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Un cas deviendra illustre : celui d'Anna O., qui souffre depuis la mort de son père des troubles les plus divers : vomissements, incapacité de boire de l'eau, oubli de sa langue maternelle, paralysies. Joseph Breuer, médecin ami de Freud, a l'idée d'in-terroger Anna O. sur l'origine et l'apparition de ses premiers symptômes après l'avoir placée sous hyp-nose. Il constate alors que les symptômes dispa-raissent définitivement aussitôt que leur origine a été reconnue par la malade, comme si la décharge émotionnelle provoquée par le retour du souvenir oublié entraînait, par un phénomène de catharsis, la guérison.
Un cas deviendra illustre : celui d'Anna O., qui souffre depuis la mort de son père des troubles les plus divers : vomissements, incapacité de boire de l'eau, oubli de sa langue maternelle, paralysies. Joseph Breuer, médecin ami de Freud, a l'idée d'in-terroger Anna O. sur l'origine et l'apparition de ses premiers symptômes après l'avoir placée sous hyp-nose. Il constate alors que les symptômes dispa-raissent définitivement aussitôt que leur origine a été reconnue par la malade, comme si la décharge émotionnelle provoquée par le retour du souvenir oublié entraînait, par un phénomène de catharsis, la guérison.
Freud applique à son tour le traitement par hypnose aux hystériques et parvient aux mêmes conclusions que Joseph Breuer. Ce qui le frappe surtout, c'est que l'hystérique semble souffrir de « réminiscences ».Première page de I' « Ostreichische lllustrirte Zeitung » du 6 octobre 1851, montrant le nouvel hôpital psychiatrique de Vienne où Freud et les premiers psychanalystes mettront longtemps à se faire accepter.Freud et Breuer se séparent bientôt. Quoique Joseph Breuer ait dû fuir les assiduités d'Anna O. et interrompre pour cette raison le traitement, il persiste à affirmer que la sexualité ne joue aucun rôle dans les causes de la maladie. Pour Freud, au contraire, la sexualité est déterminante. Si ses manifestations paraissent absentes, c'est que, pour une raison encore inconnue, toute vie sexuelle chez l'hystérique fait l'objet d'un refoulement, moyen qu'il utilise pour assurer la défense de sa personnalité profonde contre tout ce qui tend intérieurement à la modifier. La découverte du rôle de la sexualité dans la genèse des troubles hystériques ouvre la voie au développement ultérieur de la psychanalyse.
Freud applique à son tour le traitement par hypnose aux hystériques et parvient aux mêmes conclusions que Joseph Breuer. Ce qui le frappe surtout, c'est que l'hystérique semble souffrir de « réminiscences ».Première page de I' « Ostreichische lllustrirte Zeitung » du 6 octobre 1851, montrant le nouvel hôpital psychiatrique de Vienne où Freud et les premiers psychanalystes mettront longtemps à se faire accepter.Freud et Breuer se séparent bientôt. Quoique Joseph Breuer ait dû fuir les assiduités d'Anna O. et interrompre pour cette raison le traitement, il persiste à affirmer que la sexualité ne joue aucun rôle dans les causes de la maladie. Pour Freud, au contraire, la sexualité est déterminante. Si ses manifestations paraissent absentes, c'est que, pour une raison encore inconnue, toute vie sexuelle chez l'hystérique fait l'objet d'un refoulement, moyen qu'il utilise pour assurer la défense de sa personnalité profonde contre tout ce qui tend intérieurement à la modifier. La découverte du rôle de la sexualité dans la genèse des troubles hystériques ouvre la voie au développement ultérieur de la psychanalyse.
===Des paroles qui libèrant===
===Des paroles qui libérent===
Très vite, Freud renonce à l'hypnose, à laquelle de nombreux malades sont rebelles. Celle-ci dissi-mule les résistances s'opposant à la mise au jour des conflits qui ont provoqué la maladie. Pour conti-nuer d'avoir accès aux souvenirs oubliés par le malade, Freud utilise les travaux de Bernheim sur la suggestion. Désormais, il harcèle ses malades de questions, jusqu'au jour où l'un d'eux prononce la phrase décisive : « Mais enfin, docteur, laissez-moi parler. » Freud cesse alors d'interroger. Il devient ce qu'il restera toujours : celui qui permet aux autres de s'exprimer. Silencieux, placé derrière le malade allongé sur un divan, il écoute.
Très vite, Freud renonce à l'hypnose, à laquelle de nombreux malades sont rebelles. Celle-ci dissi-mule les résistances s'opposant à la mise au jour des conflits qui ont provoqué la maladie. Pour conti-nuer d'avoir accès aux souvenirs oubliés par le malade, Freud utilise les travaux de Bernheim sur la suggestion. Désormais, il harcèle ses malades de questions, jusqu'au jour où l'un d'eux prononce la phrase décisive : « Mais enfin, docteur, laissez-moi parler. » Freud cesse alors d'interroger. Il devient ce qu'il restera toujours : celui qui permet aux autres de s'exprimer. Silencieux, placé derrière le malade allongé sur un divan, il écoute.
Un nouveau progrès est accompli avec l'emploi par le psychiatre suisse Carl Gustav Jung, premier étranger à s'être rallié aux théories freudiennes, des « expériences d'association ». Analogues par certains côtés aux tests projectifs, qui deviendront l'un des instruments privilégiés de l'investigation psychologique, les expériences d'association consis-tent
Un nouveau progrès est accompli avec l'emploi par le psychiatre suisse Carl Gustav Jung, premier étranger à s'être rallié aux théories freudiennes, des « expériences d'association ». Analogues par certains côtés aux tests projectifs, qui deviendront l'un des instruments privilégiés de l'investigation psychologique, les expériences d'association consis-tent
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Avant de parvenir à ces nouvelles définitions, Freud accumule peu à peu un immense matériel clinique dont ,il ne donnera une complète interpré-tation que progressivement. De 1905 à 1918, il publie la relation de ses cinq analyses les plus célèbres (« Le Petit Hans », « L'Homme aux loups », « Dora », « Le Président Schreber », « L'Homme aux rats»), qui retracent notamment les progrès de ses découvertes essentielles sur l'origine des névroses.
Avant de parvenir à ces nouvelles définitions, Freud accumule peu à peu un immense matériel clinique dont ,il ne donnera une complète interpré-tation que progressivement. De 1905 à 1918, il publie la relation de ses cinq analyses les plus célèbres (« Le Petit Hans », « L'Homme aux loups », « Dora », « Le Président Schreber », « L'Homme aux rats»), qui retracent notamment les progrès de ses découvertes essentielles sur l'origine des névroses.
Depuis toujours, les poètes affirmaient que la faim et l'amour commandent toutes les actions humaines. Mais, alors que la faim correspond à un besoin précis, l'amour, dans ses manifestations très diverses, est beaucoup plus difficile à définir. Aussi Freud introduit-il le concept de libido pour en rendre compte. Distincte de l'instinct, la libido est l'énergie du psychique mise au service des pulsions. Son histoire décide de la personnalité du sujet.
Depuis toujours, les poètes affirmaient que la faim et l'amour commandent toutes les actions humaines. Mais, alors que la faim correspond à un besoin précis, l'amour, dans ses manifestations très diverses, est beaucoup plus difficile à définir. Aussi Freud introduit-il le concept de libido pour en rendre compte. Distincte de l'instinct, la libido est l'énergie du psychique mise au service des pulsions. Son histoire décide de la personnalité du sujet.

