« Aurore (Nietzsche)/Livre troisième » : différence entre les versions

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Danaé et le dieu en or. - D'où vient cette excessive impatience qui fait maintenant de l'homme un criminel, dans des situations qui expliqueraient plutôt des penchants opposés? Car, si celui-ci pèse avec de faux poids, si cet autre met le feu à sa maison après l'avoir assurée au-dessus de sa valeur, si cet autre encore contribue à frapper de la fausse monnaie, si les trois quarts de la haute société s'adonnent à une fraude permise et se chargent la conscience d'opérations de bourse et de spéculations : qu'est-ce qui les pousse? Ce n'est pas la misère véritable, leur existence n'est pas tout à fait précaire, peut-être même mangent-ils et boivent-ils sans soucis, - mais c'est une terrible impatience de voir que l'argent s'amasse si lentement et une joie et un amour tout aussi terribles pour l'argent amassé, qui les poussent nuit et jour. Dans cette impatience et dans cet amour, cependant, reparaît ce fanatisme du désir de puissance qu'enflamma autrefois la croyance d'être en possession de la vérité, ce fanatisme qui portait de si beaux noms que l'on pouvait se hasarder à être inhumain avec bonne conscience (à brûler des juifs, des hérétiques et de bons livres, et à exterminer des civilisations supérieures tout entières, comme celles du Pérou et du Mexique). Les moyens dont se sert le désir de puissance se sont transformés, mais le même volcan bouillonne toujours, l'impatience et l'amour démesuré réclament leurs victimes : et ce que l'on faisait autrefois « pour l'amour de Dieu », on le fait maintenant pour l'amour de l'argent, c'est-à-dire de ce qui donne maintenant le sentiment de puissance le plus élevé et la bonne conscience.
''Gouverner''. – Les uns gouvernent pour le plaisir de gouverner, les autres pour ne pas être eux-mêmes gouvernés : – Entre deux maux ils ont choisi le moindre.
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Version du 29 octobre 2009 à 13:49

Aurore - Livre troisième - §203 Aurore/Livre troisième Aurore - Livre troisième - §205


Danaé et le dieu en or. - D'où vient cette excessive impatience qui fait maintenant de l'homme un criminel, dans des situations qui expliqueraient plutôt des penchants opposés? Car, si celui-ci pèse avec de faux poids, si cet autre met le feu à sa maison après l'avoir assurée au-dessus de sa valeur, si cet autre encore contribue à frapper de la fausse monnaie, si les trois quarts de la haute société s'adonnent à une fraude permise et se chargent la conscience d'opérations de bourse et de spéculations : qu'est-ce qui les pousse? Ce n'est pas la misère véritable, leur existence n'est pas tout à fait précaire, peut-être même mangent-ils et boivent-ils sans soucis, - mais c'est une terrible impatience de voir que l'argent s'amasse si lentement et une joie et un amour tout aussi terribles pour l'argent amassé, qui les poussent nuit et jour. Dans cette impatience et dans cet amour, cependant, reparaît ce fanatisme du désir de puissance qu'enflamma autrefois la croyance d'être en possession de la vérité, ce fanatisme qui portait de si beaux noms que l'on pouvait se hasarder à être inhumain avec bonne conscience (à brûler des juifs, des hérétiques et de bons livres, et à exterminer des civilisations supérieures tout entières, comme celles du Pérou et du Mexique). Les moyens dont se sert le désir de puissance se sont transformés, mais le même volcan bouillonne toujours, l'impatience et l'amour démesuré réclament leurs victimes : et ce que l'on faisait autrefois « pour l'amour de Dieu », on le fait maintenant pour l'amour de l'argent, c'est-à-dire de ce qui donne maintenant le sentiment de puissance le plus élevé et la bonne conscience.

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