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Hetzel (p. 80-92).

VII

ET DE TROIS.


Je l’avoue, tout d’abord, ma surprise fut grande à la lecture de cette lettre. Des oh ! et des ah ! s’échappèrent de ma bouche. La vieille servante me regardait, ne sachant trop que penser.

« Est-ce que monsieur vient de recevoir une mauvaise nouvelle ?… »

À cette demande de Grad, — je n’avais guère de secrets pour elle, — je répondis simplement en lui lisant la lettre depuis la première jusqu’à la dernière ligne.

Grad écoutait, me regardant avec une réelle inquiétude…

« Un mystificateur, sans doute, fis-je en haussant les épaules.

— À moins que ce ne soit le diable, puisque cela vient du pays du diable ! » ajouta Grad, toujours hantée d’interventions diaboliques.

Resté seul, je parcourus de nouveau cette lettre si inattendue, et, après réflexions, je m’en tins à l’idée qu’elle devait être l’œuvre d’un mauvais plaisant. Pas d’erreur possible… Mon aventure était connue… Les journaux ayant raconté en détails notre mission dans la Caroline du Nord et la tentative faite pour franchir l’enceinte du Great-Eyry, tout le monde savait pour quelles raisons, M. Smith et moi, nous n’avions pu réussir… Et alors un farceur, comme il s’en rencontre, même en Amérique, a pris la plume, et, pour se moquer, a écrit cette lettre des plus comminatoires.

La vieille servante me regardait. (Page 89.)

En effet, à supposer que l’aire en question servît de refuge à une bande de malfaiteurs, devant craindre que la police ne découvrît leur retraite, ce n’est pas l’un d’eux qui aurait commis l’imprudence de la dévoiler… N’avaient-ils pas un intérêt majeur à ce que leur présence dans ce repaire demeurât ignorée ?… Ne serait-ce pas inciter les agents à faire de nouvelles recherches en cette région des Montagnes-Bleues ?… Quand il s’agirait de capturer un ramassis de gens suspects, on saurait bien les atteindre !… La mélinite ou la dynamite parviendraient à éventrer l’enceinte… Il est vrai, comment ces malfaiteurs avaient-ils pu y pénétrer, à moins qu’il n’existât un passage que nous n’avions pas découvert ?… Quoi qu’il en fût, et même en admettant cette hypothèse, jamais l’un d’eux n’aurait eu l’imprudence de m’adresser cette lettre…

Restait donc cette explication : c’était qu’elle fût de la main d’un mystificateur, ou d’un fou, et, à mon avis, je ne devais pas autrement m’en inquiéter ni même m’en préoccuper.

Aussi, ayant eu un instant la pensée d’en donner communication à M. Ward, je décidai de ne point le faire. Il n’y eût attaché aucune importance, à cette lettre. Cependant, je me gardai de la déchirer, et c’est dans mon bureau qu’elle fut serrée à tout hasard. S’il m’arrivait d’autres épîtres de ce genre, avec les mêmes initiales, je les joindrais à celle-ci, sans leur accorder plus de créance.

Plusieurs jours s’écoulèrent, pendant lesquels je me rendis comme d’habitude à l’hôtel de la police. J’avais quelques rapports à terminer, et rien ne me faisait prévoir que j’eusse à quitter prochainement Washington. Il est vrai, en notre partie, est-on jamais sûr du lendemain ? Mainte affaire peut se présenter qui vous oblige à courir les États-Unis depuis l’Oregon jusqu’à la Floride, depuis le Maine jusqu’au Texas !