===Tout commence chez l'enfant===
===Tout commence chez l'enfant===
Dans les « Trois Essais sur la Théorie de la Sexualité » (1905), Freud élargit la conception tra-ditionnelle de la sexualité. On pensait que l'enfant n'a pas de vie sexuelle avant la puberté. Freud montre qu'au contraire la sexualité se manifeste dès les premiers mois de la vie. La libido parcourt alors une série de stades qui marquent autant d'étapes dans le développement de l'individu.Le stade oral se caractérise par le plaisir qu'éprouve le nourrisson à sucer le sein de sa mère ou ses propres doigts. Le stade sadique-anal est marqué par l'Intérêt que porte l'enfant aux fonctions d'excrétion. Correspondant à l'apprentis-sage de la propreté, il s'avère décisif dans la for-mation du caractère. Le stade phallique survient vers cinq ans. Le petit garçon, comme la petite fille, concentre son intérêt sur les organes génitaux, découvrant la différence des sexes. C'est à ce stade que commence la masturbation.
Dans les « Trois Essais sur la Théorie de la Sexualité » (1905), Freud élargit la conception tra-ditionnelle de la sexualité. On pensait que l'enfant n'a pas de vie sexuelle avant la puberté. Freud montre qu'au contraire la sexualité se manifeste dès les premiers mois de la vie. La libido parcourt alors une série de stades qui marquent autant d'étapes dans le développement de l'individu.Le stade oral se caractérise par le plaisir qu'éprouve le nourrisson à sucer le sein de sa mère ou ses propres doigts. Le stade sadique-anal est marqué par l'Intérêt que porte l'enfant aux fonctions d'excrétion. Correspondant à l'apprentis-sage de la propreté, il s'avère décisif dans la for-mation du caractère. Le stade phallique survient vers cinq ans. Le petit garçon, comme la petite fille, concentre son intérêt sur les organes génitaux, découvrant la différence des sexes. C'est à ce stade que commence la masturbation.

Version du 14 septembre 2010 à 14:23


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Encyclopédie Du Monde Actuel

LA PSYCHOANALYSE

  • Origine
  • Théorie
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  • Cas
  • Discipels
  • Critiques
  • Dissidents

