« Page:Revue des Deux Mondes - 1829 - tome 1.djvu/173 » : différence entre les versions

La bibliothèque libre.
ThomasBot (discussion | contributions)
Phe-bot (discussion | contributions)
m Typographie
Contenu (par transclusion) :Contenu (par transclusion) :
Ligne 1 : Ligne 1 :
<br/>
<br/>


Il est donc interdit aux chrétiens de fonder de nouvelles églises ; la loi le défend, et le fanatisme religieux de la nation dominante ne permet pas au gouvernement d’user d’indulgence à cet égard. On cite toutefois un exemple remarquable d’une faveur de ce genre accordée aux chrétiens. En 1642, les Grecs de Brousse l’obtinrent de la protection du grand-visir Kara-Moustapha-Pacha. Il est vrai que, sans la fermeté de ce ministre, cette cession leur eût été funeste; car la populace de Brousse, excitée par le kadi, démolit de fond en comble, non-seulement la nouvelle, mais encore trois anciennes églises. Le grand-visir fit punir sévèrement les chefs de cette émeute, et autorisa les chrétiens de Brousse à réédifier leurs quatre églises <ref>(3)Cette interdiction ne frappe pas rigoureusement tous les points de l’empire. Les îles de l’Archipel, et, en général, les lieux qui ne sont habités que par des chrétiens, jouissent à cet égard de privilèges stipulés par écrit, ou confirmés par des usages sacrés. Nous disons ''usages sacrés'', pour faire comprendre jusqu’à quel degré s’étend le pouvoir de l’usage dans un pays où l’on répète chaque jour le proverbe suivant: ''Kan eïlè, adèt ètmè''; laconisme énergique, difficile à rendre en français, et qui signifie ''qu’il vaut mieux verser du sang que de laisser établir un usage'' (sanguinem fac, noli usum instituere).</ref>.
Il est donc interdit aux chrétiens de fonder de nouvelles églises ; la loi le défend, et le fanatisme religieux de la nation dominante ne permet pas au gouvernement d’user d’indulgence à cet égard. On cite toutefois un exemple remarquable d’une faveur de ce genre accordée aux chrétiens. En 1642, les Grecs de Brousse l’obtinrent de la protection du grand-visir Kara-Moustapha-Pacha. Il est vrai que, sans la fermeté de ce ministre, cette cession leur eût été funeste ; car la populace de Brousse, excitée par le kadi, démolit de fond en comble, non-seulement la nouvelle, mais encore trois anciennes églises. Le grand-visir fit punir sévèrement les chefs de cette émeute, et autorisa les chrétiens de Brousse à réédifier leurs quatre églises <ref>Cette interdiction ne frappe pas rigoureusement tous les points de l’empire. Les îles de l’Archipel, et, en général, les lieux qui ne sont habités que par des chrétiens, jouissent à cet égard de privilèges stipulés par écrit, ou confirmés par des usages sacrés. Nous disons ''usages sacrés'', pour faire comprendre jusqu’à quel degré s’étend le pouvoir de l’usage dans un pays où l’on répète chaque jour le proverbe suivant : ''Kan eïlè, adèt ètmè'' ; laconisme énergique, difficile à rendre en français, et qui signifie ''qu’il vaut mieux verser du sang que de laisser établir un usage'' (sanguinem fac, noli usum instituere).</ref>.


