« Apologies (saint Justin, trad. Pautigny)/Introduction » : différence entre les versions

La bibliothèque libre.
Contenu supprimé Contenu ajouté
+references
 
Ligne 1 : Ligne 1 :
{{TextQuality|25%}}
{{TextQuality|100%}}


<pages index="Justin - Apologies, trad. Pautigny.djvu" header=1 from=5 to=36 />
<pages index="Justin - Apologies, trad. Pautigny.djvu" header=1 from=5 to=36 />

Dernière version du 2 mai 2012 à 00:34


Traduction par Louis Pautigny.
Texte établi par Hippolyte Hemmer, Paul LejayAlphonse Picard et Fils (Textes et Documents pour l’étude historique du christianismep. v-xxxvi).


INTRODUCTION


1. La littérature ecclésiastique au iie siècle présente un caractère nettement apologétique. Les chrétiens avaient à justifier leur foi devant les Juifs et devant les païens. Les Juifs voyaient en eux des païens, et les païens des impies (voy. Ép. à Diognète, xiii, 1). Le gouvernement romain proscrivait un culte contraire à la religion officielle, le peuple le poursuivait de sa haine et de ses calomnies, les philosophes attaquaient au nom de la raison la doctrine chrétienne. L’œuvre des apologistes fut de répondre à ces contradictions. Aux Juifs, ils firent voir que les chrétiens seuls avaient la véritable intelligence des livres saints ; aux empereurs, ils prouvèrent l’injustice de la procédure suivie à leur égard ; au peuple et aux philosophes, ils montrèrent la pureté et l’excellence de leur religion.

Otto, Corpus apologetarum christianorum saec. II, Iena, 1851-1881. — Harnack, Die Ueberlieferung der griechischen Apologeten des zweiten Jahrhunderts in der alten Kirche und im Mittelalter, Leipzig, 1882. — Werner, Geschichte der apologetischen und polemischen Literatur d. christl. Theologie, Schaffhouse, 1861-1867. — J. Donaldson, A critical history of Christian literature and doctrine from the death of the Apostles to the Nicene council ; vol. II-III : The Apologits ; Londres, 1866. — R. Mariano, Le apologie nei primi tre secoli della chiesa ; le cagioni et gli effetti, saggio critico-storico ; Naples, 1888. — G. Schmitt, Die Apologie der drei ersten Jahrhunderte in historisch-systematischer Darstellung, Mayence, 1890.


2. Le principal représentant de la littérature apologétique au iie siècle fut saint Justin. Il naquit vers l’an 100, en Judée, à Flavia Neapolis, l’ancienne Sichem, aujourd’hui Naplouse. Son père, Priscos, et son grand-père, Baccheios, étaient Grecs d’origine et païens. Lui-même fut élevé dans le paganisme. Il raconte, dans le Dialogue avec Tryphon (ii-viii), comment il passa de la philosophie au christianisme, et l’on accorde généralement à l’ensemble de ce récit une valeur historique. La conversion eut lieu vraisemblablement à Éphèse, sous Hadrien. Puis il parcourut le monde, à la façon des sophistes de cette époque, prêchant sa foi. Il séjourna à Rome sous Antonin. Là, quoique simple laïque, il avait groupé autour de lui comme une école de disciples volontaires. Nous savons par lui-même (Apol., II, iii) qu’il discuta souvent avec le philosophe cynique Crescens. Est-ce à la haine de cet adversaire, comme il le fait prévoir (Apol., ii, loc. cit.), qu’il faut attribuer sa mort ? Toujours est-il qu’il subit le martyre à Rome, sous la préfecture de Junius Rusticus, c’est-à-dire entre 163 et 167. Les Actes qui relatent sa mort sont considérés comme authentiques.

Tillemont (Lenain de), Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique, t. II, p. 344 suiv. — Semisch, Justin der Märtyrer, Breslau, 1840-1842. — Freppel, Saint Justin, Paris, 1860. — B. Aubé, Saint Justin, philosophe et martyr ; Paris, 1861 (1875). — Engelhardt, Das Christentum Justins des Märtyrers, Erlangen, 1878. Prétend que Justin est un païen qui a transformé le christianisme en système philosophique. — Paul Allard, Hist. des persécutions pendant les deux premiers siècles, Paris, 1885, pp. 281 suiv. ; 314 suiv. ; 365 suiv. — O. Bardenhewer, Patrologie, Fribourg, 1894, § 16. — Th. Zahn, Zeitschr. f. Kirchengesch., VIII (1886), 37-66 ; Theolog. Litteraturzeitung, I (1876), 443-446. — E. C. Richardson, Bibliographical Synopsis to the Ante-Nicene Fathers, Buffalo, 1887, 21-26. — A. Ehrhard, Die altchristliche Literatur und ihre Erforschung seit 1880, Erster Literaturbericht (1880-1884), Strasbourg, 1894 ; pp. 85-89 ; von 1884-1900, I (Strasbourg, 1900), pp. 217-235. — G. Krueger, Geschichte der altchristlichen Litteratur in den ersten drei Jahrhunderten, Fribourg, 1895, p. 63, et Nachträge, 1897, p. 18. — P. Batiffol, La littérature grecque (Anciennes littératures chrétiennes), Paris, 1897, pp. 95 suiv. — Bardenhewer, Geschichte der altkirchlichen Litteratur, t. I, pp. 190-242 ; Fribourg, 1902. — Actes dans Ruinart, Acta martyrum, Ratisbonne, 1859, p. 101.