EDMA

EDMA est la première encyclopédie du monde actuel. Elle ne ressemble à aucune autre. Ce n'est pas une nouvelle encyclo-pédie: c'est une encyclo-pédie nouvelle. Aujourd'hui le monde change plus vite et plus profondément qu'autrefois. La carte des États a été bouleversée depuis le début de ce siècle. Celle des idées aussi. Plus de la moitié des termes et des notions que vous uti-lisez tous les jours pour parler du présent n'exis-taient pas volià cent ans. Ce sont eux qui, com-mandant votre avenir, vous intéressent le plus. Et ce sont eux, souvent, que vous connaissez le moins. Vous pouvez tous, aujour-d'hui, savoir sans peine ce qui se passe. La presse, la radio, la télévision vous le disent à chaque minute. Mais si vous êtes très bien informés, vous êtes aussi très mal renseignés. EDMA vous renseignera sur tous les apports du XX® siècle dans la vie moderne. Sur les données permanentes de l'actua-lité. Sur les travaux, les recherches, les découver-tes, les conflits, les débats des soixante-quinze der-nières années. Et sur les hommes qui ont marqué cette histoire immédiate. EDMA vous parlera aussi du passé. Mais seulement du passé qu'il faut con-naître pour mieux com-prendre les problèmes du présent. EDMA répond aux ques-tions les plus simples que vous vous posez: « qu'est-ce que c'est ? » « qui est-ce ? ». EDMA est cons-truite autour des mots — noms communs, noms pro-pres — du vocabulaire contemporain: celui des moeurs, des techniques, de la culture, de la politique, de la géographie. Aucune encyclopédie ne peut enfermer le monde actuel. De toutes les con-naissances nouvelles ras-semblées par l'homme moderne, EDMA voussignalera les plus signifi-catives, celles dont les prolongements sont les plus nombreux ou l'usage le plus fréquent. Ce qu'il est nécessaire de savoir pour pouvoir lire l'actua-lité. Chaque volume d'EDMA s'ouvre sur un court aide-mémoire illustré — une trentaine de pages. Il vous rappellera, si vous le sou-haitez, comment les ter-mes définis dans la seconde partie — le dic-tionnaire — se relient entre eux autour du thème général du volume. Vous trouverez dans le dictionnaire les définitions des mots clefs, classés par ordre alphabétique, et l'ex-posé des aspects les plus significatifs de ce qu'ils désignent. EDMA va à l'essentiel. Chaque volume contient une bibliographie commen-tée qui vous guidera vers des sources d'information différentes, et un index détaillé. Vous lirez EDMA selon le mode de lecture le plus habituel aujourd'hui, c'est-à-dire comme un journal ou une revue, d'une manière discontinue. Vous n'aurez pas à apprendre les premières pages pour pouvoir comprendre les dernières. Vous pourrez arrêter votre attention sur ce qui la retiendra. Vous découvrirez tout de suite ce qui vous intéresse le plus. EDMA s'adresse à tous les publics. Aux simples curieux comme aux étu-diants. Aux autodidactes méthodiques comme aux gens pressés. Chacun des articles d'EDMA compte de 500 à 600 mots. Vous le lirez sans hâte en moins de deux minutes. Quel que soit votre mode de vie ou le nombre de vos diplômes, vous pourrez tout de même avec EDMA savoir ce qu'il y a de remarquable dans le monde actuel.

Encyclopédie Du Monde Actuel

Collection dirigée
par Charles-Henri Favrod


La psychanalyse

1 Présentation

La découverte de la psychanalyse reste à jamais liée au nom d'un médecin viennois, Sigmund Freud, qui lui consacra toute sa vie. Freud revendique pour ia psychanalyse le privilège d'avoir infligé à l'amour-propre humain sa troisième grande humiliation après Copernic et Darwin. Pour la première fois, l'homme est « décentré » au profit d'un monde qui lui échappe totalement : l'inconscient. Condamnée et refusée avec violence, annexée à la culture et transformée en Idéologie, la psychana-lyse n'a cessé, depuis Freud, de progresser et d'élargir son domaine d'investigations. Elle a apporté non seulement une nouvelle méthode d'approche des maladies mentales, mais aussi une interpréta-tion nouvelle de tous les phénomènes humains.

Sexualité et troubles psychiques

L'histoire de la psychanalyse commence en avril 1886 quand Freud s'installe à Vienne comme spé-cialiste des maladies « nerveuses » après un séjour de six mois à Paris auprès de Charcot, à l'hôpital de la Salpêtrière. Il découvre rapidement l'ineffi-cacité des traitements appliqués aux innombrables malades qui ne souffrent d'aucune lésion organique. Dans la plupart des cas, l'électrothérapie et l'hydro-thérapie demeurent sans action. L'Impuissance des médecins est d'autant plus grave qu'une maladie.l'hystérie, connaît alors une étendue insolite. Un cas deviendra illustre : celui d'Anna O., qui souffre depuis la mort de son père des troubles les plus divers : vomissements, incapacité de boire de l'eau, oubli de sa langue maternelle, paralysies. Joseph Breuer, médecin ami de Freud, a l'idée d'in-terroger Anna O. sur l'origine et l'apparition de ses premiers symptômes après l'avoir placée sous hyp-nose. Il constate alors que les symptômes dispa-raissent définitivement aussitôt que leur origine a été reconnue par la malade, comme si la décharge émotionnelle provoquée par le retour du souvenir oublié entraînait, par un phénomène de catharsis, la guérison. Freud applique à son tour le traitement par hypnose aux hystériques et parvient aux mêmes conclusions que Joseph Breuer. Ce qui le frappe surtout, c'est que l'hystérique semble souffrir de « réminiscences ».Première page de I' « Ostreichische lllustrirte Zeitung » du 6 octobre 1851, montrant le nouvel hôpital psychiatrique de Vienne où Freud et les premiers psychanalystes mettront longtemps à se faire accepter.Freud et Breuer se séparent bientôt. Quoique Joseph Breuer ait dû fuir les assiduités d'Anna O. et interrompre pour cette raison le traitement, il persiste à affirmer que la sexualité ne joue aucun rôle dans les causes de la maladie. Pour Freud, au contraire, la sexualité est déterminante. Si ses manifestations paraissent absentes, c'est que, pour une raison encore inconnue, toute vie sexuelle chez l'hystérique fait l'objet d'un refoulement, moyen qu'il utilise pour assurer la défense de sa personnalité profonde contre tout ce qui tend intérieurement à la modifier. La découverte du rôle de la sexualité dans la genèse des troubles hystériques ouvre la voie au développement ultérieur de la psychanalyse.

