« Le Lais » : différence entre les versions

La bibliothèque libre.
Contenu supprimé Contenu ajouté
ThomasV (discussion | contributions)
Aucun résumé des modifications
ThomasV (discussion | contributions)
mAucun résumé des modifications
Ligne 7 : Ligne 7 :
{{Page|Œuvres complètes de François Villon.djvu/008}}
{{Page|Œuvres complètes de François Villon.djvu/008}}
{{Page|Œuvres complètes de François Villon.djvu/009}}
{{Page|Œuvres complètes de François Villon.djvu/009}}
{{Page|Œuvres complètes de François Villon.djvu/010}}

Qui en l'onneur de son nom bruyt,
Mes tentes et mon pavillon.


:X

Item, a celle que j'ay dit
Qui si durement m'a chassé
Que je suis de joye interdit
Et de tout plaisir dechassé,
Je laisse mon cueur enchassé,
Palle, pitieux, mort et transy.
Elle m'a ce mal pourchassé,
Mais Dieu luy en face mercy!


:XI

Item, a maistre Ythier Merchant,
Auquel je me sens tres tenu,
Laisse mon branc d'acier tranchant,
Et a maistre Jehan le Cornu,
Qui est en gaige detenu
Pour ung escot sept solz montant;
Je veul, selon le contenu,
Qu'on leur livre... en le rachetant!


:XII

Item, je laisse a Sainct Amant
Le Cheval blanc avec la Mule,
Et a Blaru mon dÿamant
Et l'Asne royé qui reculle.
Et le decret qui articulle
''Omnis utriusque sexus''
Contre la Carmeliste bulle
Laisse aux curés, pour mettre sus.





Version du 29 juillet 2007 à 14:32


Le Lais ou Petit Testament
1457


Page:Œuvres complètes de François Villon.djvu/007
Page:Œuvres complètes de François Villon.djvu/008
Page:Œuvres complètes de François Villon.djvu/009
Page:Œuvres complètes de François Villon.djvu/010


XIII

Et a maistre Robert Valee,
Povre clergot en Parlement,
Qui n'entend ne mont ne valee,
J'ordonne principalement
Qu'on luy baille legierement
Mes brayes, estans aux Trumillieres,
Pour coyffer plus honnestement
S'amye Jehanne de Milliers.


XIV

Pour ce qu'il est de lieu honneste
Fault qu'il soit mieulx recompensé,
Car le Saint Esperit l'adomoneste,
Obstant ce qu'il est insensé.
Pour ce, je me suis pourpensé,
Puis qu'il n'a sens ne qu'une aulmoire,
A recouvrer sur Mau pensé,
Qu'on lui baille, l'Art de memoire.


XV

Item, pour assigner la vie
Du dessus dit maitre Robert,
Pour Dieu, n'y aiés point d'envye,
Mes parents, vendés mon haubert,
Et que l'argent, ou la plus part,
Soit emploié, dedans ces Pasques
A acheter a ce poupart
Une fenestre emprés Saint Jacques.


XVI

Item, laisse et donne en pur don
Mes gans et ma houcque de soye
A mon amy Jacques Cardon,
Le glan aussi d'une saulsoye,
Et tous les jours une grasse oye
Et ung chappon de haule gresse,
Dix muys de vin blanc comme croye,
Et deux procés, que trop n'engresse.


XVII

Item, je lessë a noble homme
Regnier de Montigny, trois chiens;
Aussi a Jehan Raguier la somme
De cent frans prins sur tous mes biens;
Mais quoy? Je n'y comprens en riens
Ce que je pourray acquerir:
L'en ne doit trop prendre des siens,
Ne ses amys trop surquerir.


XVIII

Item, au seigneur de Grigny
Laisse la garde de Nygon
Et six chiens plus qu'a Montigny,
Vicestre, chastel et donjon;
Et a ce malostre changon,
Moutonnier, qui le tient en procés,
Laisse troys coups d'ung escourgon
Et coucher paix et aise es ceps.


XIX

Item, au Chevalier du guet,
Le Hëaulme luy establis,
Et aux pietons qui vont d'aguet
Tastonnant par ces establis,
Je leur laissë ung beau riblis,
La Lanterne a la Pierre au Let,
Voire, mes j'aray les Troys Lis,
S'ilz me mainent en Chastellet.


XX

Et a maistre Jaques Raguier
Laisse l'Abeuvroir Popin,
Paiches, poires – sucré, figuier –,
Tous jours le choiz d'ung bon loppin,
Le trou de la Pomme de Pin,
Cloz et couvert, au feu la plante,
Emmailloté en jacopin,
Et qui vouldra planter si plante!


XXI

Item, a maistre Jehan Mautaint
Et maistre Pierre Basannier,
Le gré du seigneur qui attainct
Troubles, forfaiz, sans espargnier;
Et a mon procureur Fournier,
Bonnetz cours, chausses semelees,
Taillees sur mon cordouennier,
Pour porter durant ces gelees.


XXII

Item, a Jehan Trouvé, boucher,
Laisse le Mouton franc et tendre,
Et ung tacon pour esmouchier
Le Beuf Couronné qu'on veult vendre,
Et la Vache, qui pourra prendre
Le vilain qui la trousse au col:
S'il ne la rend, qu'on le puist pendre
Et estrangler d'un bon licol!


XXIII

Item, a Perrenet Merchant,
Qu'on dit le Bastard de la Barre,
Pour ce qu'il est ung bon merchant,
Luy laisse trois gluyons de feurre
Pour estendre dessus la terre
A faire l'amoureux mestier,
Ou il luy fauldra sa vie querre,
Car il ne scet autre mestier.


