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deux, mais si doucement que ma voisine elle-même, une jeune fille, ne me soupçonnera pas d’être plus désabusé qu’elle.

Faut-il cependant quitter ces régions bénies et revenir vers un coin de terre que nous connaissons peut-être mieux ? Faut-il, pour n’être pas écœurés à la longue par les fruits trop parfumés de l’Éden, nous réconforter par une bonne soupe ? Voici M. Theuriet qui nous la trempe dans le pot-au-feu des Deux Barbeaux. Ne faisons pas les dégoûtés : nulle odeur de graillon ne s’en échappe ; non, mais l’honnête fumet d’une cuisine française et provinciale. Est-ce aux lecteurs de la Revue qu’il faut rappeler les personnages de ce récit [1], aujourd’hui transporté à la scène par l’auteur, avec l’assistance de M. Henri Lion ? Ils n’ont oublié ni l’un ni l’autre des frères Lafrogne, célibataires de petite ville, droguistes en gros et tirant leur surnom de leur enseigne ; dès que la toile se lève, ils se retrouvent comme chez de vieux parens. Voici bien la salle à manger de la maison des Deux Barbeaux ; voici, accroché au mur, le portrait de tante Lénette. Hélas ! tante Lénette, la digne et solide bourgeoise, la providence de ses deux neveux, à qui elle a tenu lieu de mère et de sœur et de femme jusqu’à ce qu’ils eussent l’un cinquante ans, l’autre quarante ; la sainte fille entendue en économie domestique, en lessives et en petits plats, tante Lénette est morte avant le lever du rideau ; nous ne verrons d’elle que ce portrait. Toute la première partie du roman, si joliment ornée de détails intimes, aurait-elle péri avec la bonne femme ? Non, de cette simple parure, tout est sauvé, tout se reconnaît ici, aménagea nouveau avec le goût le plus habile. Seulement, pas plus que ce goût, l’entente des lois du théâtre ne fait défaut dans ce premier acte : in médias res

La pièce commence à l’heure où Xavier Duprat, le jeune attaché au parquet, entre comme locataire dans la maison des Deux Barbeaux. Justement leur cousine Laurence, la gentille Parisienne échouée avec sa mère dans cette paisible ville après un naufrage de fortune, revient de la messe ; elle trouve ici Xavier Duprat et son introducteur Delphin Nivard, le pelé, le galeux Nivard, — ce n’est pas seulement au figuré que je parle, — le chef de bureau de la préfecture, le traître de ce petit drame. Ensuite paraissent, derrière la servante Catherinette, les deux frères, Hyacinthe et Germain, encore en deuil de la tante ; l’un avec son air candide de vieil enfant, l’autre avec son air bourru de courtaud de boutique et de chasseur. Leurs caractères à tous deux se révèlent par l’expérience qu’en fait Nivard. Assuré que Laurence cherche une issue à sa gêne, il les prie de solliciter pour lui sa jolie main. Hyacinthe s’étonne seulement ; Germain éclate en sarcasmes : il secoue Nivard, il le plante devant le miroir, il lui demande si sa perruque osera bien avoisiner ce jeune front. A cette colère, nous

  1. La Maison des Deux Barbeaux. Voir la Revue du 15 avril et du 1er mai 1878.