Et, — cette idée me revenait souvent : Si j’étais chargé d’une nouvelle mission, et si je ne réussissais pas mieux que dans la campagne du Great-Eyry, je n’aurais plus qu’à démissionner et à prendre ma retraite !…

En ce qui concerne l’affaire du ou des chauffeurs, on n’en entendait plus parler. Je savais que le gouvernement avait ordonné de surveiller les routes, les fleuves, les lacs, toutes les eaux américaines. Mais peut-on exercer une surveillance effective sur un immense pays qui s’étend du soixantième méridien au cent vingt-cinquième, et du trentième degré de latitude au quarante-cinquième !… Avec l’Atlantique d’un côté, le Pacifique de l’autre, le vaste golfe du Mexique, qui baigne ses côtes méridionales, l’introuvable bateau n’avait-il pas là un immense champ d’évolution, où il devait être insaisissable ?…

Mais, je le répète, ni l’un ni l’autre appareil n’avait été revu, et, on le sait, lors de ses dernières apparitions, son inventeur n’avait pas précisément choisi les endroits les moins fréquentés, cette grande route du Wisconsin, un jour de courses, ces parages de Boston, incessamment sillonnés par des milliers de navires !…

Si donc cet inventeur n’avait pas péri — ce qui pouvait s’admettre d’ailleurs —, ou il était maintenant hors de l’Amérique, peut-être dans les mers de l’Ancien Continent, ou il se cachait en quelque retraite connue de lui seul, et, à moins que le hasard…

« Eh ! me répétais-je parfois, en fait de retraite, aussi secrète qu’inaccessible, ce fantastique personnage n’aurait pas mieux trouvé que le Great-Eyry !… Il est vrai, un bateau ne saurait pas y pénétrer plus qu’une automobile !… Seuls les grands oiseaux, aigles où condors, peuvent y chercher refuge ! »

Je dois noter que, depuis mon retour à Washington, aucun nouveau déchaînement de flammes n’avait effrayé les habitants du district. M. Élias Smith ne m’ayant point écrit à ce sujet, j’en concluais avec raison qu’il ne se produisait rien d’anormal. Tout donnait à penser que les deux affaires, auxquelles s’étaient si passionnément attachées la curiosité et l’inquiétude publiques, allaient tomber dans un complet oubli.

Le 19 juin, vers neuf heures, je me rendais à mon bureau, quand, en sortant de la maison, je remarquai deux individus, qui me regardèrent avec une certaine insistance. Ne les connaissant pas, je n’y pris garde, et, si mon attention fut attirée à ce sujet, c’est que la bonne Grad m’en parla à mon retour.

Depuis quelques jours, ma vieille servante avait observé que deux hommes semblaient m’épier dans la rue, ils faisaient les cent pas devant ma demeure, et me suivaient, paraît-il, lorsque je remontais Long-Street pour me rendre à l’Hôtel de la police.

« Vous êtes sûre de ce que vous dites ?… demandai-je.

— Oui, monsieur, et, pas plus tard qu’hier, quand vous rentriez, ces individus, qui marchaient sur vos talons, sont partis, dès que la porte a été fermée !

— Voyons, Grad, ce n’est point une erreur…

— Non, monsieur.

— Et, si vous rencontriez ces deux hommes, vous les reconnaîtriez ?…

— Je les reconnaîtrais.

— Allons… allons, ma bonne Grad, répliquai-je en riant, je vois que vous possédez un véritable flair de policeman !… Il faudra que je vous engage dans la brigade de sûreté !…

— Plaisantez, monsieur, plaisantez !… J’ai de bons yeux encore et n’ai point besoin de lunettes pour dévisager les gens !… On vous espionne, ce n’est pas douteux, et vous feriez bien de mettre quelques agents sur la piste de ces espions !…

— Je vous le promets, Grad, répondis-je pour satisfaire la vieille femme, et, avec un de mes détectives, je saurai bientôt à quoi m’en tenir sur ces personnages suspects. »

Au fond, je ne prenais point cette communication au sérieux.

J’ajoutai, cependant :

« Lorsque je sortirai, j’observerai avec plus d’attention les passants…

— Ce sera prudent, monsieur ! »

Grad s’alarmant facilement d’ailleurs, je ne sais pourquoi je ne voulais pas attacher d’importance à son dire.
même par temps calme cette dénivellation se propageait. (page 87.)