XXIV

Item, au Loup et a Cholet
Je laisse a la fois ung canart
Prins sur les murs comme on souloit,
Envers les fossés, sur le tart,
Et a chascun ung grant tabart
De cordelier jusques aux piez,
Busche, charbon et poys au lart,
Et mes houseaulx sans avantpiez.


XXV

Item, je laissë, en pitié
A trois petis enffans tous nudz
Nommés en ce present traictié,
– Povres orphelins impourveuz,
Tous deschaussez, tous despourveuz,
Et desnuez comme le ver
(J'ordonne qu'ilz seront pourveuz,
Au moins pour passer cest yver) –,


XXVI

Premierement, Colin Laurens,
Girard Gossouïn, Jehan Marceau,
Desprins de biens et de parens,
Qui n'ont vaillant l'anse d'un seau,
Chascun de mes biens ung fesseau
Ou quatre blans, s'ilz l'aiment mieulx;
Ilz mengeront maint bon morceau,
Les enffans, quand je seray vieulx.


XXVII

Item, ma nominacïon,
Que j'ay de l'Université,
Laisse par resignacïon,
Pour seclurre d'aversité
Povres clers de cest cité
Soubz cest intendit contenus;
Charité m'y a incité
Et Nature, les voyans nudz.


XXVIII

C'est maistre Guillaume Cottin
Et maistre Thibault de Vittry,
Deux povres clers parlans latin,
Humbles, biens chantans au lectry,
Paisibles enffans sans estry:
Je leur laisse sans recevoir
Sur la maison Guillot Gueutry,
En attendant de mieulx avoir.


XXIX

Item, et j'adjoinctz a la crosse
Celle de la rue Saint Anthoine,
Ou ung billart de quoy on crosse,
Et tous les jours plain pot de Seine
Aux pigons qui sont en l'essoyne,
Ensserés soubz trappe voliere,
Mon miroüer bel et ydoyne
Et la grace de la geolliere.


XXX

Item, je laisse aux hospitaux
Mes chassis tissus d'arignie,
Et aux gisans soubz les estaulx,
Chascun sur l'eul une grognee,
Trambler a chiere renfrongnee,
Megres, velus et morfondus,
Chausses courts, robe rongnee,
Gelez, murdriz et enfondus.


XXXI

Item, je laisse a mon barbier
Les rongnures de mes cheveux,
Plainement et sans destourbier;
Au savetier mes souliers vieulx,
Et au freppier mes habitz tieulx
Que quant du tout je les delaisse;
Pour mains qu'ilz ne cousterent neufz
Charitablement je leur laisse.


XXXII

Item, je laisse aux Mendïans,
Aux Filles Dieu et aux Beguines,
Savoureux morceaulx et fryans,
Chappons, flaons, grasses gelines,
Et puis prescher les .XV. signes
Et abatre pain a deux mains.
Carmes chevauchent noz voisines,
Mais cela, ce n'est que du mains.


XXXIII

Item, laisse le Mortier d'or
A Jehan, l'espicier, de la Garde,
Une potence de sainct Mor,
Pour faire ung broyer a moustarde.
Et celluy qui fist l'avantgarde
Pour faire sur moy griefz exploiz:
De par moy, saint Anthoine l'arde!
– Je ne luy feray autre laiz.


XXXIV

Item, je lesse a Mirebeuf
Et a Nicolas de Louviers,
A chacun l'escaille d'un œuf
Plaine de francs et d'escus vieulx.
Quant au concierge de Gouvieulx,
Pierre de Rousseville, ordonne,
Pour le donner entendre mieulx,
Escus telz que le Prince donne.


XXXV

Finablement, en escripvant,
Ce soir, seulet, estant en bonne,
Dictant ces laiz et descripvant,
J'ouys la cloche de Serbonne,
Qui tous jours a neuf heures sonne
Le salut que l'ange predit;
Si suspendis et mis en bonne
Pour prier comme le cueur dit.


XXXVI

Ce faisant, je m'entroubliay,
Non pas par force de vin boire,
Mon esperit comme lÿé.
Lors je sentis dame Memoire
Reprendre et mectre en son aulmoire
Ses especes colaterales,
Oppinative faulse et voire
Et autres intellectualles,


XXXVII

Et meismement l'estimative,
Par quoy prospective nous vient,
Simulative, formative,
Desquelles souvent il advient
Que, par leur trouble, homme devient
Fol et lunatique par moys;
Je l'ay leu, se bien m'en souvient,
En Aristote aucunesfois.


XXXVIII

Dont le sensitif s'esvailla
Et esvertua Fantaisie,
Qui les organes resveilla,
Et tint la souveraine partie
En suspens et comme mortie
Par oppressïon d'oubliance,
Qui en moy s'estoit espartie
Pour monstrer de Sens la lïance.


XXXIX

Puis que mon sens fut a repos
Et l'entendement desmellé,
Je cuiday finer mon propos,
Mais mon ancrë trouvay gelé
Et mon cierge trouvay soufflé;
De feu je n'eusse peu finer,
Si m'endormis, tout enmouflé,
Et ne peuz autrement finer.


XL

Fait au temps de ladite datte
Par le bien renommé Villon,
Qui ne mengue figue ne datte,
Sec et noir comme escouvillon;
Il n'a tente ne pavillon
Qu'il n'ait lessié a ses amis,
Et n'a mais q'un peu de billon
Qui sera tantost a fin mis.

Attention : la clé de tri par défaut « Lais » écrase la précédente clé « lais ».