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relation du comte de Vernon qui est aux Archives de Turin et des recherches faites dans les Archives des principales villes traversées par la princesse vont nous permettre de raconter son voyage avec quelques détails qui ne figurent pas dans les relations du temps, entre autres dans celles publiées par le ''Mercure de France'' et la ''Gazette d’Amsterdam'' <ref> Il existe aussi à la Bibliothèque nationale une ''Relation de ce qui s’est passé à l’arrivée de Mme la princesse de Savoye en France au mois d’octobre 1696''. Cette relation fut imprimée à Lyon chez Barthélémy Martin. Elle est sans nom d’auteur ; mais il se pourrait bien que ce fût celle à propos de laquelle les ''Annales de la Cour et de Paris'' disent (t. I, p. 8) : « L’abbé de Choisi, voyant que c’étoit être à la mode que de s’occuper de cette princesse, crut faire merveilleusement sa cour que de composer une relation de ce qui lui étoit arrivé depuis son départ de Turin. Son livre fut condamné tout d’une voix à être livré aux beurriers et aux épiciers. » Nous emprunterons également à cette relation un ou deux détails assez piquans de l’authenticité desquels nous serions cependant assez embarrassés pour répondre. </ref>.
relation du comte de Vernon qui est aux Archives de Turin et des recherches faites dans les Archives des principales villes traversées par la princesse vont nous permettre de raconter son voyage avec quelques détails qui ne figurent pas dans les relations du temps, entre autres dans celles publiées par le ''Mercure de France'' et la ''Gazette d’Amsterdam''<ref> Il existe aussi à la Bibliothèque nationale une ''Relation de ce qui s’est passé à l’arrivée de Mme la princesse de Savoye en France au mois d’octobre 1696''. Cette relation fut imprimée à Lyon chez Barthélémy Martin. Elle est sans nom d’auteur ; mais il se pourrait bien que ce fût celle à propos de laquelle les ''Annales de la Cour et de Paris'' disent (t. I, p. 8) : « L’abbé de Choisi, voyant que c’étoit être à la mode que de s’occuper de cette princesse, crut faire merveilleusement sa cour que de composer une relation de ce qui lui étoit arrivé depuis son départ de Turin. Son livre fut condamné tout d’une voix à être livré aux beurriers et aux épiciers. » Nous emprunterons également à cette relation un ou deux détails assez piquans de l’authenticité desquels nous serions cependant assez embarrassés pour répondre. </ref>.




<center>III</center>
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Ce ne fut pas sans peine que Tessé parvint à obtenir du duc de Savoie qu’il fixât un jour pour le départ de la princesse. Soit qu’il lui en coûtât réellement de se séparer d’une enfant si jeune, soit que, pour assurer l’exécution des engagemens pris par Louis XIV, il lui parût avantageux de garder quelque temps encore sous sa main comme otage sa fille qui ne lui appartenait plus, Victor-Amédée inventait chaque jour de nouveaux prétextes pour retarder son départ. « Quant au départ de Madame la Princesse <ref> Aff. étrang. ''Corresp. Turin'', vol. 97. Tessé au Roi, 4 septembre 1696. </ref>, mandait Tessé au roi, la grande manière de ce pays-ci, c’est de finir le plus tard que l’on peut, et M. le Duc de Savoye, par ce principe ou par tendresse pour sa fille, m’a chargé de mander à Vostre Majesté qu’elle estoit si jeune et que la saison estoit si avancée qu’il ne sçait s’il ne conviendroit pas que l’on attendît au printemps à lui faire passer les Alpes. Je ne luy ay pas sur cella donné le moindre espoir, et attendu que cette princesse n’a besoin que de six chemises et d’un manteau, je presse et presserai autant que je le pourray son départ, et je suplie Vostre Majesté de vouloir bien me mander que vous avés tant d’empressement de voir une princesse que vous avés destinée à l’honneur de devenir petite-fille de Vostre Majesté que vous ne pouvés consentir à retarder le désir de la voir auprès de vous. »
Ce ne fut pas sans peine que Tessé parvint à obtenir du duc de Savoie qu’il fixât un jour pour le départ de la princesse. Soit qu’il lui en coûtât réellement de se séparer d’une enfant si jeune, soit que, pour assurer l’exécution des engagemens pris par Louis XIV, il lui parût avantageux de garder quelque temps encore sous sa main comme otage sa fille qui ne lui appartenait plus, Victor-Amédée inventait chaque jour de nouveaux prétextes pour retarder son départ. « Quant au départ de Madame la Princesse<ref> Aff. étrang. ''Corresp. Turin'', vol. 97. Tessé au Roi, 4 septembre 1696. </ref>, mandait Tessé au roi, la grande manière de ce pays-ci, c’est de finir le plus tard que l’on peut, et M. le Duc de Savoye, par ce principe ou par tendresse pour sa fille, m’a chargé de mander à Vostre Majesté qu’elle estoit si jeune et que la saison estoit si avancée qu’il ne sçait s’il ne conviendroit pas que l’on attendît au printemps à lui faire passer les Alpes. Je ne luy ay pas sur cella donné le moindre espoir, et attendu que cette princesse n’a besoin que de six chemises et d’un manteau, je presse et presserai autant que je le pourray son départ, et je suplie Vostre Majesté de vouloir bien me mander que vous avés tant d’empressement de voir une princesse que vous avés destinée à l’honneur de devenir petite-fille de Vostre Majesté que vous ne pouvés consentir à retarder le désir de la voir auprès de vous. »