Le patriarche grec de Constantinople occupe un rang supérieur à celui des patriarches de Jérusalem, d’Alexandrie et d’Antioche, qui lui sont soumis à certains égards<ref>Il est bon de rappeler ici que la suprématie du patriarche de Constantinople était reconnue jadis dans l’empire russe. Mais, à la demande du czar Fédor I Ivanovitsch sultan Murad III permit au patriarche Jérémie de se rendre à Moscou, où il sacra, en 1589, l’archevêque de cette capitale, et l’installa patriarche de toutes les Russies.</ref>. Il est assisté par dix métropolitains, qui forment un synode ''permanent''. Ses droits et ceux de l’église grecque sont déterminés et confirmés à. chaque élection par le diplôme d’investiture. La Porte respecte ordinairement le caractère des patriarches. Jusqu’à ce jour, trois de ces pontifes cependant ont été mis à mort, les deux premiers sous le règne de Mohammed IV, en 1651 et en 1657, et le troisième,
Le patriarche grec de Constantinople occupe un rang supérieur à celui des patriarches de Jérusalem, d’Alexandrie et d’Antioche, qui lui sont soumis à certains égards<ref>Il est bon de rappeler ici que la suprématie du patriarche de Constantinople était reconnue jadis dans l’empire russe. Mais, à la demande du czar Fédor I Ivanovitsch sultan Murad III permit au patriarche Jérémie de se rendre à Moscou, où il sacra, en 1589, l’archevêque de cette capitale, et l’installa patriarche de toutes les Russies.</ref>. Il est assisté par dix métropolitains, qui forment un synode ''permanent''. Ses droits et ceux de l’église grecque sont déterminés et confirmés à. chaque élection par le diplôme d’investiture. La Porte respecte ordinairement le caractère des patriarches. Jusqu’à ce jour, trois de ces pontifes cependant ont été mis à mort, les deux premiers sous le règne de Mohammed IV, en 1651 et en 1657, et le troisième,

Version du 16 décembre 2011 à 18:55

Cette page n’a pas encore été corrigée


Il est donc interdit aux chrétiens de fonder de nouvelles églises ; la loi le défend, et le fanatisme religieux de la nation dominante ne permet pas au gouvernement d’user d’indulgence à cet égard. On cite toutefois un exemple remarquable d’une faveur de ce genre accordée aux chrétiens. En 1642, les Grecs de Brousse l’obtinrent de la protection du grand-visir Kara-Moustapha-Pacha. Il est vrai que, sans la fermeté de ce ministre, cette cession leur eût été funeste ; car la populace de Brousse, excitée par le kadi, démolit de fond en comble, non-seulement la nouvelle, mais encore trois anciennes églises. Le grand-visir fit punir sévèrement les chefs de cette émeute, et autorisa les chrétiens de Brousse à réédifier leurs quatre églises [1].

Le patriarche grec de Constantinople occupe un rang supérieur à celui des patriarches de Jérusalem, d’Alexandrie et d’Antioche, qui lui sont soumis à certains égards[2]. Il est assisté par dix métropolitains, qui forment un synode permanent. Ses droits et ceux de l’église grecque sont déterminés et confirmés à. chaque élection par le diplôme d’investiture. La Porte respecte ordinairement le caractère des patriarches. Jusqu’à ce jour, trois de ces pontifes cependant ont été mis à mort, les deux premiers sous le règne de Mohammed IV, en 1651 et en 1657, et le troisième,

  1. Cette interdiction ne frappe pas rigoureusement tous les points de l’empire. Les îles de l’Archipel, et, en général, les lieux qui ne sont habités que par des chrétiens, jouissent à cet égard de privilèges stipulés par écrit, ou confirmés par des usages sacrés. Nous disons usages sacrés, pour faire comprendre jusqu’à quel degré s’étend le pouvoir de l’usage dans un pays où l’on répète chaque jour le proverbe suivant : Kan eïlè, adèt ètmè ; laconisme énergique, difficile à rendre en français, et qui signifie qu’il vaut mieux verser du sang que de laisser établir un usage (sanguinem fac, noli usum instituere).
  2. Il est bon de rappeler ici que la suprématie du patriarche de Constantinople était reconnue jadis dans l’empire russe. Mais, à la demande du czar Fédor I Ivanovitsch sultan Murad III permit au patriarche Jérémie de se rendre à Moscou, où il sacra, en 1589, l’archevêque de cette capitale, et l’installa patriarche de toutes les Russies.