« Page:Schopenhauer - De la quadruple racine, 1882, trad. Cantacuzène.djvu/29 » : différence entre les versions

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Nous trouvons notre excellent Descartes lui-même, le fondateur de l’analyse subjective et, par conséquent, le père de la philosophie moderne, plongé, sur cette matière, dans des confusions à peine explicables, et nous verrons tout à l’heure à quelles sérieuses et déplorables conséquences ces erreurs ont conduit en métaphysique. Dans la ''Responsio ad secundas objectiones in meditationes de prima philosophia'', ''axioma I'', il dit : « ''Nulla res existit de qua non possit quæri quænam sit causa cur existat. Hoc enim de ipso Deo quæri potest, non quod indigeat ulla causa ut existat, sed quia ipsa ejus naturæ immensitas est causa sive ratio, propter quam nulla causa indiget ad existendum.'' »<ref> « Il n’y a aucune chose existante de laquelle on ne puisse demander la cause pourquoi elle existe. Car cela même se peut demander de Dieu ; non qu’il ait besoin d’aucune cause pour exister. »</ref> Il aurait dû dire : L’immensité de Dieu est un principe de connaissance dont il résulte que Dieu n’a pas besoin de cause. Cependant il confond les deux choses, et l’on sent qu’il n’a pas une connaissance bien claire de la grande différence entre une cause et un principe de connaissance. Mais, à vrai dire, c’est l’intention chez lui qui fausse le jugement. En effet, ici, où la loi de causalité exigeait une ''cause'', il glisse à la place un ''principe de connaissance'', parce que celui-ci ne pousse pas de suite plus loin comme l’autre, et il se fraye ainsi, à l’aide de cet axiome même, la voie vers la ''preuve ontologique'' de l’existence de Dieu, preuve dont il fut l’inventeur,
Nous trouvons notre excellent Descartes lui-même, le fondateur de l’analyse subjective et, par conséquent, le père de la philosophie moderne, plongé, sur cette matière, dans des confusions à peine explicables, et nous verrons tout à l’heure à quelles sérieuses et déplorables conséquences ces erreurs ont conduit en métaphysique. Dans la ''Responsio ad secundas objectiones in meditationes de prima philosophia'', ''axioma I'', il dit : « ''Nulla res existit de qua non possit quæri quænam sit causa cur existat. Hoc enim de ipso Deo quæri potest, non quod indigeat ulla causa ut existat, sed quia ipsa ejus naturæ immensitas est causa sive ratio, propter quam nulla causa indiget ad existendum.'' »<ref> « Il n’y a aucune chose existante de laquelle on ne puisse demander la cause pourquoi elle existe. Car cela même se peut demander de Dieu ; non qu’il ait besoin d’aucune cause pour exister. »</ref> Il aurait dû dire : L’immensité de Dieu est un principe de connaissance dont il résulte que Dieu n’a pas besoin de cause. Cependant il confond les deux choses, et l’on sent qu’il n’a pas une connaissance bien claire de la grande différence entre une cause et un principe de connaissance. Mais, à vrai dire, c’est l’intention chez lui qui fausse le jugement. En effet, ici, où la loi de causalité exigeait une ''cause'', il glisse à la place un ''principe de connaissance'', parce que celui-ci ne pousse pas de suite plus loin comme l’autre, et il se fraye ainsi, à l’aide de cet axiome même, la voie vers la ''preuve ontologique'' de l’existence de Dieu, preuve dont il fut l’inven-

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savoir, n’avaient aucune notion de la distinction nécessaire à faire, dont nous traitons ici.

§ 7. — Descartes.


Nous trouvons notre excellent Descartes lui-même, le fondateur de l’analyse subjective et, par conséquent, le père de la philosophie moderne, plongé, sur cette matière, dans des confusions à peine explicables, et nous verrons tout à l’heure à quelles sérieuses et déplorables conséquences ces erreurs ont conduit en métaphysique. Dans la Responsio ad secundas objectiones in meditationes de prima philosophia, axioma I, il dit : « Nulla res existit de qua non possit quæri quænam sit causa cur existat. Hoc enim de ipso Deo quæri potest, non quod indigeat ulla causa ut existat, sed quia ipsa ejus naturæ immensitas est causa sive ratio, propter quam nulla causa indiget ad existendum. »[1] Il aurait dû dire : L’immensité de Dieu est un principe de connaissance dont il résulte que Dieu n’a pas besoin de cause. Cependant il confond les deux choses, et l’on sent qu’il n’a pas une connaissance bien claire de la grande différence entre une cause et un principe de connaissance. Mais, à vrai dire, c’est l’intention chez lui qui fausse le jugement. En effet, ici, où la loi de causalité exigeait une cause, il glisse à la place un principe de connaissance, parce que celui-ci ne pousse pas de suite plus loin comme l’autre, et il se fraye ainsi, à l’aide de cet axiome même, la voie vers la preuve ontologique de l’existence de Dieu, preuve dont il fut l’inven-

  1. « Il n’y a aucune chose existante de laquelle on ne puisse demander la cause pourquoi elle existe. Car cela même se peut demander de Dieu ; non qu’il ait besoin d’aucune cause pour exister. »