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Il faut un Dieu pour donner la chiquenaude.
{{tiret|sur|naturelle}}. Il faut un Dieu pour donner la chiquenaude.


Malgré de nombreux exemples de conciliation entre l’atomisme et les croyances religieuses, il paraît juste de dire que l’atomisme, d’une manière générale, reste défavorable aux idées de providence et de liberté. En effet, sa tendance est d’expliquer le plus par le moins ; il attribue donc aux atomes le moins de qualités possibles, et les plus éloignées de l’esprit ; et dans cette philosophie, lors même qu’on croit devoir recourir à Dieu pour expliquer l’existence des atomes, l’action divine est réduite au minimum, on ne l’admet que dans la mesure où l’on ne peut pas s’en passer.
Malgré de nombreux exemples de conciliation entre l’atomisme et les croyances religieuses, il paraît juste de dire que l’atomisme, d’une manière générale, reste défavorable aux idées de providence et de liberté. En effet, sa tendance est d’expliquer le plus par le moins ; il attribue donc aux atomes le moins de qualités possibles, et les plus éloignées de l’esprit ; et dans cette philosophie, lors même qu’on croit devoir recourir à Dieu pour expliquer l’existence des atomes, l’action divine est réduite au minimum, on ne l’admet que dans la mesure où l’on ne peut pas s’en passer.


Cependant considérons, non plus l’atomisme, mais simplement l’idée générale des lois chimiques, à savoir le principe de la permanence du poids des corps. Avec la physique et la chimie, tout apparaît comme permanent dans la nature, la masse comme l’énergie. Que vaut cette permanence ? On est porté à croire que tout ce qu’on accorde à la permanence, on le retire à la contingence et à la liberté. Mais ce n’est là peut-être qu’un préjugé, dont l’origine parait remonter à l’antiquité. Pour les anciens, l’idéal était la fixité, l’immutabilité. Epicure considère les dieux comme éternellement oisifs, parce que le travail est un changement et une fatigue. Mais ces idées n’ont pas cours parmi les modernes au même degré que chez les anciens. A beaucoup d’entre nous le mouvement parait supérieur au repos. Pour des raisons esthétiques et morales peut être, en même temps que scientifiques, la conception de l’être et de l’idéal a changé : elle admet aujourd’hui, si elle ne les exige, le progrès, le perfectionnement, la flexibilité. Dès lors l’immutabilité n’est plus la marque de l’absolu, mais du relatif. La masse et l’énergie [70]
Cependant considérons, non plus l’atomisme, mais simplement l’idée générale des lois chimiques, à savoir le principe de la permanence du poids des corps. Avec la physique et la chimie, tout apparaît comme permanent dans la nature, la masse comme l’énergie. Que vaut cette permanence ? On est porté à croire que tout ce qu’on accorde à la permanence, on le retire à la contingence et à la liberté. Mais ce n’est là peut-être qu’un préjugé, dont l’origine parait remonter à l’antiquité. Pour les anciens, l’idéal était la fixité, l’immutabilité. Épicure considère les dieux comme éternellement oisifs, parce que le travail est un changement et une fatigue. Mais ces idées n’ont pas cours parmi les modernes au même degré que chez les anciens. A beaucoup d’entre nous le mouvement parait supérieur au repos. Pour des raisons esthétiques et morales peut être, en même temps que scientifiques, la conception de l’être et de l’idéal a changé : elle admet aujourd’hui, si elle ne les exige, le progrès, le perfectionnement, la flexibilité. Dès lors l’immutabilité n’est plus la marque de l’absolu, mais du relatif. La masse et {{tiret|l’éner|gie}}

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sur-. Il faut un Dieu pour donner la chiquenaude.

Malgré de nombreux exemples de conciliation entre l’atomisme et les croyances religieuses, il paraît juste de dire que l’atomisme, d’une manière générale, reste défavorable aux idées de providence et de liberté. En effet, sa tendance est d’expliquer le plus par le moins ; il attribue donc aux atomes le moins de qualités possibles, et les plus éloignées de l’esprit ; et dans cette philosophie, lors même qu’on croit devoir recourir à Dieu pour expliquer l’existence des atomes, l’action divine est réduite au minimum, on ne l’admet que dans la mesure où l’on ne peut pas s’en passer.

Cependant considérons, non plus l’atomisme, mais simplement l’idée générale des lois chimiques, à savoir le principe de la permanence du poids des corps. Avec la physique et la chimie, tout apparaît comme permanent dans la nature, la masse comme l’énergie. Que vaut cette permanence ? On est porté à croire que tout ce qu’on accorde à la permanence, on le retire à la contingence et à la liberté. Mais ce n’est là peut-être qu’un préjugé, dont l’origine parait remonter à l’antiquité. Pour les anciens, l’idéal était la fixité, l’immutabilité. Épicure considère les dieux comme éternellement oisifs, parce que le travail est un changement et une fatigue. Mais ces idées n’ont pas cours parmi les modernes au même degré que chez les anciens. A beaucoup d’entre nous le mouvement parait supérieur au repos. Pour des raisons esthétiques et morales peut être, en même temps que scientifiques, la conception de l’être et de l’idéal a changé : elle admet aujourd’hui, si elle ne les exige, le progrès, le perfectionnement, la flexibilité. Dès lors l’immutabilité n’est plus la marque de l’absolu, mais du relatif. La masse et l’éner-