« Aurore (Nietzsche)/Livre troisième » : différence entre les versions

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''Un modèle''. – Qu'est-ce que j'aime en Thucydide, qu'est-ce qui fait que je l'estime plus que Platon ? Il prend le plaisir le plus étendu et le plus libre de préjugés à tout ce qui est typique chez l'homme et dans les événements, et il trouve qu'à chaque type appartient une certaine quantité de bon sens : c'est ce bon sens qu'il cherche à découvrir. Il possède une plus grande justice pratique que Platon ; il ne calomnie et ne rapetisse pas les hommes qui ne lui plaisent pas ou bien qui lui ont fait mal dans la vie. Au contraire : il ajoute et introduit quelque chose de grand en toute chose et en toute personne, en ne voyant partout que des types ; qu'importe en effet à la postérité, à laquelle il voue son œuvre, ce qui n'est pas typique ! C'est ainsi que cette culture de la plus libre connaissance du monde arrive en lui, le penseur-homme, à une floraison merveilleuse, cette culture qui a son poète en Sophocle, son homme d'État en Périclès, son médecin en Hippocrate, son savant naturaliste en Démocrite : cette culture qui mérite d'être baptisée du nom de ses maîtres, les sophistes, et qui malheureusement, dès le moment de son baptême, commence à devenir soudain pâle et insaisissable pour nous, – car dès lors nous soupçonnons que cette culture pour avoir été combattue par Platon et par toutes les écoles socratiques, devait être bien immorale ! La vérité est si compliquée et si enchevêtrée que l'on répugne à la démêler : que la vieille erreur (error veritate simplicior) suive donc son vieux chemin !
''De petites actions divergentes sont nécessaires'' ! – Sur le chapitre des mœurs, agir même une seule fois à l'encontre de ce qu'on juge préférable ; céder ici, en pratique, tout en réservant sa liberté intellectuelle ; se comporter comme tout le monde et faire ainsi, à tout le monde, une amabilité et un bienfait, pour les dédommager en quelque sorte des écarts de nos opinions : – tout cela est considéré, chez les hommes quelque peu indépendants, non seulement comme admissible, mais encore comme « honnête », « humain », « tolérant », « point pédant », et quels que soient les termes dont on se sert pour endormir la conscience intellectuelle : et c'est ainsi qu'un tel fait baptiser chrétiennement son enfant et n'en est pas moins athée, tel autre fait son service militaire, comme tout le monde, bien qu'il condamne sévèrement la haine entre les peuples, et un troisième se présente à l'église avec une femme parce qu'il a une parenté pieuse, et il fait des promesses devant un prêtre sans avoir honte de son inconséquence. « Cela n'a pas d'importance si quelqu'un de nous fait ce que tout le monde fait et a toujours fait » – ainsi parle le préjugé grossier ! Et l'erreur grossière ! Car rien n'est plus important que de confirmer encore une fois ce qui est déjà puissant, traditionnel et reconnu sans raison, par l'acte de quelqu'un de notoirement raisonnable : c'est ainsi que l'on donne à cette chose, aux yeux de tous ceux qui en entendent parler, la sanction de la raison même ! Respect à vos opinions ! Mais de petites actions divergentes ont plus de valeur !
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Version du 29 octobre 2009 à 13:38

Aurore - Livre troisième - §167 Aurore/Livre troisième Aurore - Livre troisième - §169


Un modèle. – Qu'est-ce que j'aime en Thucydide, qu'est-ce qui fait que je l'estime plus que Platon ? Il prend le plaisir le plus étendu et le plus libre de préjugés à tout ce qui est typique chez l'homme et dans les événements, et il trouve qu'à chaque type appartient une certaine quantité de bon sens : c'est ce bon sens qu'il cherche à découvrir. Il possède une plus grande justice pratique que Platon ; il ne calomnie et ne rapetisse pas les hommes qui ne lui plaisent pas ou bien qui lui ont fait mal dans la vie. Au contraire : il ajoute et introduit quelque chose de grand en toute chose et en toute personne, en ne voyant partout que des types ; qu'importe en effet à la postérité, à laquelle il voue son œuvre, ce qui n'est pas typique ! C'est ainsi que cette culture de la plus libre connaissance du monde arrive en lui, le penseur-homme, à une floraison merveilleuse, cette culture qui a son poète en Sophocle, son homme d'État en Périclès, son médecin en Hippocrate, son savant naturaliste en Démocrite : cette culture qui mérite d'être baptisée du nom de ses maîtres, les sophistes, et qui malheureusement, dès le moment de son baptême, commence à devenir soudain pâle et insaisissable pour nous, – car dès lors nous soupçonnons que cette culture pour avoir été combattue par Platon et par toutes les écoles socratiques, devait être bien immorale ! La vérité est si compliquée et si enchevêtrée que l'on répugne à la démêler : que la vieille erreur (error veritate simplicior) suive donc son vieux chemin !

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