3. Parmi les œuvres attribuées à saint Justin, trois seulement sont certainement authentiques, les deux apologies : Ἀπολογία ὑπὲρ Χριστιανῶν πρὸς Αντονῖνον τὸν εὐσεϐῆ, Ἀπολογία ὑπὲρ Χριστιανῶν πρὸς τὴν Ῥωμαίων σύγϰλητον (ces titres ne sont pas authentiques), et le Dialogue avec le Juif Tryphon, πρὸς Τρύφωνα ἰουδαῖον διάλογος.

Beaucoup de ses écrits ne sont pas parvenus jusqu’à nous. Nous savons par lui-même (Apol., I, xxvi) qu’il avait composé un ouvrage contre les hérésies : Σύνταγμα ϰατὰ πασῶν τῶν γεγενημένων αἱρέσεων. Saint Irénée cite (IV, vi, 2) un Σύνταγμα πρὸς Μαρϰίωνα ; Tatien (18) un Λόγος πρὸς Ἕλληνας. Eusèbe (IV, xviii) fait mention de ce dernier ouvrage, ainsi que de plusieurs autres, également perdus : Ἔλεγϰος πρὸς Ἕλληνας ; Περὶ θεοῦ μοναρχίας ; Ψάλτης ; Περὶ ϕυχῆς.

Plusieurs autres ouvrages portent le nom de saint Justin, mais ne sont pas de lui. On rejette généralement comme apocryphes le Discours aux Gentils, l’Exhortation aux Gentils, et le De Monarchia. Au reste, il n’est pas impossible que même des écrits attribués par Eusèbe à saint Justin ne soient pas authentiques.

Éditions : R. Estienne, Paris, 1551 ; Sylburg, Heidelberg, 1593. — Pr. Maran, édition des Bénédictins, Paris, 1742, Venise, 1747 ; reproduite dans la Patrologie grecque de Migne, t. VI (Paris, 1857). — Otto, Corpus apologetarum christianorum, 3e éd., Iena, 1876-1881. Une nouvelle édition critique est préparée par l’Académie de Berlin.

Harnack, Die Ueberlieferung der griechischen Apologeten des 2 Jahrhunderts, Leipzig, 1882. — Le même, Geschichte der altchrist. Literatur bis Eusebius, I, Leipzig, 1893, pp. 99 suiv.


4. Les œuvres de saint Justin sont d’un philosophe autant que d’un théologien. Élevé dans les spéculations du Platonisme, il est le premier qui ait tenté un essai de conciliation entre la philosophie et le christianisme. À ses yeux, la vérité est une : elle a pour source unique le Verbe divin. Le Verbe répandu dans le monde (λόγος σπερματιϰός) s’est révélé partiellement aux sages de l’antiquité, Socrate, Héraclite et les autres, chrétiens sans le savoir. Plus tard, il se révéla complètement, quand il s’incarna dans la personne du Christ. La doctrine chrétienne n’est pas la négation, mais l’expression la plus haute de la philosophie rationnelle. Aussi philosophes et chrétiens s’accordent-ils dans leurs enseignements sur Dieu, l’âme, la vertu, l’immortalité. Il n’est donc pas étonnant qu’ils aient les mêmes ennemis, les démons, dont la haine poursuivit Socrate, comme elle poursuit les fidèles du Christ. Ces rapports entre la philosophie et la théologie chrétienne s’expliquent d’autant plus facilement que, d’après saint Justin, les écrivains de l’antiquité sont postérieurs à Moïse et doivent aux Livres Saints la plupart des vérités qu’ils ont exprimées.

Voy. les ouvrages cités au § 1 et les suivants. D. H. Waubert de Puiseau, De Christologie van Justinus Martyr, Leiden, 1864. — Staehlin, Justin der Märtyrer und sein neuester Beurtheiler, Leipzig, 1880 (dirigé contre Engelhardt, cité plus haut). — Thuemer, Ueber den Platonismus in den Schriften des Justinus Martyr, Glauchau, 1880. — G. T. Purves, The testimony of Justin martyr to early Christianity, New-York, 1889. — C. Clemen, Die religionsphilosophische Bedeutung des stoisch-christlichen Eudämonismus in Justins Apologie, Leipzig, 1890. — Flemming, Zur Beurtheilung des Christenthums Justins des Märtyrers, Leipzig, 1893. — E. de Faye, De l’influence du Timée de Platon sur la théologie de Justin martyr, dans Études de critique et d’histoire par les membres de la section des sciences religieuses de l’École des hautes études, deuxième série, 1896, pp. 169-187.


5. Les deux Apologies de saint Justin nous ont été conservées dans un seul manuscrit de la Bibliothèque Nationale de Paris, grec 450 (daté de 1364). Ce manuscrit donne la seconde apologie avant la première et offre un texte qui est loin d’être toujours sûr. Plusieurs fragments de ces deux écrits se trouvent également dans Eusèbe : Apol. I, 1 = Eus. IV, xii ; — I, xxvi, 3 = II, xiii, 3-4 ; — I, xxvi, 4 = III, xxvi, 3 ; — I, xxvi, 5-6, 8 = IV, xi, 9-10 ; — I, xxix, 4 = IV, viii, 3 ; — I, xxxi, 6 = IV, viii, 4 ; — I, lxviii, 3-10 = IV, viii, 7 ; ix, 1-3 ; — II, ii = IV, xvii, 2-13 ; — II, iii, 1-6 = IV, xvi, 3-6 ; — II, xii, 1-2 = IV, viii, 5. Le texte d’Eusèbe présente souvent des divergences, dont les principales sont indiquées en leur lieu, plus bas, au § 19.