Louis XIV n’avait garde de ne pas prêter à son négociateur tout l’appui que celui-ci lui demandait. Il n’y a presque pas une dépêche de lui où il ne s’informe si la date du départ de la princesse Adélaïde va être bientôt fixée, et où il ne charge Tessé de presser
Louis XIV n’avait garde de ne pas prêter à son négociateur tout l’appui que celui-ci lui demandait. Il n’y a presque pas une dépêche de lui où il ne s’informe si la date du départ de la princesse Adélaïde va être bientôt fixée, et où il ne charge Tessé de presser

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relation du comte de Vernon qui est aux Archives de Turin et des recherches faites dans les Archives des principales villes traversées par la princesse vont nous permettre de raconter son voyage avec quelques détails qui ne figurent pas dans les relations du temps, entre autres dans celles publiées par le Mercure de France et la Gazette d’Amsterdam[1].


III

Ce ne fut pas sans peine que Tessé parvint à obtenir du duc de Savoie qu’il fixât un jour pour le départ de la princesse. Soit qu’il lui en coûtât réellement de se séparer d’une enfant si jeune, soit que, pour assurer l’exécution des engagemens pris par Louis XIV, il lui parût avantageux de garder quelque temps encore sous sa main comme otage sa fille qui ne lui appartenait plus, Victor-Amédée inventait chaque jour de nouveaux prétextes pour retarder son départ. « Quant au départ de Madame la Princesse[2], mandait Tessé au roi, la grande manière de ce pays-ci, c’est de finir le plus tard que l’on peut, et M. le Duc de Savoye, par ce principe ou par tendresse pour sa fille, m’a chargé de mander à Vostre Majesté qu’elle estoit si jeune et que la saison estoit si avancée qu’il ne sçait s’il ne conviendroit pas que l’on attendît au printemps à lui faire passer les Alpes. Je ne luy ay pas sur cella donné le moindre espoir, et attendu que cette princesse n’a besoin que de six chemises et d’un manteau, je presse et presserai autant que je le pourray son départ, et je suplie Vostre Majesté de vouloir bien me mander que vous avés tant d’empressement de voir une princesse que vous avés destinée à l’honneur de devenir petite-fille de Vostre Majesté que vous ne pouvés consentir à retarder le désir de la voir auprès de vous. »

Louis XIV n’avait garde de ne pas prêter à son négociateur tout l’appui que celui-ci lui demandait. Il n’y a presque pas une dépêche de lui où il ne s’informe si la date du départ de la princesse Adélaïde va être bientôt fixée, et où il ne charge Tessé de presser

  1. Il existe aussi à la Bibliothèque nationale une Relation de ce qui s’est passé à l’arrivée de Mme la princesse de Savoye en France au mois d’octobre 1696. Cette relation fut imprimée à Lyon chez Barthélémy Martin. Elle est sans nom d’auteur ; mais il se pourrait bien que ce fût celle à propos de laquelle les Annales de la Cour et de Paris disent (t. I, p. 8) : « L’abbé de Choisi, voyant que c’étoit être à la mode que de s’occuper de cette princesse, crut faire merveilleusement sa cour que de composer une relation de ce qui lui étoit arrivé depuis son départ de Turin. Son livre fut condamné tout d’une voix à être livré aux beurriers et aux épiciers. » Nous emprunterons également à cette relation un ou deux détails assez piquans de l’authenticité desquels nous serions cependant assez embarrassés pour répondre.
  2. Aff. étrang. Corresp. Turin, vol. 97. Tessé au Roi, 4 septembre 1696.