« Si je les revois, reprit-elle, je vous préviendrai, monsieur, avant que vous mettiez le pied dehors…

— C’est entendu ! »

Et j’interrompis la conversation, prévoyant bien que, à la continuer, Grad finirait par assurer que c’était Belzébuth et un de ses acolytes que j’avais à mes trousses.

Les deux journées suivantes, il fut manifeste que personne ne m’épiait ni à ma sortie ni à ma rentrée. J’en concluai que Grad avait fait erreur.

Or, dans la matinée du 22 juin, après avoir monté l’escalier, aussi rapidement que le lui permettait son âge, voici que Grad pousse la porte de ma chambre, et, à demi essoufflée, me dit :

« Monsieur… monsieur…

— Qu’y a-t-il, Grad ?…

— Ils sont là…

— Qui ?… demandai-je, songeant à tout autre chose qu’à la « filature » dont j’eusse été l’objet.

— Les deux espions…

— Ah ! ces fameux espions…

— Eux-mêmes… dans la rue, en face de vos fenêtres, observant la maison, attendant que vous sortiez ! »

Je m’approchai de la fenêtre et, le rideau légèrement soulevé, afin de ne point donner l’éveil, j’aperçus deux hommes sur le trottoir.

Deux, en effet, taille moyenne, vigoureusement constitués, larges épaules, d’un âge entre trente-cinq et quarante ans, vêtus comme le sont d’ordinaire les gens de la campagne, chapeau de feutre ombrageant la tête, pantalon d’épaisse laine, fortes bottes, bâton à la main.

Nul doute, ils examinaient, avec obstination, la porte et les fenêtres de ma demeure.

Puis, après avoir échangé quelques paroles, ils faisaient une dizaine de pas sur le trottoir et revenaient prendre leur poste.

« Ce sont bien les individus que vous aviez déjà remarqués, Grad ?… demandai-je.

— Sûrement, monsieur ! »

En somme, je ne pouvais plus croire à une erreur de ma vieille servante, et je me promis d’éclaircir cette affaire. Quant à suivre moi-même ces hommes, non ! ils m’auraient aussitôt reconnu et à quoi m’eût servi de m’adresser directement à eux ?… Aujourd’hui même, un agent sera de garde devant la maison, et, s’ils reparaissent le soir ou le lendemain, on les filera à leur tour… On les accompagnera jusqu’où il leur plaira d’aller, et leur identité finira par être établie.

Maintenant, m’attendaient-ils pour m’escorter jusqu’à l’Hôtel de la police ?… C’est ce que j’allais voir, et, s’ils le faisaient, ce serait peut-être l’occasion de leur offrir une hospitalité dont ils ne nous remercieraient pas.

Je pris mon chapeau, et, tandis que Grad restait près de la fenêtre, je descendis, j’ouvris la porte, je mis le pied dans la rue.

Les deux hommes n’étaient plus là.

Mais leur signalement, gravé dans ma mémoire, ne s’en effacerait plus.

Malgré toute l’attention que j’y apportai, je ne pus les apercevoir.

À partir de ce jour, d’ailleurs, ni Grad ni moi, nous ne les revîmes devant la maison, et ils ne se rencontrèrent plus sur ma route.

Peut-être, après tout, en admettant que j’eusse été l’objet d’un espionnage, savaient-ils de moi ce qu’ils désiraient savoir, maintenant qu’ils m’avaient vu de leurs yeux, et je finis par ne point accorder à cette affaire plus d’importance qu’à la lettre aux initiales M. D. M.

Or, voici que la curiosité publique fut sollicitée de nouveau et dans des circonstances vraiment extraordinaires.

Il est bon de rappeler, tout d’abord, que les journaux n’entretenaient plus leurs lecteurs des phénomènes du Great-Eyry, qui ne s’étaient pas renouvelés. Même silence sur l’automobile et le bateau, dont nos meilleurs agents n’avaient pu trouver trace. Et, très vraisemblablement, tout cela eût été oublié, si un fait nouveau ne fût venu remettre ces incidents en mémoire.

