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Ça y est !… Pierre devine son horrible présence. Il n’ose se retourner, sentant confusément que « quelque chose » le guette par derrière, va l’étrangler peut-être.

Oui, ça y est… Une main s’abat sur l’épaule du pauvre petit qui va défaillir.

Mais, est-ce possible ? On murmure à son oreille le mot « courage ».

Eh ! mon Dieu ! Ce n’est pas l’assassin. C’est Violette, l’œil hagard, qui est montée doucement derrière lui, ne voulant pas le laisser seul en face du danger et de la mort.

XI

La femme de Barbe-Bleue

Une terreur sans nom courbe cette fois les enfants sous sa griffe. Des pieds à la tête ils sont glacés. Comme de pauvres petits oiseaux devant un serpent fascinateur, ils regardent de leurs yeux tout ronds les sept femmes mortes. Et là-bas, en face de la fenêtre au jour louche, dont un carreau brisé laisse entrer le vent, ne voilà-t-il pas qu’une d’elles se prend à remuer doucement !

Telle une vieille femme qui dodeline du menton sous le poids des ans, elle agite son chapeau à plumes démodé comme si elle saluait gracieusement les visiteurs d’un petit hochement de tête de cadavre bien élevé.

Cette minute est épouvantable et décide du sort de Pierre et de Violette. Dans un vol éperdu, ils s’enfuient dans l’escalier, remuant avec fracas des chaises, et, sans rien voir, fous, ils s’affaissent sur le sol dans le vestibule solennel et silencieux.

Silencieux ? Pas pour longtemps… car maintenant, au-dessus d’eux, le rythme lourd de pas cadencés annonce la présence immédiate de l’assassin.

On l’entend, là, au-dessus des petites têtes innocentes, qui va et qui vient comme un ours en cage, escomptant sans doute « l’heure du sang »…

Et il parle. On distingue confusément des lambeaux de phrases où il est question de drame, de poignard, de mort.

Un silence. Puis la voix se fait plus rauque :

— Solange ! Solange !

Sans se le dire, les enfants tapis dans un coin savent bien ce qui se passe. Là-haut la pauvre Solange attend l’heure suprême où le couteau fatal brisera le fil de ses jours. Sûrement aussi, elle est jeune, elle est belle, elle aime la vie et, réfugiée derrière une porte, privée de sa sœur Anne, elle surveille anxieusement la route qui poudroie. Elle n’a plus d’espoir que dans la visite de ses frères.

Peut-on la sauver encore ? Qui sait ?

Très doucement, avec des précautions d’apaches, Pierre et Violette se glissent