Des paroles qui libérent

Très vite, Freud renonce à l'hypnose, à laquelle de nombreux malades sont rebelles. Celle-ci dissi-mule les résistances s'opposant à la mise au jour des conflits qui ont provoqué la maladie. Pour conti-nuer d'avoir accès aux souvenirs oubliés par le malade, Freud utilise les travaux de Bernheim sur la suggestion. Désormais, il harcèle ses malades de questions, jusqu'au jour où l'un d'eux prononce la phrase décisive : « Mais enfin, docteur, laissez-moi parler. » Freud cesse alors d'interroger. Il devient ce qu'il restera toujours : celui qui permet aux autres de s'exprimer. Silencieux, placé derrière le malade allongé sur un divan, il écoute. Un nouveau progrès est accompli avec l'emploi par le psychiatre suisse Carl Gustav Jung, premier étranger à s'être rallié aux théories freudiennes, des « expériences d'association ». Analogues par certains côtés aux tests projectifs, qui deviendront l'un des instruments privilégiés de l'investigation psychologique, les expériences d'association consis-tent à présenter au sujet une liste de « mots inducteurs » et à l'inviter à y associer spontané-ment un autre mot. Le sens de l'association permet de préciser le diagnostic. Le choix d'un mot, même dit au hasard, est, en effet, toujours significatif, car il renvoie à la person-nalité intime, donc aux conflits du sujet. Freud s'inspire des expériences d'association de Jung pour créer le test des associations libres : Il demande au sujet analysé de dire « tout ce qui lui vient à l'esprit », de vaincre ses scrupules, de ne jamais penser que quelque chose peut être sans intérêt ou sans rapport avec son cas. Il en fait la règle fondamentale de la psychanalyse et la matière même de la cure psychanalytique. En étudiant son propre passé infantile, Freud procède à son auto-analyse et consolide les pre-miers fondements de ses théories. En 1899, il publie « L'Interprétation des rêves ». Pour interpréter le symptôme névrotique, le rêve lui fournira un modèle : l'un et l'autre ont un sens caché et réalisent un désir refoulé. Freud constate que chaque rêve est susceptible d'être exprimé en clair grâce à l'analyste et que les symboles oniriques appartiennent à la langue de l'inconscient. Cette symbolique, loin d'être parti-culière au dorm'eur, est au contraire universelle. Avec les associations libres et les actes manqués (lapsus, erreur de lecture, oubli de nom, etc.) le rêve est l'expression quotidienne de l'inconscient L'appareil psychique, tel que Freud le conçoit, comprend en deçà de la conscience un inconscient et un préconscient au niveau desquels les phéno-mènes de censure se manifestent avec plus ou moins de force. Cette description des instances de l'appareil psychique sera modifiée vingt ans plus tard quand Freud élaborera une seconde théorie distinguant le «ça», le «moi» et le « surmoi ». Le « ça » désignera l'ensemble des forces pulsionnelles in« ça » désignera l'ensemble des forces pulsionnelles inconscientes, le « surmoi » la censure exercée par la conscience morale, le « moi » l'instance où s'affrontent les exigences contradictoires du « ça » et du « surmoi », et où s'expriment les conflits psychiques. Avant de parvenir à ces nouvelles définitions, Freud accumule peu à peu un immense matériel clinique dont ,il ne donnera une complète interpré-tation que progressivement. De 1905 à 1918, il publie la relation de ses cinq analyses les plus célèbres (« Le Petit Hans », « L'Homme aux loups », « Dora », « Le Président Schreber », « L'Homme aux rats»), qui retracent notamment les progrès de ses découvertes essentielles sur l'origine des névroses. Depuis toujours, les poètes affirmaient que la faim et l'amour commandent toutes les actions humaines. Mais, alors que la faim correspond à un besoin précis, l'amour, dans ses manifestations très diverses, est beaucoup plus difficile à définir. Aussi Freud introduit-il le concept de libido pour en rendre compte. Distincte de l'instinct, la libido est l'énergie du psychique mise au service des pulsions. Son histoire décide de la personnalité du sujet.

Tout commence chez l'enfant

Dans les « Trois Essais sur la Théorie de la Sexualité » (1905), Freud élargit la conception tra-ditionnelle de la sexualité. On pensait que l'enfant n'a pas de vie sexuelle avant la puberté. Freud montre qu'au contraire la sexualité se manifeste dès les premiers mois de la vie. La libido parcourt alors une série de stades qui marquent autant d'étapes dans le développement de l'individu.Le stade oral se caractérise par le plaisir qu'éprouve le nourrisson à sucer le sein de sa mère ou ses propres doigts. Le stade sadique-anal est marqué par l'Intérêt que porte l'enfant aux fonctions d'excrétion. Correspondant à l'apprentis-sage de la propreté, il s'avère décisif dans la for-mation du caractère. Le stade phallique survient vers cinq ans. Le petit garçon, comme la petite fille, concentre son intérêt sur les organes génitaux, découvrant la différence des sexes. C'est à ce stade que commence la masturbation. Bientôt survient le complexe d'OEdipe, caractérisé par l'ambivalence fondamentale que l'enfant éprouve à l'égard du parent du même sexe. Le garçon désire sa mère, veut l'épouser et, pour cela, tuer son père, éternel rival, comme l'avait jadis montré Sophocle dans la tragédie « OEdipe ». C'est la crainte de la castration qui doit conduire l'enfant à renoncer à son désir : aussi le complexe de castration marque-t-il chez le garçon la fin du complexe d'OEdipe. La petite fille, au contraire, entre dans le complexe d'OEdipe par le complexe de castration. C'est lors-qu'elle découvre la différence des sexes et sa propre castration par rapport au garçon qu'elle se détache de sa mère pour se fixer à son père. Après la puberté se réalise le dernier stade, le stade génital, propre à la sexualité adulte. Le plus grave danger que court chaque individu dans cette évolution est de ne jamais atteindre le stade génital et de rester fixé à l'un des stades antérieurs ou d'y régresser. Pour Freud le complexe d'OEdipe est le complexe central de toutes les névroses. Si le complexe d'OEdipe n'est pas résolu, l'individu risque de revenir tôt ou tard à l'un des stades que la libido avait dépassé. Les deux concepts de fixation et de régression déterminent toute la théorie freudienne des névroses.