Après le ive siècle, on ne connaît et on ne cite plus guère Justin que d’après des intermédiaires. C’est peut-être le cas de saint Jean de Damas, qui a composé sous le titre de Ἱερὰ παράλληλα un florilège moral de textes bibliques et patristiques. Cet ouvrage, rédigé dans le premier tiers du viiie siècle, paraît dépendre de recueils antérieurs. Il contient huit citations certaines des Apologies.

Outre les éditions générales de saint Justin, il existe trois éditions spéciales des deux Apologies : J. Braun et C. Gutberlet, 3e éd., Leipzig, 1883 ; J. Kaye, Londres, 1889 ; G. Krueger, Fribourg, 1891 (3e éd., Tubingue, 1904). Il y a une bonne traduction allemande des apologies avec des notes, par H. Veil, Strasbourg, 1894.

Sur le texte, voy. aussi Buecheler, Rheinisches Museum, XXXV (1890), 283-286 ; L. Paul, Jahrbücher für klass. Philologie, CXXI (1880), 316-320 ; CXLIII (1891), 455-464 ; B. Grundl, De interpolationibus ex S. Justini Apologia secunda expungendis, Augsbourg, 1891 (suppose de longues interpolations ; inadmissible) ; A. Eberhard, Athenagoras, nebst einem Exkurs über das Verhältniss der beiden Apologieen des hl. Justin zu einander, Augsbourg, 1895 ; E. Schwartz, Observationes profanae et sacrae, Rostock, 1888, pp. 10-16.

Les Sacra Parallela de Jean Damascène ont été publiés par Lequien, Paris, 1712 ; réimprimés d’après cette édition, dans Migne, Patr. gr., t. XCV, 1040 suiv., et XCVI. Mais une édition mieux établie a été donnée par Karl Holl, Fragmente vornicänischer Kirchenväter aus den Sacra Parallela, Leipzig, 1899, pp. 32 suiv.


6. Malgré la disposition du manuscrit, il est certain que la petite Apologie a été composée après la grande, à laquelle elle renvoie souvent. La première est adressée à Antonin le Pieux (138-161), à Marc-Aurèle, son fils, et à Lucius Verus, son fils adoptif. On ne peut la dater avec précision. Il est dit (ch. xlvi) que le Christ est né 150 ans auparavant. Or, si, comme il est probable, Justin suit la chronologie de saint Luc, il place cet événement 30 ans avant la 15e année de Tibère. Marc-Aurèle est déjà associé à l’Empire, ce qui eut lieu en 147 seulement ; il ne commença d’ailleurs pas beaucoup plus tôt à s’adonner à l’étude de la philosophie. Lucius Verus, né en 130, est qualifié, dans la dédicace, du titre de philosophe, ami de la vérité, ce qui suppose qu’il devait avoir au moins vingt ans ; mais le texte est incertain. En tout cas saint Justin ne pouvait guère dédier son ouvrage à un enfant. Marcion nous est présenté (chap. xxvi et lviii) comme hérétique et comme ayant déjà propagé partout son erreur ; nous savons par saint Épiphane (xlii, 1) qu’il ne se déclara comme tel qu’après la mort du pape saint Hygin survenue en 140. Eusèbe, dans sa Chronique, donne deux dates sur Justin : 140, Ἰουστῖνος φιλόσοφος προσηγορεύθη : ce doit être le début de son enseignement ; 152-153, les attaques de Crescens : c’est probablement la date des Apologies. Le préfet Félix, auquel un chrétien adressa une requête singulière (I, xxix, 2), est très vraisemblablement L. Munatius Félix, qui entra en charge en septembre 151 et fut probablement préfet jusqu’en 154. Toutes ces circonstances concordantes nous permettent de rapporter au milieu du iie siècle la date de composition de la première Apologie, plutôt un peu après 150 qu’un peu avant. La seconde est également dédiée à Antonin et à Verus, et probablement à Marc-Aurèle (voy. § 19, sur II, ii, 16). Le préfet Urbicus, dont il est question au début, exerça ses fonctions à Rome entre 144 et 160.

Eusèbe ne distingue pas entre les deux apologies de Justin. Il cite comme de la première des passages de la seconde (H. E., IV, viii, 5 ; xvii, 1 et 14). Cependant il mentionne une seconde apologie présentée à Marc-Aurèle (ib., IV, xviii, 2). Aucun autre écrivain ni Eusèbe lui-même dans sa Chronique ne mentionnent deux apologies de saint Justin. M. Harnack a conclu de ces faits : 1° que Justin n’a écrit qu’une apologie ; 2° que ce que nous appelons la seconde apologie est une addition ajoutée à l’œuvre principale et motivée par un fait particulier (le jugement d’Urbicus). Cette hypothèse, combattue par MM. Krüger et Cramer, a été acceptée et développée par MM. Boll, Zahn, Veil, Emmerich.

Harnack, Geschichte der altchristlichen Litteratur, II, Die Chronologie, I, 274 ; modifie son hypothèse proposée autrefois dans Die Ueberlieferung der Apologeten. — F. Chr. Boll, Zeitschr. für hist. Theol., XII (1842), 3-47. — G. Volkmar, Theol. Jahrb., XIV (1855), 227-282, 412-467. — H. Usener, Religionsgeschichtliche Untersuchungen, I (1899), pp. 101 et 106. — G. Krüger, Jahrbücher für protest. Theol., XVI (1890), 579-593 ; Theol. Litteraturzeitung, XVII, (1892), 297-300. — J. A. Cramer, Theol. Studiën, Utrecht, t. LXIV (1891), 317-357, 401-436. — Kenyon, dans The Academy, XLIX (1896), 98 ; Greek papyri in the British Museum, II (1898), 171. — Grenfell et Hunt, Oxyrhynchus papyri, part 2, Londres, 1899, p. 162 ; cf. Harnack, Theol. Literaturzeitung, t. XXII (1897), p. 77.