Dans le numéro du 22 juin, des milliers de lecteurs purent lire l’article suivant, publié par l’Evening Star, et que toutes les feuilles de l’Union reproduisirent le lendemain :

« Le lac Kirdall, situé dans le Kansas, à quatre-vingts milles à l’ouest de Topeka, le chef-lieu, est peu connu. Il mérite cependant de l’être, et le sera sans doute, car l’attention publique est attirée sur lui d’une façon très particulière.

» Ce lac, compris dans une région montagneuse, ne paraît avoir aucune communication avec le réseau hydrographique de l’État. Ce qu’il perd par l’évaporation, il le regagne par le tribut des pluies abondantes en cette partie du Kansas.

» La superficie du Kirdall est évaluée à soixante-quinze milles carrés, et son niveau paraît être quelque peu supérieur à la cote moyenne du sol. Enfermé dans son cadre orographique, il est d’un accès difficile à travers d’étroites gorges. Cependant plusieurs villages se sont fondés sur ses bords. Il fournit du poisson en grande abondance, et les barques de pêche le sillonnent en toutes directions.

» Ajoutons que la profondeur du Kirdall est très variable. Près des rives, elle n’est pas inférieure à cinquante pieds. Ce sont des roches presque à pic qui forment les bords de cette vaste cuvette. Les houles, soulevées par le vent, battent parfois son littoral avec fureur, et ses habitations riveraines y sont noyées sous les embruns comme sous des averses d’orages. Les eaux, déjà profondes à la périphérie, le sont plus encore en gagnant vers le centre, où, par de certains endroits, les sondes ont accusé jusqu’à trois cents pieds.

» C’est une eau limpide et douce qui remplit ce lac. Naturellement, il ne s’y rencontre aucune espèce de poissons de mer, mais des brochets, des perches, des truites, des carpes, des goujons, des anguilles, etc., en quantités prodigieuses et de dimensions peu ordinaires.

» On comprendra donc que la pêche du Kirdall soit très fructueuse, très suivie. Il ne faut pas évaluer à moins de plusieurs milliers les pêcheurs qui l’exercent, et à plusieurs centaines les embarcations dont ils se servent. À cette flottille, il convient d’ajouter une vingtaine de petites goélettes et de chaloupes à vapeur, qui font le service du lac et assurent les communications entre les divers villages. Au delà du cadre de montagnes fonctionne le réseau des railroads, qui facilite le débit de cette industrie dans le Kansas et les États voisins.

» Cette description du Kirdall est nécessaire pour la compréhension des faits que nous allons rapporter. »

Et voici ce que racontait l’Evening Star dans cet article sensationnel :

« Depuis quelque temps les pêcheurs ont remarqué qu’un trouble inexplicable se produit à la surface du lac. Par instants, elle se soulève comme au contrecoup d’une lame de fond. Même en l’absence de toute brise, par temps calme, ciel pur, cette dénivellation s’effectue au milieu d’un mélange d’écume. À la fois ballottées par des secousses de roulis et de tangage, les embarcations ne peuvent se maintenir en bonne route. Elles sont précipitées les unes contre les autres, menacent de chavirer, et il en résulte de graves avaries.

» Ce qu’il y a de certain, c’est que le bouleversement des eaux
« Monsieur ! Monsieur ! Ils sont là ! » (Page 83.)

prend naissance dans les basses couches du Kirdall, phénomène auquel on a cherché diverses explications.

» Tout d’abord, on s’est demandé si ce trouble n’était pas dû à un mouvement sismique, modifiant les fonds du lac sous l’influence des forces plutoniennes. Mais cette hypothèse dut être repoussée, lorsqu’il fut reconnu que la perturbation n’était pas localisée et se propageait sur toute l’étendue du Kirdall, à l’est comme à l’ouest, au nord comme au sud, au centre comme sur les bords, successivement, régulièrement pourrait-on dire, ce qui exclut toute idée d’un tremblement de terre ou d’une action volcanique.