Névrose et perversion

Si la régression s'accomplit, il y a perversion. Si le sujet lutte contre la tentation de régresser, il devient névrosé. Freud définit la névrose comme « le négatif de la perversion ». Celle-ci n'est que le retour à la sexualité infantile. C'est pourquoi l'enfant est nommé par Freud « pervers polymor-phe ». Il contient à l'état de germe toutes les per-versions de l'adulte : exhibitionnisme, voyeurisme, sadisme, masochisme, etc. La découverte de la cause sexuelle des névroses par la psychanalyse met fin à toute une tradition médicale qui voyait dans ces maladies l'effet d'une déchéance ou d'une dégénérescence organique. C'est là le thème qui revient inlassablement sous la plume de Freud dans ses « Études sur l'hystérie » : la femme hystérique n'est pas une dépravée, ni une femme atteinte d'une dégénérescence congénitale, elle doit être reconnue comme une malade au plein sens du mot. Longtemps avant Freud, l'hystérique était déjà tenue pour une « simulatrice » et nom-breux étaient les psychiatres qui se désintéres-saient de tels cas. Si les névroses ont pour origine un refoulement sexuel, il devient possible d'envisager une théra-peutique fondée sur les expériences individuelles du malade. Chaque cas cesse d'être un objet de simples prescriptions médicales ; il doit être compris dans son intensité dramatique, lié à toute l'histoire du sujet. Dans cette découverte, l'arme psychanalytique par excellence est le transfert, processus par lequel les désirs inconscients et les fantasmes qui s'y ratta-chent sont revécus par le malade comme s'ils étaient présents. Ce qui est particulier au transfert ana-lytique, c'est sa violence, son caractère infantile et, surtout, le fait qu'il peut revêtir une forme négative. C'est souvent un rapport de haine que le malade revit avec l'analyste. Celui-ci, à son tour, peut adopter inconsciemment une attitude positive ou négative à l'égard du malade. Une telle relation a été nommée contre-transfert. Le contre-transfert devient un obstacle à la cure s'il n'est pas reconnu. Toute cure apparaît comme une relation par la parole de deux inconscients : celui de l'analysé et celui de l'analyste. C'est pour-quoi Freud exige très tôt que la condition indis-pensable pour devenir psychanalyste soit d'avoir été soi-même analysé. ===Freud contesté===En 1908 a lieu à Salzbourg le premier congrès psychanalytique où Freud règne en maître par tout le poids de ses découvertes et de son prestige grandissant. Un périodique international est bientôt créé, les associations psychanalytiques étrangères se multiplient. Cette belle unité devient toutefois de plus en plus fragile : divergences théoriques, certes, mais aussi révolte « oedipienne » des disciples de Freud écrasés par sa puissance intellectuelle. L'histoire de ces hérésies est importante, car chaque dissident deviendra le créateur d'une nouvelle école qui reniera plus ou moins son ascendance freudienne. La collaboration de Freud et de Jung, qui se sont rencontrés en 1906, dure sept ans. D'importantes divergences séparent vite les deux hommes. S'ap-puyant sur son expérience psychiatrique, relatée dans son livre « Dialectique du Moi et de l'In-conscient », Jung conteste la théorie de la sexualité de Freud. Pour lui, outre les conflits sexuels de l'enfance, d'autres facteurs comme les représentations archaïques de l'inconscient collectif, les archétypes, peuvent déterminer les névroses. En 1913, la rupture est consommée. Après cette date, Jung ne sera plus compté au nombre des analystes freudiens. Alors que le départ de Jung affecte profondément Freud, sa rupture avec Alfred Adler et W. Stekel s'effectue sans heurt. Il est difficile de faire le par-tage entre les divergences théoriques et les conflits subjectifs qui sont à l'origine de cette seconde dissidence. Adler se plaint moins de la contrainte qu'exerce sur les disciples l'orthodoxie de Freud que de l'obscurité où il se trouve relégué. Ce qui est certain, c'est qu'AdIer abandonne peu à peu l'essentiel de la théorie psychanalytique, notamment la cause sexuelle des névroses, pour la remplacer par une théorie personnelle où le complexe d'infé-riorité joue le rôle décisif. Comme Adler, Stekel (1868-1940) remet en ques-tion l'existence de l'inconscient, qu'il assimile à la mauvaise foi (ce qui fournira à Jean-Paul Sartre ses principales critiques contre le freudisme). Stekel refuse en outre de mettre l'accent avec autant de force que Freud sur le passé infantile du sujet. Il estime que les conflits sont actuels et fonde sur cette idée la psychanalyse active, que Freud consi-dérait plutôt comme une psychanalyse bâclée. Le départ de Jung, puis ceux d'AdIer et de Stekel marquent le premier éclatement du mouvement freudien et la naissance de trois nouvelles formes de thérapies. Mais, autour de Freud, les autres représentants du mouvement psychanalytique res-serrent leur unité et lui donnent un caractère inter-national. L'Allemand Karl Abraham, le Hongrois Sandor Ferenczi, l'Anglais Ernst Jones, futur bio-graphe de Freud, Anna Freud, la fille du maître, bientôt Marie Bonaparte et Lou Salomé, qui fut l'amie de Nietzsche et la confidente de Rainer Maria Rilke, propagent dans toute l'Europe l'ortho-doxie freudienne sans qu'aucune nouvelle dissidence essentielle soit observée. Toutefois, le destin du mouvement psychanalytique va être profondé-ment transformé par la rencontre de la psychana-lyse et du climat américain.

