« Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/62 » : différence entre les versions

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et de grands raisonnements en prose poétique, comme son métier de héros de roman lui en impose l’obligation.
de
grands raisonnements en prose poétique, comme
son métier de héros de roman lui en impose l’obligation.


Il est beau, c’est vrai ; mais, entre nous, je le crois bizarre, malicieux comme une guenon, plein de fatuité et de caprices, plus changeant d’humeur que la lune, plus variable que la peau du caméléon. À ces défauts, que nous lui pardonnerions volontiers, il joint celui de ne vouloir rien dire de ses affaires à personne, ce qui est impardonnable. Il se contente de rire, de boire et d’être un homme de belles manières. Il ne disserte pas sur les passions, il ne fait pas de métaphysique de cœur, ne lit pas les romans à la mode, ne raconte, en fait de bonnes fortunes, que des intrigues malaises ou chinoises, qui ne peuvent nuire en rien aux grandes darnes du noble faubourg ; il ne fait pas les yeux doux à la lune entre la poire et le fromage, et ne parle jamais d’aucune actrice. ― Bref, c’est un homme médiocre à qui, je ne sais pourquoi, tout le monde s’obstine à trouver de l’esprit, et que nous sommes bien fâché d’avoir pris pour principal personnage de notre roman.
Il est beau, c’est vrai ; mais, entre nous, je le
crois bizarre, malicieux comme une guenon, plein
de fatuité et de caprices, plus changeant d’humeur
que la lune, plus variable que la peau du caméléon.
A ces défauts que nous lui pardonnerions
volontiers, il joint celui de ne vouloir rien dire de
ses affaires à personne, ce qui est impardonnable.
Il se contente de rire, de boire et d’être un homme
de belles manières. Il ne disserte pas sur les passions,
il ne fait pas de métaphysique de cœur, ne
lit pas les romans à la mode, ne raconte, en fait
de bonnes fortunes, que des intrigues malaises ou
chinoises, qui ne peuvent nuire en rien aux grandes
darnes du noble faubourg ; il ne fait pas les
yeux doux à la lune entre la poire et le fromage,
et ne parle jamais d’aucune actrice. ― Bref, c’est
un homme médiocre à qui, je ne sais pourquoi,
tout le m onde s’obstine à trouver de l’esprit, et
que nous sommes bien fâché d’avoir pris pour
principal personnage de notre roman.


Nous avons même bien envie de le laisser là. Si
Nous avons même bien envie de le laisser là. Si nous prenions George à sa place ?
nous prenions George à sa place ?


Bah ! il a l’abominable habitude de se griser
Bah ! il a l’abominable habitude de se griser matin et soir et quelquefois dans la journée, et aussi un peu dans la nuit. Que diriez-vous, madame, d’un héros qui serait toujours ivre, et
matin et soir et quelquefois dans la journée, et
aussi un peu dans la nuit. Que diriez-vous, madame,
d’un héros qui serait toujours ivre, et qui

Version du 8 avril 2020 à 07:57

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et de grands raisonnements en prose poétique, comme son métier de héros de roman lui en impose l’obligation.

Il est beau, c’est vrai ; mais, entre nous, je le crois bizarre, malicieux comme une guenon, plein de fatuité et de caprices, plus changeant d’humeur que la lune, plus variable que la peau du caméléon. À ces défauts, que nous lui pardonnerions volontiers, il joint celui de ne vouloir rien dire de ses affaires à personne, ce qui est impardonnable. Il se contente de rire, de boire et d’être un homme de belles manières. Il ne disserte pas sur les passions, il ne fait pas de métaphysique de cœur, ne lit pas les romans à la mode, ne raconte, en fait de bonnes fortunes, que des intrigues malaises ou chinoises, qui ne peuvent nuire en rien aux grandes darnes du noble faubourg ; il ne fait pas les yeux doux à la lune entre la poire et le fromage, et ne parle jamais d’aucune actrice. ― Bref, c’est un homme médiocre à qui, je ne sais pourquoi, tout le monde s’obstine à trouver de l’esprit, et que nous sommes bien fâché d’avoir pris pour principal personnage de notre roman.

Nous avons même bien envie de le laisser là. Si nous prenions George à sa place ?

Bah ! il a l’abominable habitude de se griser matin et soir et quelquefois dans la journée, et aussi un peu dans la nuit. Que diriez-vous, madame, d’un héros qui serait toujours ivre, et