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{{journal|Stances à la princesse Marie|[[Auteur:Henri Blaze de Bury|Henri Blaze]]|[[Revue des Deux Mondes]] T.17, 1839}}
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::Certes, chacun le sait, la froide indifférence,
::De son souffle glacé flétrit tout aujourd'hui ;
::Le cœur reste insensible à la peine d'autrui;
::Et ce siècle d'essais, de lutte et de souffrance,
::N'a de tant de travaux encor gardé pour lui
::Qu'un doute amer, enfant de son expérience.


::Tous les jours désormais, du triste front humain,
::Se détache un rayon de la sainte auréole ;
::Tous les jours de nos cœurs une flamme s'envole ;
::Chacun, de son côté, lutte avec le destin.
::Pour ceux que la douleur abat sur le chemin,
::Nous n'avons ni soupirs, ni larmes, ni parole.


::La douleur ! et qui croit à la douleur encor?
::Qui croit à la tristesse, à la mélancolie?
::On nomme illusions ces anges de la vie
::Qui seuls savaient pourtant le chemin du Thabor,
::Et l'homme dans son sein, où la veine est tarie,
::Sous la source des pleurs creuse la mine d'or.


::Amour, religion, liberté, choses vaines,
::En ce temps d'égoïsme où chacun tire à soi,
::Où les ambitions et les publiques haines
::Occupent tant les cœurs, qu'en un pareil émoi,
::Nul ne trouve le temps de songer à ses peines.
::Qu'importent la patrie, et le peuple, et le roi?
::Cependant, en ces jours de rare sympathie,


::S'il se rencontre au monde un destin malheureux
::Auquel de toutes parts la foule s'associe,
::Qui vienne ranimer dans notre ame engourdie
::La cendre tiède encor des souvenirs pieux,
::Et de suaves pleurs inonde encor nos yeux,


<poem>
::N'est-ce pas le destin de cette jeune femme,
Certes, chacun le sait, la froide indifférence,
::Fille des rois, qui porte, à son front couronné,
De son souffle glacé flétrit tout aujourd’hui ;
::Le signe glorieux de la divine flamme,
Le cœur reste insensible à la peine d’autrui ;
::Et si jeune, à vingt ans, Seigneur, vous rend son ame,
Et ce siècle d’essais, de lutte et de souffrance,
::Et meurt entre le bloc par ses mains façonné
N’a de tant de travaux encor gardé pour lui
::Et le calme berceau de son fils nouveau-né;
Qu’un doute amer, enfant de son expérience.


Tous les jours désormais, du triste front humain,
::Comme le lys royal, honneur de la prairie,
Se détache un rayon de la sainte auréole ;
::Qui tombe au jour naissant sous la main du faucheur;
Tous les jours de nos cœurs une flamme s’envole ;
::Comme le son joyeux qui s'éteint et qui meurt,
Chacun, de son côté, lutte avec le destin.
::Avant d'avoir fourni son temps de mélodie,
Pour ceux que la douleur abat sur le chemin,
::Et comme la rosée enlevée à la fleur
Nous n’avons ni soupirs, ni larmes, ni parole.
::Par le soleil ardent qui ramasse la pluie?


La douleur ! et qui croit à la douleur encor ?
::Et pourtant, quel destin plus aimable et plus doux!
Qui croit à la tristesse, à la mélancolie ?
::Quelle mélancolique et suave existence!
On nomme illusions ces anges de la vie
::Comme dans un jardin, au printemps qui commence,
Qui seuls savaient pourtant le chemin du Thabor ;
::Vous marchiez dans la vie en souriant à tous,
Et l’homme dans son sein, où la veine est tarie,
::Et les plus belles fleurs de gloire et d'espérance
Sous la source des pleurs creuse la mine d’or.
::Dans l'humide gazon semblaient s'ouvrir pour vous.