Disciples et dissidents

En 1909, invité par l'université Clark, Freud s'était rendu aux Etats-Unis avec Jung et Ferenczi. La tradition rapporte qu'en arrivant en Amérique, Freud aurait dit : « S'ils savaient que nous leur apportons la peste ! » En fait, c'est l'Amérique qui, par son trop grand engouement, inoculera un dangereux poison à la psychanalyse. Les dissidences européennes vont être bientôt éclipsées par le déferlement des mouvements les plus divers qui altéreront les prin-cipes de la psychanalyse pour en faire une simple idéologie. Désormais tout l'horizon analytique est dominé par les oppositions entre les postfreudiens, ou freudiens orthodoxes, et les néofreudiens, qui n'au-ront souvent de psychanalystes que le nom. Mais avant d'en arriver aux positions extrémistes il con-vient de considérer brièvement l'importance des divers apports des disciples et des continuateurs de Freud. « Ave c cet homme, nous enterrons l'un des plus beaux espoirs de notre jeune science si combat-tue », écrit Freud lors de la mort, en 1925, de son principal collaborateur, Karl Abraham. Celui-ci a fondé l'Association psychanalytique de Berlin et approfondi certaines notions fondamentales comme le complexe de castration. Il a grandement enrichi les études portant sur la névrose obsessionnelle. Venu de Hongrie, Sandor Ferenczi (1873-1933), dont Freud disait : « Il vaut à lui seul toute une société », est l'une des autres grandes figures du mouvement. Ses travaux les plus célèbres concer-nent le transfert. Il fut après Freud l'un des premiers analystes à s'interroger sur le problème de l'homo-sexualité et notamment de son rapport avec les troubles des psychoses. Ernst Jones (1879-1958) restera inséparable de la gigantesque biographie qu'il écrivit sous le titre « La Vie et l'OEuvre de Sigmund Freud ». Longtemps animateur de l'Association psychanalytique d'Angle-terre, il fut l'ami des dernières et des plus tristes années de Freud, celles de l'exil. Reprenant l'étude du symbolisme des rêves et des symptômes, il en établit une théorie qui porte son nom. Wilhelm Reich (1897-1957), l'une des figures les plus étranges de la psychanalyse, fut le premier à confronter la psychanalyse au marxisme et à tenter d'élaborer, comme beaucoup d'autres après lui, un freudo-marxisme associant d'une manière inséparable la libération sociale par l'avènement de la société sans classes et la libération individuelle par l'épanouis-sement de la sexualité sans entraves.

Psychanalyse et anthropologie

Dans une toute autre perspective, certains disci-ples de Freud émigrés aux États-Unis pour échapper aux persécutions hitlériennes reprochent à la psy-chanalyse de ne pas donner une importance suffi-sante aux facteurs sociaux. S'appuyant sur les recherches menées en anthropologie, ils fondent le mouvement du culturalisme, dont les thèses s'expriment dans de nombreux ouvrages, notam-ment « La Sexualité et sa répression dans les socié-tés primitives » de Malinowski et « Moeurs et Sexua-lité en Océanie » de Margaret Mead, qui comptent parmi les plus célèbres. Les culturalistes, comme Erich Fromm, l'un de leurs principaux représentants, estiment que la cul-ture n'a pas seulement l'aspect répressif examiné par Freud, mais qu'elle est aussi le lieu nécessaire où l'individu trouve ses possibilités de réalisation personnelle. Ils ne recherchent plus la cause des névroses dans la seule sexualité, mais dans les conflits sociaux, l'angoisse, la solitude propres aux grandes villes modernes. Le sociologue David Ries-man a décrit ce malaise dans « La Foule solitaire ». Finalement, pour les culturalistes, c'est en s'adap-tant à la société que l'individu névrosé peut guérir. Point de vue diamétralement opposé à celui d'Herbert Marcuse, pour qui, a u contraire, le véritable névrosé est celui qui n'éprouve aucune peine à vivre dans la société industrielle. L'une des grandes découvertes de la psychana-lyse à son début avait été l'explication de la conver-sion hystérique et du phénomène de la catharsis. Freud devait montrer que les paralysies que l'on constate dans de nombreux cas d'hystérie ne s'ex-pliquent par aucune cause organique, mais qu'elles résultent d'une conversion d'affect. Un sentiment inconscient est « traduit » souŚ une forme corpo-relle. Cette découverte marque la fin de l'opposition entre le « corps » et l' «esprit » qui paralysait la psychiatrie dans un dilemme sans solution. Elle a permis à la médecine de mieux comprendre le rôle des facteurs psychiques dans certaines maladies organiques. C'est ainsi qu'est née la médecine psy-chosomatique, développée notamment en Allemagne par Alexandre Mitscherlich. Un peu délaissée par Freud, la psychanalyse des enfants a connu un grand développement après la seconde guerre mondiale. L'élaboration de ses concepts et de ses méthodes est l'oeuvre notamment de deux femmes : Anna Freud, la fille de Freud, et Mélanie Klein. Très développée aux Etats-Unis comme un moyen supplémentaire d'éducation et appliquée en tant que telle à des sujets en très bas âge, la psychanalyse des enfants sert aussi de méthode thérapeutique dans le traitement de l'autisme, psychose infantile d'une particulière gra-vité. Elle se trouve aussi associée de plus en plus fréquemment à d'autres approches de la personna-lité intime telles que le psychodrame. Utilisé avec les enfants, celui-ci permet de juxtaposer dans le temps l'analyse et les effets cathartiques du jeu théâtral.