7. La première Apologie peut se diviser en trois parties. Tout d’abord (ch. i-xxii), saint Justin proteste contre l’illégalité et l’injustice des poursuites intentées contre les chrétiens. Les chrétiens ne sont ni athées, ni ennemis de l’État, ni criminels. Conformément à la doctrine de leur maître, ils mènent la vie la plus pure. Puis (ch. xxiii-lx) l’apologiste entreprend de démontrer la vérité de la religion chrétienne en s’appuyant sur les prophéties qui prédisent l’Incarnation, la vie et la passion de Jésus-Christ. Que valent, en face de la doctrine chrétienne, les fables du paganisme ? Ce ne sont que de pitoyables inventions des démons. Enfin (ch. lxi-lxvii), saint Justin décrit les cérémonies du Baptême et de la célébration de l’Eucharistie dans les assemblées des chrétiens.

À cette apologie, il ajoute (ch. lxviii) un rescrit d’Hadrien sur le traitement des chrétiens devant les tribunaux. Le manuscrit donne, après ce rescrit, deux autres pièces, qui sont apocryphes : un édit d’Antonin à la communauté d’Asie et une lettre de Marc-Aurèle sur le miracle de la Légion fulminante.

Sur le rescrit, voy. C. Callewaert, Le rescrit d’Hadrien à Minicius Fundanus, dans la Revue d’histoire et de littérature religieuses, VIII (1903), 152-189 ; et la bibliographie donnée dans cet article.


8. La seconde Apologie, beaucoup plus courte, ou, si l’on admet l’hypothèse de M. Harnack, le post-scriptum, dut son origine à un événement qui s’était passé à Rome quelques jours auparavant. Le préfet Urbicus avait condamné à mort trois chrétiens, sur la seule confession de leur foi. Justin lui-même s’attendait à périr bientôt de la même manière (i-iii). Il répond à cette occasion à deux objections ironiques des païens : Pourquoi ne vous tuez-vous pas vous-mêmes, pour aller plus tôt auprès de votre Dieu ? Pourquoi Dieu ne vous délivre-t-il pas de vos persécuteurs ? Nous ne devons pas nous donner la mort, riposte Justin. Quant aux persécutions, elles sont l’œuvre des démons, et la constance même des martyrs prouve qu’ils possèdent la vérité (iv-xiii). Il demande à la fin (xiv-xv) aux empereurs de sanctionner sa requête et d’ordonner de suivre envers les chrétiens une procédure régulière.


9. La composition, chez saint Justin, est très défectueuse. Le plan est lâche et manque de logique. La suite des idées « est troublée sans cesse par des redites et des digressions qui la font perdre de vue. D’un bout à l’autre, l’auteur poursuit, à côté de son dessin principal, un parallèle entre le paganisme et le christianisme, qui l’amène à parler longuement des dieux du polythéisme, du rôle des démons dans leur religion, des mœurs païennes, de la philosophie grecque. Tout cela forme un écheveau singulièrement embrouillé, dont il est à peu près impossible de démêler complètement tous les fils. » (A. et M. Croiset, Histoire de la littérature grecque, t. V, p. 735). La langue est souvent incorrecte, les phrases sont longues, péniblement construites, surchargées d’incidentes, de parenthèses, de renvois, d’un style généralement terne et monotone. Il est cependant possible que Justin ait voulu suivre dans son œuvre les prescriptions de la rhétorique enseignées dans les écoles.

Th. Wehofer, Die Apologie Justins in litterar-historischen Beziehung zum erstenmal untersucht, Rome, 1897. — G. Rauschen, Die formale Seite der Apologien Justins, dans la Theologische Quartalschrift, LXXXI (1899), 188-206. — Otto, De Iustiniana dictione, en tête de son édition, Corpus apolog., I, 1876, pp. lxiii-lxxvi.


10. Mais si la valeur littéraire des deux Apologies de saint Justin est nulle, leur importance dogmatique est en revanche considérable.

Au sommet de tout, saint Justin place le Dieu véritable, ὁ ὄντως, ὁ ἀληθινὸς θεός (I, xiii, 3 ; liii, 6). Il est inengendré (I, xiv, 1) ; éternel (I, xiii, 4) ; innommable (I, lxiii, 1). C’est lui qui a tout fait (I, xxvi, 5) ; il est le père et le maître de toutes choses (I, xii, 9).

Après Dieu le Père vient son Fils, le Verbe divin, existant avec lui avant les créatures, et engendré lorsque Dieu, au commencement, fit et ordonna toutes choses (II, vi, 3). Saint Justin affirme la génération temporelle du Verbe au moment de la création. La question de savoir s’il reconnaît son existence éternelle a donné lieu à des discussions. En tout cas, rien n’exclut dans les textes l’éternité du Verbe. Il est le premier-né de Dieu (I, xxi, 1) ; la semence de Dieu (I, xxxii, 8) ; l’esprit et la vertu de Dieu (I, xxxiii, 6) ; Dieu lui-même (lxiii, 15). C’est lui qui, répandu dans le monde, éclaira les philosophes de l’antiquité (voy. plus haut, § 4).

En troisième lieu, saint Justin adore l’Esprit prophétique (I, vi). Il l’appelle encore (I, xxxii, 2, 8 ; lxiv, 4) l’Esprit saint, l’Esprit divin, l’Esprit de Dieu, sans d’ailleurs s’expliquer davantage sur sa nature, ni sur ses relations avec le Verbe et le Père.

