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d’aise à voir certains « tableaux » formés par les personnages de Denise ; et, s’il ne pouvait que lire la brochure [1], il se réjouirait de tant d’indications de scène. N’importe : ces moyens d’exécution me paraissent d’un art inférieur, et je le dis. Mais, avec la même fermeté, je maintiens que l’invention de Denise est d’un art supérieur. C’est assez pour la classer hors du vulgaire des drames, dans un ordre où nos respects n’ont que rarement à saluer un ouvrage nouveau.

Après cela, quiconque lirait cette étude loin des conversations de Paris, croirait que nous avons tout dit sur Denise ; et peut-être, en effet, avons-nous dit, au moins rapidement, tout ce qu’il fallait en dire a cette place. Il n’y manquerait que de constater que la pièce est-bien jouée, que M. Worms et Mlle Bartet prêtent la vibration de leurs nerfs et de leurs voix au héros et à l’héroïne, et qu’ils la communiquent au public ; que M. Coquelin est parfait dans le rôle de Thouvenin et qu’il y donne, avec l’exemple de l’autorité, le modèle de la diction la plus nuancée du monde ; que Mme Granger représente Mme Brissot avec conscience ; que M. Got, dans le personnage de Brissot, a le pathétique ordinaire de sa brusquerie, et que Mlle Pierson, sous le nom de Mme de Thauzette, fait apprécier à leur prix, pour la première fois depuis son entrée à la Comédie-Française, les ressources variées de sa bonne grâce ; que Mlle Reichenberg, qui figure Marthe, un peu trop sèche sans doute dans la seconde partie du rôle, en marque la première d’une pointe bien fine.

Mais ce n’est ni le talent des acteurs, ni les qualités dramatiques de l’ouvrage, ni ses défauts qui font l’entretien des couloirs pendant les entr’actes et des salons au lendemain de chaque représentation de Denise ; c’est la thèse : quelle thèse ?

Avez-vous pris garde qu’André de Bardanne est un honnête homme, et qu’il épouse Denise Brissot, une fille-mère ? Ce mariage, les caractères du héros et de l’héroïne, leur passion, la situation, le commandent ; et si l’auteur l’approuve, on ne peut dire qu’il le force. André est orphelin : il n’a de comptes à rendre de sa conduite à personne ; il a joui suffisamment du monde, et, si le monde le blâme, il s’en consolera, ayant assez dîné en ville. Pour lui-même, passé au feu de la vie parisienne, retrempé dans la vie agreste, il doit n’estimer guère que les réalités morales ; il aime Denise, il est aimé d’elle : la virginité de cette femme, valeur d’opinion, il peut en faire son deuil, plus volontiers du moins que de cette femme elle-même, de toutes ses grâces et de toutes ses vertus. D’ailleurs, non-seulement Denise a souffert, elle a expié, mais encore ce secret, dont la révélation la déshonore, c’est elle-même qui l’a révélé ; — à quel moment ? Alors qu’elle était à

  1. Calmann Lévy, éditeur.