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était glaciale le lendemain, et le thermomètre tombait de dix, quinze et vingt-cinq degrés dans le court espace de quelques heures. Dans les premiers jours du mois d’août, la glace commença à s’ébranler avec d’horribles craquemens ; une forte brise du nord la mit en mouvement à l’est, mais elle se rétablit promptement dans son premier état. Tout le mois d’août et une partie de celui de septembre se passèrent dans ces alternatives subites d’espoir et de désappointement amer ; enfin, le 17 septembre, après des efforts cent fois répétés, le ''Victory'' se trouva hors de la baie où il était emprisonné depuis onze mois et demi, et sous voiles.
{{tiret2|aujour|d’hui,}} était glaciale le lendemain, et le thermomètre tombait de dix, quinze et vingt-cinq degrés dans le court espace de quelques heures. Dans les premiers jours du mois d’août, la glace commença à s’ébranler avec d’horribles craquemens ; une forte brise du nord la mit en mouvement à l’est, mais elle se rétablit promptement dans son premier état. Tout le mois d’août et une partie de celui de septembre se passèrent dans ces alternatives subites d’espoir et de désappointement amer ; enfin, le 17{{lié}}septembre, après des efforts cent fois répétés, le ''Victory'' se trouva hors de la baie où il était emprisonné depuis onze mois et demi, et sous voiles.


« .Sous voiles ! s’écrie le capitaine Ross. Nous pouvions à peine le croire, et nous rendre compte des sensations que nous éprouvions. Sentir que le navire, qui bondit sous nos pieds, qui obéit au plus léger mouvement de notre main, qui semble ne se mouvoir qu’à notre volonté, est un être ayant vie, obéissant à nos moindres désirs, et non pas un corps inerte, jouet des vents et des lames, c’est là une de ces choses qu’un marin seul peut comprendre. Qui devait l’éprouver plus que nous, après avoir vu cet être qui nous portait comme en triomphe sur l’océan, immobile pendant une année entière comme les glaces et les rochers qui l’entouraient, impuissant, sourd à nos désirs, mort en un mot ? Il semblait maintenant revenu à la vie, il nous obéissait de nouveau, il exécutait toutes nos volontés, et outre cela, nous aussi, nous étions libres. Tels furent les premiers sentimens qui éclatèrent en nous en recouvrant notre liberté, mais nous ne fûmes pas long-temps sans éprouver que cette liberté ne devait, pas plus que cette autre si ardemment poursuivie de nos jours, nous apporter le bonheur. »
« Sous voiles ! s’écrie le capitaine Ross. Nous pouvions à peine le croire, et nous rendre compte des sensations que nous éprouvions. Sentir que le navire, qui bondit sous nos pieds, qui obéit au plus léger mouvement de notre main, qui semble ne se mouvoir qu’à notre volonté, est un être ayant vie, obéissant à nos moindres désirs, et non pas un corps inerte, jouet des vents et des lames, c’est là une de ces choses qu’un marin seul peut comprendre. Qui devait l’éprouver plus que nous, après avoir vu cet être qui nous portait comme en triomphe sur l’océan, immobile pendant une année entière comme les glaces et les rochers qui l’entouraient, impuissant, sourd à nos désirs, mort en un mot ? Il semblait maintenant revenu à la vie, il nous obéissait de nouveau, il exécutait toutes nos volontés, et outre cela, nous aussi, nous étions libres. Tels furent les premiers sentimens qui éclatèrent en nous en recouvrant notre liberté, mais nous ne fûmes pas long-temps sans éprouver que cette liberté ne devait, pas plus que cette autre si ardemment poursuivie de nos jours, nous apporter le bonheur. »


