs laïques admettent si naïvement. Le siècle de Descartes et de Pascal n’est pas celui de la crédulité absolue. On voit cesser le sabbat, les loups-garous, les maléfices, tous ces méfaits de Satan qui paraissent à de Lancre, en 1610, des réalités indiscutables, et pour lesquelles le bûcher est la seule punition assez forte. Désormais Satan n’a plus qu’une manière d’être, c’est la possession. Chassé du monde, il se réfugie chez les jeunes religieuses hystériques.

II est facile de comprendre la raison de cette défaite partielle. Les maléfices et les changemens d’hommes en bêtes sont des superstitions grossières. Au milieu de toutes les balivernes qui effrayaient tant Bodin, on ne saurait trouver un seul fait vrai, palpable, évident, qu’on relate avec procès verbal et signature des autorités. Les temps se sont corrompus tellement qu’il faut maintenant à une accusation un point d’appui solide et inattaquable. Ce point d’appui, on le trouve chez les possédées. Voilà une femme qui pousse des hurlemens et des cris farouches, qui se démène dans des contorsions inouïes, qui rejette, insulte, frappe les choses les plus saintes. Bien plus, ses compagnes, et généralement ses compagnes de cloître, car c’est une religieuse, font comme elle, parlent de démons qui les hantent, qui les poussent à exécuter des bonds étranges et à vociférer d’horribles blasphèmes. Voilà un fait positif qui défie toute incrédulité. Osez donc soutenir qu’il n’y a pas là un effet du diable, et que ces effrayans symptômes sont dus à une maladie du cerveau. Il faut presque arriver jusqu’à Pinel (1800) pour que la possession diabolique soit définitivement reléguée au nombre des formes de l’aliénation mentale.

Les procès de sorcellerie intentés ainsi à un seul individu ont plus d’intérêt peut-être que les procédures exercées contre toute une bourgade. Ce sont de véritables drames qui finissent, comme les drames du boulevard, après des péripéties diverses, par la mort violente, théâtrale, du principal personnage. La France a eu le privilège de ces sortes de scènes. De 1610 à 1640 ; il y a eu trois procès, inégalement célèbres, celui de Gaufridi (1610), celui d’Urbain Grandier (1634) et celui de Boullé (1638).

Quelque temps après que Romillion, protestant converti, honnête et bon prêtre, eut fondé l’ordre des ursulines, à Aix, en Provence, deux des religieuses de ce couvent furent prises de mouvemens extraordinaires et d’autres symptômes merveilleux. On peut deviner que ces symptômes sont tout à fait analogues à ceux que nous avons décrits déjà, en parlant de l’hystéro-épilepsie. Conformément à la croyance générale, Romillion supposa que ces