L. Paul, Ueber die Logoslehre bei Justinus Martyr, dans les Jahrbücher für protestantische Theologie, XII (1886), 661-690 ; XVI (1890), 550-578 ; XVII (1891), 124-148. — A. Aal, Der Logos, II, Leipzig, 1899, pp. 242 suiv. — J. A. Cramer, Was leert Justin aangaaende het persoonlik bestaan van den heiligen Geest, dans les Theolog. Studiën, 1893, 17 et 138.


11. Saint Justin déclare (I, x, 2 ; lix, 1) que Dieu tira le monde de la matière informe. Faut-il en conclure qu’il admet la préexistence éternelle de la matière et nie la création ex nihilo ? Ce serait excessif. Ici, comme partout, il veut faire ressortir l’analogie qui existe à ses yeux entre les doctrines philosophiques et la foi chrétienne. Dieu a façonné et ordonné la matière brute et informe ; voilà un point sur lequel s’accordent Moïse et Platon. Mais rien ne prouve que saint Justin entende pousser l’analogie jusqu’au bout et affirmer avec Platon l’éternité de la matière. C’est ainsi qu’il admet avec les stoïciens que le monde périra par le feu (I, xx, 4), mais non de la façon dont l’entendent les stoïciens (II, vii, 3).


12. Dieu a confié aux anges le soin de veiller sur les créatures visibles (II, v, 2). Les bons anges escortent le Verbe et lui sont semblables : ceux-là nous les honorons (I, vi, 2). Mais tous ne sont pas de bons anges. Il y en a qui recherchèrent le commerce des femmes et engendrèrent les démons (II, v, 3). Les démons, qui ont Satan pour chef (I, xxviii, 1), sont les ennemis du Christ. Connaissant les prophéties qui annonçaient son avènement, ils inventèrent les fables de la mythologie pour égarer les hommes (I, liv, 1, 2). Ils se firent adorer comme des dieux, et ce sont eux qui commirent tous les crimes qu’on impute aux fausses divinités (II, v, 4, 5). Aujourd’hui, ils poursuivent les chrétiens de leur haine (II, viii, 3). Ils inspirent les hérésies (I, lvi, 2), les persécutions (I, v). Certains hommes sont possédés par les démons, mais ils peuvent être délivrés par les exorcismes des chrétiens, (II, vi, 6). Enfin, au jour du jugement, les démons seront précipités au feu éternel (I, xxviii, 1).

J. Turmel, Histoire de l’angélologie des temps apostoliques à la fin du Ve siècle, dans la Revue d’histoire et de littérature religieuses, t. III (1898), pp. 289 suiv., surtout pp. 295, 385, 412, 544.


13. L’homme est libre et par conséquent responsable de ses actes (I, xliii). Son âme est immortelle (I, xliv, 9). Le corps est périssable et corruptible, mais il ressuscitera (I, xix) et le Christ jugera tous les hommes, pour rendre à chacun selon ses œuvres (I, liii, 2). Les justes règneront avec Dieu, immortels, impassibles et incorruptibles (I, x, 2). Les méchants seront punis par le feu éternel (I, xii, 2).

Atzberger, Geschichte der christlichen Eschatologie, Fribourg, 1896, pp. 116 suiv.


14. Pour prouver la vérité de la religion chrétienne, saint Justin cite longuement les prophéties relatives à Jésus-Christ, le Verbe incarné, λόγος σαρϰοποιηθείς (I, xxxii, 10). Il montre que toute la vie du Christ a été pour ainsi dire écrite d’avance dans l’Ancien Testament (I, xxxi, 7-8). Sa naissance, sa vie, ses miracles, sa mort, sa résurrection et son ascension, tout a été annoncé par les prophètes et réalisé effectivement. Les païens auraient tort d’ailleurs de rejeter ces mystères. Les fables mythologiques ne sont qu’une contrefaçon des vérités du christianisme (I, liv). Quelle inconséquence de rejeter, dans une autre religion, des mystères qu’ils admettent dans le polythéisme.

Sur la théologie de saint Justin en général : Schwane, Histoire des dogmes, trad. fr., Paris (1866), I, pp. 90, 269, 413, 647. — Harnack, Dogmengeschichte, 3e éd., Tubingue, I, pp. 464 suiv. et 482 suiv. — Fr. Loofs, Dogmengeschichte, 3e éd., Halle, 1893, pp. 75 suiv. — R. Seeberg, Lehrbuch der Dogmengeschichte, Erlangen, 1895, 69 suiv. — J. Sprinzl, Die Theologie des hl. Justinus, dans Theologisch-praktische Quartalschrift, Linz, XXXVII (1884), 16-21, 283-292, 533-540, 778-787 ; XXXVIII (1885), 17-25, 266-272. — J. Turmel, Histoire de la théologie positive, t. I, Paris, 1904, pp. 3, 6, 7, 19, 72, 109, 115, 123, 136, 182, 186.


15. Saint Justin termine sa première apologie par une exposition des rites du baptême et de l’Eucharistie. Le baptême est une régénération et une illumination par laquelle l’homme est consacré à Dieu. Celui qui veut être baptisé doit d’abord croire à la vérité de la doctrine chrétienne et promettre de vivre selon la loi du Christ. À cette condition, il est lavé dans l’eau, au nom de Dieu le Père, de Jésus-Christ et de l’Esprit prophétique (I, lxi). Le baptisé qui vit saintement reçoit l’Eucharistie, c’est-à-dire le pain et le vin consacrés qui sont devenus la chair et le sang de Jésus-Christ (I, lxvi).