Retour à Freud

Le rôle grandissant joué par les psychothérapies et les méthodes psychologiques inspirées de la psychanalyse comme la dynamique de groupe, qui recourent partiellement à certaines techniques ana-lytiques, tend à les faire confondre dans l'esprit du public avec la psychanalyse proprement dite. C'est le cas notamment en Amérique où elles connaissent un succès considérable- Certains analystes ont voulu en conséquence redéfinir l'essence de la psychanalyse par opposition aux déviations du cul-turalisme et des psychothérapies dites analytiques. Ils ont même donné parfois comme but à leurs mouvements le « retour à Freud ». Tel est le cas de Jacques Lacan, directeur de l'École freudienne de Paris. Selon Jacques Lacan, les analystes américains et les psychothérapeutes font souvent disparaître le sens même de la cure psychanalytique. Celle-ci ne peut être qu'une cure par la parole. La psycha-nalyse doit porter son intérêt sur l'inconscient, qui est « structuré comme un langage », retrouvant ainsi des lois analogues à celles de la linguistique et prolongeant les recherches entamées par Freud dans son essai « Des sens opposés dans les mots primitifs ». Dès ses premiers travaux, Lacan avait mis l'ac-cent, comme Freud l'avait fait lui-même, sur les rapports étroits de la psychanalyse avec la création poétique dans l'art et la littérature. Des écrivains célèbres comme Stefan Zweig et Thomas Mann avaient reconnu assez vite l'importance de l'oeuvre de Freud, mais en France, comme plus générale-ment dans les pays soumis à l'influence du catho-licisme, la pensée psychanalytique était restée, même après la première guerre mondiale, à peu près inconnue ou tournée en dérision. André Gide,qui voulait ouvrir la « Nouvelle Revue française « à Freud, était alors une exception. La psychanalyse trouva cependant une audience dans l'avant-garde poétique bien avant d'être admise dans les milieux médicaux.

La créativité de l'inconscient

Son impact fut déterminant sur le mouvement surréaliste. André Breton, qui avait étudié la médecine, est l'un des premiers défenseurs de Freud en France. De la technique des libres associations, il tire une nouvelle forme de poésie, l'écriture automatique, inaugurée en 1921 dans « Les Champs magnétiques », écrits en collaboration avec Philippe Soupault Pour le surréalisme, le recours à l'automatisme où s'inscrit la créativité de l'inconscient représente la méthode même, maintenant rationnellement comprise, qui rend compte du langage poétique de Lautréamont et de Rimbaud, et même de la part de création poétique effective décelable dans la masse des poèmes des époques antérieures. Le surréalisme considère toutefois que l'usage possible des découvertes de Freud va très au-delà de la fondation d'une nouvelle poésie : c'est une arme absolue pour la libération du désir humain. Bien qu'une telle interprétation rende justice à l'aspect le plus révolutionnaire de l'œuvre de Freud, elle ne pouvait manquer de s'opposer au conformisme que celui-ci observait dans ses conceptions sociales. La position surréaliste était plutôt comparable à celle de psychanalystes dissidents comme Wilhelm Reich d'abord, puis Herbert Marcuse par la suite. Mais un malentendu plus fondamental découlait de l'option surréaliste unilatérale en faveur de l'irrationalisme, poussée jusqu'à une certaine croyance en l'occultisme. Freud, au contraire, s'emploiera toujours à poursuivre un élargissement scientifique du rationnel.