» Une hypothèse différente ne tarda pas à se formuler. N’était-ce point la présence d’un monstre marin qui bouleversait les eaux du Kirdall avec cette violence ?… Mais, à moins que ledit monstre ne fût né dans ce milieu, ne s’y fût développé dans des proportions gigantesques, ce qui est peu admissible, il faudrait que, venu du dehors, il eût pu s’introduire dans le lac. Or, le Kirdall n’a aucune communication avec l’extérieur. Quant à l’existence de canaux souterrains, alimentés par les rivières du Kansas, cette explication n’eût pas supporté l’examen. Et, encore, si cet État avait été situé près du littoral de l’Atlantique, du Pacifique, du golfe du Mexique !… Non ! il est central, et à grande distance des mers américaines.

» Bref, la question ne semble pas facile à résoudre, et il est plus aisé d’écarter les données manifestement fausses que de découvrir l’exacte vérité.

» Or, s’il est démontré que la présence d’un monstre dans le Kirdall est impossible, ne s’agirait-il pas plutôt d’un sous-marin évoluant à travers les profondeurs du lac ?… Est-ce qu’il n’existe pas, à notre époque, nombre d’engins de ce genre ?… Et, précisément, à Bridgeport, dans le Connecticut, n’a-t-on pas lancé, il y a quelques années, un appareil, le Protector, qui pouvait naviguer sur l’eau, sous l’eau, et aussi se mouvoir sur terre ?… Construit par un inventeur du nom de Lake, muni de deux moteurs, l’un électrique, de soixante-quinze chevaux, actionnant deux hélices jumelles ; l’autre à pétrole, de deux cent cinquante chevaux, il était en outre pourvu de roues en fonte d’un mètre de diamètre, qui lui permettaient de rouler sur les routes comme sur le fond des mers.

» Fort bien, mais, en admettant que les perturbations observées soient produites par le passage d’un submersible système Lake, même poussé à un plus haut degré de perfection, reste toujours cette question : Comment a-t-il pu pénétrer dans le Kirdall, par quelle voie souterraine y serait-il arrivé ?… On le répète, ce lac, enfermé de toutes parts dans un cirque de montagnes, n’est pas plus accessible au bateau qu’au monstre marin.

» Une telle objection paraît donc être sans réplique. Cependant, la seule hypothèse admissible, c’est qu’un appareil de cette espèce circule sous les eaux du Kirdall, et ajoutons qu’il ne s’est jamais montré à sa surface.

» Du reste, il n’est plus possible d’en douter maintenant, après ce qui s’est passé à la date du 20 juin dernier.

» Ce jour-là, l’après-midi, la goélette Markel, courant toutes voiles dehors vers le nord-ouest, est venue en collision avec un corps qui flottait entre deux eaux. Cependant, il n’existe aucun écueil en cet endroit, où la sonde accuse une profondeur de quatre-vingts à quatre-vingt-dix pieds.

» La goélette, attaquée dans son flanc de bâbord, risquait d’emplir et de couler bas en quelques minutes. On parvint, c’est vrai, à aveugler cette voie d’eau et elle put rallier le port le plus voisin, à trois milles de là.

» Lorsque la Markel, après déchargement, eut été halée sur une grève, l’avarie fut examinée à l’extérieur comme à l’intérieur, et tout démontra que la goélette avait reçu un véritable coup d’éperon dans sa coque.

» Or, cette constatation faite, il est impossible de nier la présence d’un sous-marin sous les eaux du Kirdall, où il se meut avec une extrême rapidité.

» Mais, alors, il y a lieu de faire cette remarque : En admettant qu’un appareil de ce genre ait pu s’introduire à l’intérieur du lac, qu’est-il venu y faire ?… Est-ce là un lieu propice à de telles expériences ?… Puis, pourquoi ne remonte-t-il jamais à la surface et quel intérêt aurait-il à rester inconnu ? »

L’article de l’Evening Star se terminait par ce rapprochement vraiment étrange :

« Après l’automobile mystérieuse, le bateau mystérieux.

» Après le bateau mystérieux, le sous-marin mystérieux.

» Faut-il en conclure qu’ils sont tous trois dus au génie du même inventeur et que tous trois ne font qu’un seul appareil ? »