Amour, religion, liberté, choses vaines,
::Princesse, vous aimiez votre royale mère,
En ce temps d’égoïsme où chacun tire à soi,
::Vous aimiez notre France à l'égal d'une sœur,
Où les ambitions et les publiques haines
::La muse athénienne aussi, la muse austère,
Occupent tant les cœurs, qu’en un pareil émoi,
::Avait pressé sur vous ses mamelles de pierre;
Nul ne trouve le temps de songer à ses peines.
::Et ces riches amours que vous aviez au cœur,
Qu’importent la patrie, et le peuple, et le roi ?
::Vous pouviez à loisir toutes les satisfaire.


::Oui, vos jours furent doux, harmonieux, sereins,
Cependant, en ces jours de rare sympathie,
S’il se rencontre au monde un destin malheureux
::Blonde Muse de France assise au pied du trône,
Auquel de toutes parts la foule s’associe,
::Un ciseau dans les mains, au front une couronne.
Qui vienne ranimer dans notre âme engourdie
::Aussi ce n'est pas vous, princesse, que je plains,
La cendre tiède encor des souvenirs pieux,
::Car vous avez senti, dans vos loisirs divins,
Et de suaves pleurs inonde encor nos yeux,
::Toutes les voluptés que l'art sublime donne.


N’est-ce pas le destin de cette jeune femme,
::Et cela sans remords, sans repentir amer,
Fille des rois, qui porte, à son front couronné,
::Sans avoir rien appris de la sombre tristesse,
Le signe glorieux de la divine flamme,
::Du découragement, qui, de son bras de fer,
Et si jeune, à vingt ans, Seigneur, vous rend son âme,
::Terrasse les plus forts aux pieds de la déesse,
Et meurt entre le bloc par ses mains façonné
::Et fait que, sans raison, dans la fièvre et l'ivresse,
Et le calme berceau de son fils nouveau-né ;
::On blasphème aujourd'hui ce qu'on chantait hier.


Comme le lys royal, honneur de la prairie,
::Ah! vos illusions, vous les avez gardées,
Qui tombe au jour naissant sous la main du faucheur ;
::Et lorsque, sur le soir, l'archange du tombeau
Comme le son joyeux qui s’éteint et qui meurt,
::A touché votre front de son triste rameau,
Avant d’avoir fourni son temps de mélodie,
::Alors, princesse, alors vos sereines idées
Et comme la rosée enlevée à la fleur
::Ont remonté vers Dieu, comme, au soleil nouveau,
Par le soleil ardent qui ramasse la pluie ?
::Les plus purs diamans des récentes ondées.


::L'art vous avait donné ses trésors les plus doux;
Et pourtant, quel destin plus aimable et plus doux !
Quelle mélancolique et suave existence !
::Votre œuvre était sacrée on oubliait pour vous
Comme dans un jardin, au printemps qui commence,
::Les haines qu'ici-bas provoque le génie ;
Vous marchiez dans la vie en souriant à tous,
::Et comme le Seigneur vous avait, dans la vie,
Et les plus belles fleurs de gloire et d’espérance
::Placée ainsi trop haut pour avoir des jaloux,
Dans l’humide gazon semblaient s’ouvrir pour vous.
::A la Mort seulement vous pouviez faire envie.


Princesse, vous aimiez votre royale mère,
::Votre double couronne avait frappé ses yeux;
Vous aimiez notre France à l’égal d’une sœur,
::Tant de gloire et d'éclat faisait sa convoitise,
La muse athénienne aussi, la muse austère,
::Et tandis que de loin, la nation éprise,
Avait pressé sur vous ses mamelles de pierre ;
::Poussait en chœur vers vous sa louange et ses vœux,
::Comme une ombre, la Mort vous suivait en tous lieux,
Et ces riches amours que vous aviez au cœur,
Vous pouviez à loisir toutes les satisfaire.
::Sous les ombrages verts, au théâtre, à l'église;


Oui, vos jours furent doux, harmonieux, sereins,
::Et pour être plus libre à vous faire sa cour,
Blonde Muse de France assise au pied du trône,
::Elle vint se placer entre la multitude
Un ciseau dans les mains, au front une couronne.
::Et votre bloc de marbre, hélas! et chaque jour
Aussi ce n’est pas vous, princesse, que je plains,
::Elle éloignait de vous, en son inquiétude,
Car vous avez senti, dans vos loisirs divins,
::Quelque objet de tendresse ou de sollicitude;
Toutes les voluptés que l’art sublime donne.
::Car la Mort est jalouse en son terrible amour.


