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l’à-propos. On comprend en Angleterre qu’il est déraisonnable et impolitique de perpétuer au pouvoir les mêmes hommes; pour élargir le personnel des hommes d’état, il est sage, quand aucun intérêt important ne s’y oppose, de faire passer alternativement au pouvoir ce qu’on pourrait appeler les états-majors des grands partis. Le temps des tories est bien venu. Les tories d’ailleurs, qui sont toujours très puissans pour retarder les réformes désirables quand ils sont dans l’opposition, se sont montrés souvent plus habiles à les réaliser que les whigs quand ils arrivent au pouvoir. Il serait dommage pour les intérêts de l’Angleterre de laisser trop longtemps inoccupés les talens d’hommes aussi distingués que M. Disraeli et lord Stanley; il y a de jeunes membres du parti qu’il importe d’appliquer au maniement des affaires, tels que lord Cranborne. Un ministère nouveau pourrait aussi contracter d’utiles alliances qui ajouteraient des forces précieuses au parti conservateur; on ne voit pas pourquoi, par exemple, M. Lowe, que les whigs n’ont point traité suivant ses mérites, ne pourrait pas servir à côté de M. Disraeli et de lord Stanley. Un autre résultat utile d’un ministère tory serait de donner le temps au parti libéral, dont la mort de lord Palmerston a laissé les élémens assez désunis, de mieux se combiner, de devenir plus homogène et plus discipliné dans l’opposition. Ces conjectures sont un peu prématurées; il n’est cependant pas possible de promettre une longue carrière au cabinet de lord Russell.
l’à-propos. On comprend en Angleterre qu’il est déraisonnable et impolitique de perpétuer au pouvoir les mêmes hommes ; pour élargir le personnel des hommes d’état, il est sage, quand aucun intérêt important ne s’y oppose, de faire passer alternativement au pouvoir ce qu’on pourrait appeler les états-majors des grands partis. Le temps des tories est bien venu. Les tories d’ailleurs, qui sont toujours très puissans pour retarder les réformes désirables quand ils sont dans l’opposition, se sont montrés souvent plus habiles à les réaliser que les whigs quand ils arrivent au pouvoir. Il serait dommage pour les intérêts de l’Angleterre de laisser trop longtemps inoccupés les talens d’hommes aussi distingués que M. Disraeli et lord Stanley ; il y a de jeunes membres du parti qu’il importe d’appliquer au maniement des affaires, tels que lord Cranborne. Un ministère nouveau pourrait aussi contracter d’utiles alliances qui ajouteraient des forces précieuses au parti conservateur ; on ne voit pas pourquoi, par exemple, M. Lowe, que les whigs n’ont point traité suivant ses mérites, ne pourrait pas servir à côté de M. Disraeli et de lord Stanley. Un autre résultat utile d’un ministère tory serait de donner le temps au parti libéral, dont la mort de lord Palmerston a laissé les élémens assez désunis, de mieux se combiner, de devenir plus homogène et plus discipliné dans l’opposition. Ces conjectures sont un peu prématurées ; il n’est cependant pas possible de promettre une longue carrière au cabinet de lord Russell.


L’Angleterre a vu s’éteindre doucement, il y a huit jours, dans une paisible et sereine vieillesse, une des plus pures et des plus dignes existences qui aient traversé en ce siècle les prospérités et les infortunes des grandeurs humaines. D’universelles sympathies ont suivi de France dans son départ de la terre la belle âme de la reine Marie-Amélie. Comment eût-il pu en être autrement? C’est un grand honneur, pour la reine Marie-Amélie et pour la France que pendant qu’elle régnait parmi nous, au milieu des violences et des licences des luttes politiques les plus passionnées, jamais une pensée de calomnie ou de haine ne soit sortie d’aucun parti, d’aucune classe pour effleurer sa renommée. Tous parmi nous ont compris, vénéré, aimé ses vertus. A toutes les époques de sa vie, la reine ne songea qu’à pratiquer avec simplicité, droiture et fermeté son devoir. On ne saurait essayer de tracer ici une esquisse de cette grande et attachante figure. Nous n’avons point à parler non plus des malheurs qu’elle a fait plaindre et respecter par la dignité avec laquelle elle a su les supporter. Ces malheurs ne lui étaient point personnels en quelque sorte; elle n’avait fait, quant à elle, aucune avance égoïste à la fortune, et ne se sentait frappée que dans les êtres qu’elle chérissait. Ce ne serait point rendre un hommage complet à la reine Marie-Amélie que de la séparer dans nos regrets et dans nos souvenirs de ceux qu’elle a aimés avec une si constante sollicitude. On ne peut penser à ses vertus sans en voir le reflet sur l’homme remarquable et bon, le roi Louis-Philippe, pour qui elle professa toujours une si tendre
L’Angleterre a vu s’éteindre doucement, il y a huit jours, dans une paisible et sereine vieillesse, une des plus pures et des plus dignes existences qui aient traversé en ce siècle les prospérités et les infortunes des grandeurs humaines. D’universelles sympathies ont suivi de France dans son départ de la terre la belle âme de la reine Marie-Amélie. Comment eût-il pu en être autrement ? C’est un grand honneur, pour la reine Marie-Amélie et pour la France que pendant qu’elle régnait parmi nous, au milieu des violences et des licences des luttes politiques les plus passionnées, jamais une pensée de calomnie ou de haine ne soit sortie d’aucun parti, d’aucune classe pour effleurer sa renommée. Tous parmi nous ont compris, vénéré, aimé ses vertus. A toutes les époques de sa vie, la reine ne songea qu’à pratiquer avec simplicité, droiture et fermeté son devoir. On ne saurait essayer de tracer ici une esquisse de cette grande et attachante figure. Nous n’avons point à parler non plus des malheurs qu’elle a fait plaindre et respecter par la dignité avec laquelle elle a su les supporter. Ces malheurs ne lui étaient point personnels en quelque sorte ; elle n’avait fait, quant à elle, aucune avance égoïste à la fortune, et ne se sentait frappée que dans les êtres qu’elle chérissait. Ce ne serait point rendre un hommage complet à la reine Marie-Amélie que de la séparer dans nos regrets et dans nos souvenirs de ceux qu’elle a aimés avec une si constante sollicitude. On ne peut penser à ses vertus sans en voir le reflet sur l’homme remarquable et bon, le roi Louis-Philippe, pour qui elle professa toujours une si tendre