F. Kattenbusch, Das apostoliche Symbol, II (1900), 279, 348, 508. — W. Bornemann, Das Taufsymbol Justins des Märtyrers, dans Zeitschr. für Kirchengeschichte, III (1878-1879), p. 1-27.


16. Au point de vue exégétique, les deux apologies de saint Justin sont de la plus haute importance. L’Ancien Testament est invoqué souvent comme la parole de Dieu, dont les prophètes étaient l’organe (I, xxxvi, 1). Les Évangiles sont également cités, comme source historique, sous le nom de Mémoires des Apôtres, ἀπομνημονεύματα τῶν ἀποστόλων (I, lxvi, 3 ; lxvii, 3) et l’auteur atteste qu’on les lit dans les assemblées au même titre que les livres des prophètes (I, lxvii, 3). Saint Justin cite expressément de nombreux passages des trois synoptiques. Nous trouvons chez lui également des allusions au quatrième évangile et à différentes épîtres de saint Paul. Cependant, on a contesté que Justin ait connu le quatrième évangile. Mais la question est moins de savoir s’il l’a lu que de décider s’il lui attribue une valeur égale aux autres évangiles. De plus, il paraît certain qu’il a puisé à des sources extra-canoniques ; que, par exemple, il a eu entre les mains l’Évangile de Pierre.

Semisch, Die Apostolischen Denkwürdigkeiten des Märtyrers Justinus, Hambourg et Gotha, 1848. — Hilgenfeld, Kritische Untersuchungen über die Evangelien Justins, der clementinischen Homilien und Marcions, Halle, 1850. — Overbeck, Ueber das Verhältniss Justins des Märtyrers zur Apostelgeschichte, dans la Zeitsch. für wissenschaftliche Theologie, XV (1872), p. 305-349. — A. Thoma, Justins literarischer Verhältniss zu Paulus und zu Johannes-Evangelium, ibid., XVIII (1875), p. 383-412, 490-565. — Grube, Darlegung der hermeneutischen Grundsätze Justins des Märtyrers, Mayence, 1880. — Le même, Die typologische Schriferklärung Justins des Märtyrers, dans Der Katholik, II (1880), p. 139-149. — Edw. Abbott, Justin and the fourth gospel, dans Modern Review, 1882, juillet et octobre, 559 et 716. — Paul, Die Abfassungszeit der synoptischen Evangelien, Ein Nachweis aus Justinus Martyr, Leipzig, 1887. — Zahn, Geschichte des neutestamentl. Kanons, t. I, ii, Erlangen, 1889. — A. Loisy, Hist. du canon du N. T., Paris, 1891, pp. 48-58. — Bousset, Die Evangeliencitate Justins des Märtyrers, Göttingen, 1891. — A. Baldus, Das Verhältniss Justins des Märtyrers zu unsern synoptischen Evangelien, Münster, 1895. — E. Preuschen, Antilegomena, Giessen, 1901, pp. 21-38, 119-123.


17. Nous trouvons chez saint Justin des renseignements historiques sur la primitive Église. Les plus intéressants sont d’ordre liturgique. Pour répondre aux accusations monstrueuses portées contre les chrétiens, il décrit tout au long leurs assemblées. Les fidèles se réunissent tous les dimanches. Le lecteur lit d’abord les Mémoires des Apôtres et les livres des prophètes, et celui qui préside fait suivre cette lecture d’une exhortation. Tous prient en commun et, quand les prières sont terminées, les fidèles se donnent le baiser de paix (I, lxv, 2). Puis a lieu l’oblation et la consécration du pain et du vin. Chacun en reçoit sa part, et les diacres en portent aux absents. À ces mêmes assemblées, ceux qui le peuvent donnent aux pauvres. C’est d’ailleurs un devoir pour tous les chrétiens de soulager tous ceux qui sont dans le besoin (I, lxvii).

Harnack, Brod und Wasser, die eucharistichen Elemente bei Justin (Texte und Untersuchungen, 2e série, VII, Heft 2), Leipzig, 1891, p. 115-144. — Th. Zahn, Brod und Wein im Abendmahl der alten Kirche, Erlangen, 1892. — Funk, Die Abendmahlselemente bei Justin, dans la Theol. Quartalschrift, LXX (1892), p. 643-659, et dans les Kirchengeschichtliche Abhandlungen, I (1897), 278-292. — A. Scheiwiler, Die Elemente der Eucharistie in den ersten Jahrhunderten, Mayence, 1903.


18. Saint Justin avait composé un ouvrage contre les hérésies que nous n’avons plus (voy. § 3). Mais dans la première apologie, nous trouvons quelques détails sur Simon, Ménandre et Marcion (I, xxvi, lvi ; lviii). L’auteur prétend (I, xxvi, 2) qu’une statue avait été élevée à Simon, dans l’île de Tibre, à Rome, avec cette inscription : Simoni Sancto Deo. C’est probablement une erreur. On a trouvé, au xvie siècle, dans l’île du Tibre, une base de statue, avec ces mots : Semoni Sanco Deo Fidio Sacrum. Deux inscriptions semblables ont été découvertes postérieurement, au Quirinal, où ce dieu avait un temple. La confusion entre Semoni et Simoni est très vraisemblable, d’autant plus que saint Justin n’est pas toujours un modèle d’exactitude historique. Ne fait-il pas d’Hérode un contemporain de Ptolémée Philadelphe, mort en 246 av. J.-C. (xxxi, 2-3) ? Il a laissé échapper d’autres menues erreurs : il cite, sous le nom de Sophonie, un texte de Zacharie (I, xxxv, 10) ; il fait de Jéthro, l’oncle, et non le beau-père de Moïse (I, lxii, 3).