Et cela sans remords, sans repentir amer,
::D'abord, ce fut cet art, dont vous étiez ravie,
Sans avoir rien appris de la sombre tristesse,
::Qui souleva sa haine; et, dès les premiers temps,
Du découragement, qui, de son bras de fer,
::Le ciseau s'échappa de vos doigts défaillans;
Terrasse les plus forts aux pieds de la déesse,
::Et pour vous consoler de votre muse enfuie,
Et fait que, sans raison, dans la fièvre et l’ivresse,
::Emportant les plaisirs, et la joie, et les chants,
On blasphème aujourd’hui ce qu’on chantait hier.
::La Mort ne vous laissa que la Mélancolie,


::Hélas ! et plût à Dieu qu'en vous prenant aux arts,
Ah ! vos illusions, vous les avez gardées,
Et lorsque, sur le soir, l’archange du tombeau
::Elle vous eût laissée au moins à l'existence.
A touché votre front de son triste rameau,
::La Mort a tout voulu, dans son désir immense,
Alors, princesse, alors vos sereines idées
::Et vos moindres pensers, et vos moindres regards;
Ont remonté vers Dieu, comme, au soleil nouveau,
::Et pour vous arracher à la douce influence
Les plus purs diamants des récentes ondées.
::De l'amour exhalé vers vous de toutes parts,


L’art vous avait donné ses trésors les plus doux ;
::Sans pitié pour les pleurs de votre auguste mère,
Votre œuvre était sacrée, on oubliait pour vous
:Pour tant de désespoirs et tant d'afflictions,
Les haines qu’ici-bas provoque le génie ;
::Insensible aux sanglots étouffés et profonds
Et comme le Seigneur vous avait, dans la vie,
::Du roi qui, pour verser une larme de père,
Placée ainsi trop haut pour avoir des jaloux,
::Dérobait en cachette une heure aux nations,
À la Mort seulement vous pouviez faire envie.
::Elle vous a ravie à la douce lumière.


Votre double couronne avait frappé ses yeux ;
::Et sa funeste main, prompte à vous dépouiller,
Tant de gloire et d’éclat faisait sa convoitise,
::A dispersé dans l'air les roses que Dieu sème.
Et tandis que de loin, la nation éprise,
::Votre sort fut cruel, mais, pour vous consoler,
Poussait en chœur vers vous sa louange et ses vœux,
::Vous avez les regrets du peuple qui vous aime ;
Comme une ombre, la Mort vous suivait en tous lieux,
::Et sur chaque débris de votre diadème
Sous les ombrages verts, au théâtre, à l’église ;
::Vous pouvez voir d'en haut une larme trembler.


Et pour être plus libre à vous faire sa cour,
::Ces larmes qu'on ne donne ici-bas qu'aux apôtres,
Elle vint se placer entre la multitude
::Qui montent vers le ciel une palme à la main,
Et votre bloc de marbre, hélas ! et chaque jour
::Ces larmes, prenez-les, car elles sont bien vôtres.,
::Et de leur pur cristal faites-vous, en chemin,
Elle éloignait de vous, en son inquiétude,
Quelque objet de tendresse ou de sollicitude ;
::Un brillant diadème à votre front serein ;
Car la Mort est jalouse en son terrible amour.
::Madame, celui-là vaut mieux que tous les autres.