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l’à-propos. On comprend en Angleterre qu’il est déraisonnable et impolitique de perpétuer au pouvoir les mêmes hommes ; pour élargir le personnel des hommes d’état, il est sage, quand aucun intérêt important ne s’y oppose, de faire passer alternativement au pouvoir ce qu’on pourrait appeler les états-majors des grands partis. Le temps des tories est bien venu. Les tories d’ailleurs, qui sont toujours très puissans pour retarder les réformes désirables quand ils sont dans l’opposition, se sont montrés souvent plus habiles à les réaliser que les whigs quand ils arrivent au pouvoir. Il serait dommage pour les intérêts de l’Angleterre de laisser trop longtemps inoccupés les talens d’hommes aussi distingués que M. Disraeli et lord Stanley ; il y a de jeunes membres du parti qu’il importe d’appliquer au maniement des affaires, tels que lord Cranborne. Un ministère nouveau pourrait aussi contracter d’utiles alliances qui ajouteraient des forces précieuses au parti conservateur ; on ne voit pas pourquoi, par exemple, M. Lowe, que les whigs n’ont point traité suivant ses mérites, ne pourrait pas servir à côté de M. Disraeli et de lord Stanley. Un autre résultat utile d’un ministère tory serait de donner le temps au parti libéral, dont la mort de lord Palmerston a laissé les élémens assez désunis, de mieux se combiner, de devenir plus homogène et plus discipliné dans l’opposition. Ces conjectures sont un peu prématurées ; il n’est cependant pas possible de promettre une longue carrière au cabinet de lord Russell.

L’Angleterre a vu s’éteindre doucement, il y a huit jours, dans une paisible et sereine vieillesse, une des plus pures et des plus dignes existences qui aient traversé en ce siècle les prospérités et les infortunes des grandeurs humaines. D’universelles sympathies ont suivi de France dans son départ de la terre la belle âme de la reine Marie-Amélie. Comment eût-il pu en être autrement ? C’est un grand honneur, pour la reine Marie-Amélie et pour la France que pendant qu’elle régnait parmi nous, au milieu des violences et des licences des luttes politiques les plus passionnées, jamais une pensée de calomnie ou de haine ne soit sortie d’aucun parti, d’aucune classe pour effleurer sa renommée. Tous parmi nous ont compris, vénéré, aimé ses vertus. A toutes les époques de sa vie, la reine ne songea qu’à pratiquer avec simplicité, droiture et fermeté son devoir. On ne saurait essayer de tracer ici une esquisse de cette grande et attachante figure. Nous n’avons point à parler non plus des malheurs qu’elle a fait plaindre et respecter par la dignité avec laquelle elle a su les supporter. Ces malheurs ne lui étaient point personnels en quelque sorte ; elle n’avait fait, quant à elle, aucune avance égoïste à la fortune, et ne se sentait frappée que dans les êtres qu’elle chérissait. Ce ne serait point rendre un hommage complet à la reine Marie-Amélie que de la séparer dans nos regrets et dans nos souvenirs de ceux qu’elle a aimés avec une si constante sollicitude. On ne peut penser à ses vertus sans en voir le reflet sur l’homme remarquable et bon, le roi Louis-Philippe, pour qui elle professa toujours une si tendre