Dix jours après, en effet, le ''Victory'' se trouvait à trois milles de l’endroit qu’il venait de quitter, étreint de toutes parts par la glace qui s’était refermée sur lui. L’hiver recommençait dans toute son horreur, et avec lui la perspective d’une seconde année de captivité, sans la même énergie morale pour la supporter. Il était à craindre que l’ennui, le découragement, l’affaissement de tous les ressorts de l’ame, produits par l’éternelle monotonie d’une scène toujours la même, ne s’emparassent des esprits de l’équipage. Les anciennes dispositions contre le froid furent reprises, et tout rentra dans le même ordre qu’auparavant. Cet hiver fut sensiblement plus froid que le premier, et la température moyenne de chaque mois fut constamment de quelques degrés plus bas que celle des époques correspondantes de l’année antérieure. Pour comble d’infortune, les Esquimaux, qui jetaient quelque variété dans l’existence uniforme et accablante de nos prisonniers, ne se montrèrent pas pendant près de sept mois. Ne voyant plus le navire à son ancienne place, ils s’étaient imaginés qu’il était parti
Dix jours après, en effet, le ''Victory'' se trouvait à trois milles de l’endroit qu’il venait de quitter, étreint de toutes parts par la glace qui s’était refermée sur lui. L’hiver recommençait dans toute son horreur, et avec lui la perspective d’une seconde année de captivité, sans la même énergie morale pour la supporter. Il était à craindre que l’ennui, le découragement, l’affaissement de tous les ressorts de l’ame, produits par l’éternelle monotonie d’une scène toujours la même, ne s’emparassent des esprits de l’équipage. Les anciennes dispositions contre le froid furent reprises, et tout rentra dans le même ordre qu’auparavant. Cet hiver fut sensiblement plus froid que le premier, et la température moyenne de chaque mois fut constamment de quelques degrés plus bas que celle des époques correspondantes de l’année antérieure. Pour comble d’infortune, les Esquimaux, qui jetaient quelque variété dans l’existence uniforme et accablante de nos prisonniers, ne se montrèrent pas pendant près de sept mois. Ne voyant plus le navire à son ancienne place, ils s’étaient imaginés qu’il était parti

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VOYAGE DANS LES RÉGIONS ARCTIQUES.

d’hui, était glaciale le lendemain, et le thermomètre tombait de dix, quinze et vingt-cinq degrés dans le court espace de quelques heures. Dans les premiers jours du mois d’août, la glace commença à s’ébranler avec d’horribles craquemens ; une forte brise du nord la mit en mouvement à l’est, mais elle se rétablit promptement dans son premier état. Tout le mois d’août et une partie de celui de septembre se passèrent dans ces alternatives subites d’espoir et de désappointement amer ; enfin, le 17 septembre, après des efforts cent fois répétés, le Victory se trouva hors de la baie où il était emprisonné depuis onze mois et demi, et sous voiles.

« Sous voiles ! s’écrie le capitaine Ross. Nous pouvions à peine le croire, et nous rendre compte des sensations que nous éprouvions. Sentir que le navire, qui bondit sous nos pieds, qui obéit au plus léger mouvement de notre main, qui semble ne se mouvoir qu’à notre volonté, est un être ayant vie, obéissant à nos moindres désirs, et non pas un corps inerte, jouet des vents et des lames, c’est là une de ces choses qu’un marin seul peut comprendre. Qui devait l’éprouver plus que nous, après avoir vu cet être qui nous portait comme en triomphe sur l’océan, immobile pendant une année entière comme les glaces et les rochers qui l’entouraient, impuissant, sourd à nos désirs, mort en un mot ? Il semblait maintenant revenu à la vie, il nous obéissait de nouveau, il exécutait toutes nos volontés, et outre cela, nous aussi, nous étions libres. Tels furent les premiers sentimens qui éclatèrent en nous en recouvrant notre liberté, mais nous ne fûmes pas long-temps sans éprouver que cette liberté ne devait, pas plus que cette autre si ardemment poursuivie de nos jours, nous apporter le bonheur. »

Dix jours après, en effet, le Victory se trouvait à trois milles de l’endroit qu’il venait de quitter, étreint de toutes parts par la glace qui s’était refermée sur lui. L’hiver recommençait dans toute son horreur, et avec lui la perspective d’une seconde année de captivité, sans la même énergie morale pour la supporter. Il était à craindre que l’ennui, le découragement, l’affaissement de tous les ressorts de l’ame, produits par l’éternelle monotonie d’une scène toujours la même, ne s’emparassent des esprits de l’équipage. Les anciennes dispositions contre le froid furent reprises, et tout rentra dans le même ordre qu’auparavant. Cet hiver fut sensiblement plus froid que le premier, et la température moyenne de chaque mois fut constamment de quelques degrés plus bas que celle des époques correspondantes de l’année antérieure. Pour comble d’infortune, les Esquimaux, qui jetaient quelque variété dans l’existence uniforme et accablante de nos prisonniers, ne se montrèrent pas pendant près de sept mois. Ne voyant plus le navire à son ancienne place, ils s’étaient imaginés qu’il était parti