D’abord, ce fut cet art, dont vous étiez ravie,
Qui souleva sa haine ; et, dès les premiers temps,
Le ciseau s’échappa de vos doigts défaillants ;
Et pour vous consoler de votre muse enfuie,
Emportant les plaisirs, et la joie, et les chants,
La Mort ne vous laissa que la Mélancolie,


Hélas ! et plût à Dieu qu’en vous prenant aux arts,
HENRI BLAZE.
Elle vous eût laissée au moins à l’existence.
La Mort a tout voulu, dans son désir immense,
Et vos moindres pensers, et vos moindres regards ;
Et pour vous arracher à la douce influence
De l’amour exhalé vers vous de toutes parts,

Sans pitié pour les pleurs de votre auguste mère,
Pour tant de désespoirs et tant d’afflictions,
Insensible aux sanglots étouffés et profonds
Du roi qui, pour verser une larme de père,
Dérobait en cachette une heure aux nations,
Elle vous a ravie à la douce lumière.

Et sa funeste main, prompte à vous dépouiller,
A dispersé dans l’air les roses que Dieu sème.
Votre sort fut cruel, mais, pour vous consoler,
Vous avez les regrets du peuple qui vous aime ;
Et sur chaque débris de votre diadème
Vous pouvez voir d’en haut une larme trembler.

Ces larmes qu’on ne donne ici-bas qu’aux apôtres,
Qui montent vers le ciel une palme à la main,
Ces larmes, prenez-les, car elles sont bien vôtres,
Et de leur pur cristal faites-vous, en chemin,
Un brillant diadème à votre front serein ;
Madame, celui-là vaut mieux que tous les autres.


HENRI BLAZE.</poem>

[[Catégorie:Poèmes]]

Version du 28 août 2010 à 13:00

Stances à la princesse Marie
Henri Blaze




 
Certes, chacun le sait, la froide indifférence,
De son souffle glacé flétrit tout aujourd’hui ;
Le cœur reste insensible à la peine d’autrui ;
Et ce siècle d’essais, de lutte et de souffrance,
N’a de tant de travaux encor gardé pour lui
Qu’un doute amer, enfant de son expérience.

Tous les jours désormais, du triste front humain,
Se détache un rayon de la sainte auréole ;
Tous les jours de nos cœurs une flamme s’envole ;
Chacun, de son côté, lutte avec le destin.
Pour ceux que la douleur abat sur le chemin,
Nous n’avons ni soupirs, ni larmes, ni parole.

La douleur ! et qui croit à la douleur encor ?
Qui croit à la tristesse, à la mélancolie ?
On nomme illusions ces anges de la vie
Qui seuls savaient pourtant le chemin du Thabor ;
Et l’homme dans son sein, où la veine est tarie,
Sous la source des pleurs creuse la mine d’or.

Amour, religion, liberté, choses vaines,
En ce temps d’égoïsme où chacun tire à soi,
Où les ambitions et les publiques haines
Occupent tant les cœurs, qu’en un pareil émoi,
Nul ne trouve le temps de songer à ses peines.
Qu’importent la patrie, et le peuple, et le roi ?

Cependant, en ces jours de rare sympathie,
S’il se rencontre au monde un destin malheureux
Auquel de toutes parts la foule s’associe,
Qui vienne ranimer dans notre âme engourdie
La cendre tiède encor des souvenirs pieux,
Et de suaves pleurs inonde encor nos yeux,

N’est-ce pas le destin de cette jeune femme,
Fille des rois, qui porte, à son front couronné,
Le signe glorieux de la divine flamme,
Et si jeune, à vingt ans, Seigneur, vous rend son âme,
Et meurt entre le bloc par ses mains façonné
Et le calme berceau de son fils nouveau-né ;

Comme le lys royal, honneur de la prairie,
Qui tombe au jour naissant sous la main du faucheur ;
Comme le son joyeux qui s’éteint et qui meurt,
Avant d’avoir fourni son temps de mélodie,
Et comme la rosée enlevée à la fleur
Par le soleil ardent qui ramasse la pluie ?

Et pourtant, quel destin plus aimable et plus doux !
Quelle mélancolique et suave existence !
Comme dans un jardin, au printemps qui commence,
Vous marchiez dans la vie en souriant à tous,
Et les plus belles fleurs de gloire et d’espérance
Dans l’humide gazon semblaient s’ouvrir pour vous.