Remises en cause du freudisme

L'ambition de la psychanalyse à s'élever au rang des sciences objectives est cependant mise en question par d'autres courants de la psychologie contemporaine, dont le behaviorisme est l'un des plus importants. Fondée en 1919 par le psychologue américain John Broadus Watson, cette nouvelle école considère que seul le comportement (en anglais : behavior), phénomène observable et pou-vant donner lieu à une expérimentation, est une réalité concrète. Une psychologie scientifique doit se borner à étudier cette réalité, les « faits psychi-ques .» tels que les instincts, la conscience ou I inconscient ne sont que des objets mythiques dont l'existence ne peut être scientifiquement prouvée. Dans sa « Critique des Fondements de la Psycho-logie », Georges Politzer reproche lui aussi à Freud de donner une définition trop abstraite des faits psychanalytiques. Il admet la théorie freudienne du reve, mais il estime qu'elle n'est applicable qu'en fonction de chaque sujet, à l'intérieur de son drame individuel, sans possibilité de généralisation. Parmi les autres mouvements qui rejettent partiel-lement la psychanalyse orthodoxe, celui de l'anti-psychiatrie a pris une certaine importance au cours des dernières années. Sous l'impulsion des Anglais Ronald Laing et D. Cooper, il a regroupé les psy-chiatres qui voient dans les psychoses non plus des maladies mais un phénomène social C'est la société qui rend fou en imposant le refoulement La guérison de la société conditionne la guérison des malades. Tandis que les tenants de l'antipsychiatrie por-tent surtout leurs efforts dans le domaine clinique, d'autres formes de contestation du freudisme à l'aide de concepts psychanalytiques s'expriment sur le plan théorique. Dans leur ouvrage « L'Anti-OEdîpe », le philosophe Gilles Deleuze et le psy-chiatre Félix Guattari opposent à la psychanalyse freudienne la « schizo-analyse » et vont jusqu'à iden-tifier plus ou moins schizophrénie et révolution. La transformation de la psychanalyse en idéologie de la subversion sociale est encore plus l'oeuvre de Herbert Marcuse (né en 1898). Pour Freud, la civilisation implique la soumission de l'homme au principe de réalité. Alors que l'amour sexuel aurait pu être la clef du bonheur, l'homme doit soustraire à la sexualité, à des fins économiques, un fort appoint d'énergie psychique dans le processus de la sublimation. D'où l'interdiction sévère de toute manifestatio n de la sexualité Infantile pour préparer l'adulte aux restrictions exigées par le lien social. D'où l'obligation d'une vie sexuelle plus ou moins identique pour tous. Ce refoulement des pulsions instinctuelles — sexualité, mais aussi agressivité — crée le « malaise dans la civilisation ». Il y a, selon Freud, une tendance irrévocable de la civilisation humaine à restreindre la liberté sexuelle. L'analyse de Marcuse aboutit à des conclusions différentes. C'est parce que le capitalisme ajoute au principe de réalité le principe de rendement que la société moderne est « surrépressive ». Contraire-ment à Freud, Marcuse ne croit pas à la pérennité des contraintes instinctuelles. Une société où triom-phe le principe du plaisir est possible. Marcuse annonce l'avènement d'un socialisme du désir et prolonge ainsi ce qui chez Wilhelm Reich demeurait encore vague et confus. Entre les extrapolations idéologiques, souvent contradictoires, des concepts psychanalytiques fon-damentaux, une place très importante quant aux applications pratiques est occupée par diverses écoles psychologiques qui s'inspirent de la psy-chanalyse dans ses méthodes d'investigation tout en rejetant un certain nombre de ses hypothèses. Ainsi la nouvelle théorie de l'attachement renverse le schéma freudien en tirant de l'observation du comportement des animaux supérieurs et de l'homme la conclusion que c'est l'amour qui conduit à la sexualité et non l'inverse.

Des couvents aux studios publicitaires

L'athéisme intransigeant de Freud, constamment réaffirmé dans son oeuvre, en particulier dans « L'Avenir d'une Illusion » et « Moïse et le mono-théisme », et le caractère essentiellement antireligieux de ses théories n'ont pas empêché la psycha-nalyse d'étendre son influence au sein même des Eglises. Des pasteurs et des prêtres catholiques se declarent psychanalystes. Le monastère bénédictin de Cuernavaca, au Mexique, a soumis quelque temps ses novices à l'analyse. Nombre de communautés catholiques créées dans le cadre des réformes qui ont SUIVI le concile Vatican II pratiquent la psycha-nalyse de groupe en dépit des réserves des auto-rités ecclésiastiques. Après avoir refusé si longtemps de prendre la psychanalyse au sérieux, les médecins ont presque tous adopté quelques-unes de ses idées, multipliant les interprétations du freudisme. Parmi ceux qui ont pris conscience que l'exercice de la médecine implique toujours une relation analytique entre le therapeute et son patient, un certain nombre se rassemblent aujourd'hui dans les groupes Balint du nom du clinicien anglais selon lequel le médecin doit savoir analyser ses contre-transferts et appren-dre « à se prescrire soi-même ». S'il paraît légitime aujourd'hui qu'au vu des théo-ries freudiennes la psychologie, la sociologie la medecine somatique, le théâtre, la poésie, l'art en general, voire la religion empruntent plus ou moins a la psychanalyse, on peut s'étonner de la voir s'introduire dans l'aspect le plus vulgaire de la vie sociale, le commerce et ses annexes. Mais maints publicitaires ont maintenant lu Freud et tentent d'en extraire des recettes pour « promouvoir » leurs mar-chandises. A l'exemple de l'Américain Ernest Dichter, les plus habiles s'efforcent de découvrir les désirs refoulés des consommateurs et répandent le symbolisme sexuel sur toutes les affiches publicitaires, au risque de commettre des contresens nuisibles aux intérêts de leurs clients. Dans ce domaine comme dans les domaines voi-sins des études de marché, de la propagande poli-tique et des divers conditionnements marchands ou idéologiques, la prolifération des dérivés de la psy-chanalyse ne relève plus que très indirectement du freudisme, sauf si l'on considère qu'aucun choix n'est fait au hasard et que tous les modes d'expres-sion des interprètes de Freud, quels que soient ceux-ci et ceux-là, constituent des matériaux révé-lateurs à certains égards de l'inconscient. Pour la psychanalyse, peu importe la qualité de la parole, c'est toujours « ça » qui parle.

2 Dictionnaire