Mais il commet des méprises bien plus graves en citant Hystaspe et la Sibylle, en acceptant l’idée que les philosophes grecs ont plagié les écrits bibliques. Justin n’est donc pas un esprit critique. Il ne s’élève pas au-dessus de son époque. Il est ce qu’on appelait alors un sophiste, c’est-à-dire un conférencier philosophe.


19. Le texte de la présente édition est celui de la troisième édition G. Krueger (1904), sauf sur quelques points. On les trouvera indiqués ci-dessous. Nous y ajoutons des observations sur des passages isolés. Bien que nous ayons multiplié dans le texte et la traduction les renvois à ce paragraphe de l’introduction, on fera bien de s’y reporter toujours en lisant ou en consultant les Apologies.

I, i. L’adresse présente de nombreuses difficultés. Les mss. d’Eusèbe, IV, xii, donnent Καίσαρι Σεϐαστῷ ϰαίΛουϰίῳ φιλοσόφου Καίσαρος, et le traducteur latin de l’Histoire ecclésiastique, Rufin, est d’accord avec eux. Les titres et noms officiels d’Antonin sont : T. Aelius Hadrianus Antoninus Aug(ustus) Pius, ou avec les titres au complet et la filiation : Imp(erator) Caes(ar), divi Hadriani f(ilius), divi Trajani nepos, divi Nervae pronepos, T. Aelius Hadrianus Antoninus Aug(ustus) Pius. On voit donc que le titre de César n’est pas à sa place. Il peut d’ailleurs manquer devant le nom d’Antonin. Le deuxième personnage mentionné est Marc-Aurèle, associé à l’Empire en qualité de César dès 138. Ce titre de César peut être encore omis, mais moins facilement qu’avec le nom d’Antonin, si l’apologie est postérieure à 138. Mais il est probable que le titre qui est hors place dans le nom d’Antonin provient du nom de Marc-Aurèle. Marc-Aurèle s’appelle M. Aelius Aurelius Verus Caes(ar) ou M. Aurelius Caes(ar), etc., mais toujours le titre de César vient en dernier lieu. Dès lors il faut supposer que, avant le temps d’Eusèbe, dans l’archétype de Justin le mot Καίσαρι avait été omis, puis rétabli à une fausse place. D’autre part, Marc-Aurèle est simplement appelé Verissimus, surnom donné par Hadrien, d’après le surnom familial, Verus (Capitolin, Anton., 4). Le mot υἱῷ, seul, ne signifie rien. Il faut rétablir < Σεϐαστοῦ > υἱῷ. Le mot Καίσαρι peut régulièrement venir ensuite. On aura donc : ϰαὶ Οὐηρισσίμῳ Σεϐάστου υἱῷ Καίσαρι φιλοσόφῳ, et Verissimo, Aug(usti) fil(io), Caes(ari), philosopho. Enfin Eusèbe paraît avoir conservé la véritable rédaction du dernier nom : ϰαὶ Λουϰίῳ, φιλοσόφου Καίσαρος φύσει υἰῷ : L. Verus, le fils de ce L. Aelius Verus qu’avait adopté Hadrien et fait César, adopté lui-même par Antonin (138) et, plus tard, créé César par Marc-Aurèle (161). On a proposé des rédactions un peu différentes : Εὐσεϐεῖ ϰαὶ Καίσαρι Ουηρισσίμῳ Σεϐαστοῦ υἱῷ (Hort, Journal of philology, 1856, 155) ; Σεϐαστῷ Εὐσεϐεῖ ϰαὶ Οὐηρισσίμῳ Καίσαρι Σεϐαστοῦ υἱῷ (Schwartz, éd. d’Eusèbe, loco). On a essayé d’éliminer une partie des épithètes de L. Verus, en suivant la version syriaque d’Eusèbe : ϰαὶ Λουϰίῳ, Καίσαρος υἱῷ ϰαὶ ἱερᾷ Συγϰλήτῳ ; mais voy. Harnack, Chronologie, I, 279-280. Il fait ressortir le parallélisme probablement visé par Justin :

a. Imperator Antoninus Augustus, Pius

b. Caesar Verus, Augusti fil., Philosophus.

c. Lucius Caesaris philosophi filius, Pii adoptivus filius.
Bien que le philosophe du troisième membre ne soit pas celui du second. En tout cas, il faut admettre dans cette dédicace une série de fautes amenées par des noms identiques.

ii, 1 fin : cf. Platon, Apol., 28 B.

ii, 4 : cf. ib., 30 CD.

iii, 1 : μᾶλλον δὲ ϰολάζειν ms. ; glose, suivant Krüger ; ἁλόντας ϰολάζειν Otto, d’après une conjecture de Bellios, cf. Athénagore, Leg., ii : ἢ ϰολάζεσθαι τοὺς ἁλισϰομένους πονηρούς.

iii, 2 : πρόϰλησιν ms., πρόσϰλησιν Otto.

iii, 3 : cf. Capitolin, Marcus, 27.

iii, 4 : αὐτῶν αὐτοῖς ms. ; αὐτοὶ ἑαυτοῖς Otto, Krüger ; αὐτῶν αὐτοί Paul.

iv : cf. Athénagore, ii. — Le jeu de mots sur χριστιανός et χρηστός (prononcé christos) se retrouve dans Théophile, Ad Autolycum, I, i.

iv, 9 : cf. Théophile, Ad Autol., III, viii et xxx.

v, 2 : cf. saint Paul, I Cor., x, 20-21.

v, 3 : sur la fortune de Socrate chez les auteurs chrétiens, voy. Ad. Harnack, Reden und Aufsätze (Giessen, 1904), t. I, 27 suiv. : Socrates und die alte Kirche.