Princesse, vous aimiez votre royale mère,
Vous aimiez notre France à l’égal d’une sœur,
La muse athénienne aussi, la muse austère,
Avait pressé sur vous ses mamelles de pierre ;
Et ces riches amours que vous aviez au cœur,
Vous pouviez à loisir toutes les satisfaire.

Oui, vos jours furent doux, harmonieux, sereins,
Blonde Muse de France assise au pied du trône,
Un ciseau dans les mains, au front une couronne.
Aussi ce n’est pas vous, princesse, que je plains,
Car vous avez senti, dans vos loisirs divins,
Toutes les voluptés que l’art sublime donne.

Et cela sans remords, sans repentir amer,
Sans avoir rien appris de la sombre tristesse,
Du découragement, qui, de son bras de fer,
Terrasse les plus forts aux pieds de la déesse,
Et fait que, sans raison, dans la fièvre et l’ivresse,
On blasphème aujourd’hui ce qu’on chantait hier.

Ah ! vos illusions, vous les avez gardées,
Et lorsque, sur le soir, l’archange du tombeau
A touché votre front de son triste rameau,
Alors, princesse, alors vos sereines idées
Ont remonté vers Dieu, comme, au soleil nouveau,
Les plus purs diamants des récentes ondées.

L’art vous avait donné ses trésors les plus doux ;
Votre œuvre était sacrée, on oubliait pour vous
Les haines qu’ici-bas provoque le génie ;
Et comme le Seigneur vous avait, dans la vie,
Placée ainsi trop haut pour avoir des jaloux,
À la Mort seulement vous pouviez faire envie.

Votre double couronne avait frappé ses yeux ;
Tant de gloire et d’éclat faisait sa convoitise,
Et tandis que de loin, la nation éprise,
Poussait en chœur vers vous sa louange et ses vœux,
Comme une ombre, la Mort vous suivait en tous lieux,
Sous les ombrages verts, au théâtre, à l’église ;

Et pour être plus libre à vous faire sa cour,
Elle vint se placer entre la multitude
Et votre bloc de marbre, hélas ! et chaque jour
Elle éloignait de vous, en son inquiétude,
Quelque objet de tendresse ou de sollicitude ;
Car la Mort est jalouse en son terrible amour.

D’abord, ce fut cet art, dont vous étiez ravie,
Qui souleva sa haine ; et, dès les premiers temps,
Le ciseau s’échappa de vos doigts défaillants ;
Et pour vous consoler de votre muse enfuie,
Emportant les plaisirs, et la joie, et les chants,
La Mort ne vous laissa que la Mélancolie,

Hélas ! et plût à Dieu qu’en vous prenant aux arts,
Elle vous eût laissée au moins à l’existence.
La Mort a tout voulu, dans son désir immense,
Et vos moindres pensers, et vos moindres regards ;
Et pour vous arracher à la douce influence
De l’amour exhalé vers vous de toutes parts,

Sans pitié pour les pleurs de votre auguste mère,
Pour tant de désespoirs et tant d’afflictions,
Insensible aux sanglots étouffés et profonds
Du roi qui, pour verser une larme de père,
Dérobait en cachette une heure aux nations,
Elle vous a ravie à la douce lumière.

Et sa funeste main, prompte à vous dépouiller,
A dispersé dans l’air les roses que Dieu sème.
Votre sort fut cruel, mais, pour vous consoler,
Vous avez les regrets du peuple qui vous aime ;
Et sur chaque débris de votre diadème
Vous pouvez voir d’en haut une larme trembler.

Ces larmes qu’on ne donne ici-bas qu’aux apôtres,
Qui montent vers le ciel une palme à la main,
Ces larmes, prenez-les, car elles sont bien vôtres,
Et de leur pur cristal faites-vous, en chemin,
Un brillant diadème à votre front serein ;
Madame, celui-là vaut mieux que tous les autres.


HENRI BLAZE.