αὐτὸν οἱ δαίμονες, Otto ; αὐτοὶ οἱ δ. ms., Krüger.

v, 4, βαρϐάροις : ce mot désigne tous les peuples qui sont en dehors de la civilisation hellénique ; voy. Clément d’Alexandrie, cité dans Eusèbe, Hist. eccl., IV, xxvi, 7 ; et pour l’usage dans la littérature profane, Plaute, Asin., prol., 11 : Maccius vortit barbare, et les notes des éditions. Ici, les Juifs ; mais, par extension, les chrétiens, par opposition aux « Hellènes ». Cf. la polémique antichrétienne de Porphyre et de Julien.

vi, 2 : τῶν ἄλλων ἀγγέλων : le Fils de Dieu est appelé ἄγγελος, Dial., xciii et cxxvii. Mais c’est ici plutôt l’emploi connu de οἱ ἄλλοι substantif : « l’armée des autres, lesquels sont anges ». Voy. Krueger, Griech. Spraehlehre, § 50, 4, 11.

vii, 2 : προλεχθέντας ms., Otto, Krüger ; προελεχθέντας Maran ; προσλεχθέντας Paul.

vii, 5 : cf. la fin du rescrit d’Hadrien, lxviii, 10.

x, 1 : οὐ ms., Krüger ; οὐδέ Otto. — Cf. Act., xvii, 25.

x, 2 : ἀγαθὸν ὄντα : cf. Platon, Timée, 29 E.

x, 6 : θεῖος ὤν ms., Otto, Krüger : θεῖος ἄν Veil. — ϰατηγορήματα : voy. plus loin xxvi, 7 ; xxvii, 5 ; IIe Apol., xii.

xii, 3 : Οὐ γάρ ms., Otto, Krüger ; οἱ γάρ Veil.

xii, 7 : μετὰ τὸν γεννήσαντα θεόν : langage teinté de subordinatianisme ; cf. xiii, 3 ; II, vi, 3 ; xiii, 4 ; Dial., lvi et c. Voy. Semisch, Justin der Märtyrer, t. II, p. 288.

xii, 9 : ἀπόστολος ὤν : cf. Hebr., iii, 1.

xii, 11 : μεταϐάλλειν ms., Krüger ; μεταϐαλεῖν Otto. — Cf. Irénée, Adv. Haer., III, ii, 3.

xiii, 12 : allusion aux réunions des chrétiens ; cf. lxv et lxvii.

xiii, 3 : αὐτόν Otto, Krüger ; αὐτόῦ ms.

xiii, 3 : ἐν δευτέρᾳ χώρᾳ : cf. xii, 7.

xiv, 2 : νῦν ἀγαθῷ Otto, Krüger ; νῦν om. ms.

xv, 8 : θέλει… τὴν ϰόλασιν αὐτοῦ : est-ce un des Logia du Christ ou une rédaction différente de : Ἔλεος θέλω ϰαὶ οὐ θυσίαν ? Cf. Tertullien, De pudicitia, xviii, 12 : Secundum illam clementiam Dei quae vult peccatoris paenitentiam quam mortem ; et d’abord Ézech., xxxiii, 11 : Nolo mortem impii, sed ut convertatur impius a via sua et vivat ; II Pierre iii, 9 ; I Tim., ii, 4. Voy. Resch, Agrapha (Leipzig, 1889), logion 51, p. 130 et 252.

xvi, 5 : sur le serment, voy. les indications d’ailleurs incomplètes de Bigelmair, Die Beteilung der Christen am öffentlichen Leben in vorconstantinischer Zeit (Munich, 1902), p. 100 ; Guignebert, Tertullien, ses sentiments à l’égard de l’Empire et de la société civile, p. 516-517.

xviii, 1 : cf. Platon, Phédon, 107 C.

xviii, 5 : παρ᾽ Ὁμήρῳ ; cf. le chant XI de l’Odyssée.

xix, 1 : ϰατανοοῦντι τί : τί om. ms.

xix, 4 : διαχυθέντα : διαλυθέντα ms.

xix, 6 : παρειλήφαμεν : προειλήφαμεν ms.

xxiii, 3 : διὰ τοὺς… δαίμονας διὰ τῶν ποιητῶν ms., Krüger ; λέγω δὲ τοὺς… δαίμονας etc., Maran ; διὰ τοὺς δαίμονας τὰ τῶν ποιητῶν Otto. La double construction de διά dans la même phrase, avec l’accusatif (« à cause de ») et avec le génitif (« par le moyen de ») n’est pas impossible à un écrivain comme Justin. Il faut supposer alors un essai d’explication évhémériste dont il n’y a pas trace ailleurs chez lui. Justin s’en tient à la conception plus simple et plus étroitement chrétienne déjà exposée par saint Paul (cf. v, 2) et qui s’adaptait aux théories des néo-platoniciens : les dieux des païens sont les démons qui se sont fait adorer. Mais l’évhémérisme, d’origine philosophique, a plu beaucoup à d’autres apologistes. Minucius Félix et Lactance réunissent les deux explications.

xxiv, 2 : ἐν ταφαῖς Otto ; ἐν γραφαῖς ms., Krüger.

xxiv, 3 : ὅτι γὰρ οὖν Otto ; ὅτι γὰρ οὐ ms., Krüger.

xxvi, 2 : Γιτθών Eusèbe, II, xiii, 3 ; Γιττῶν Otto, Krüger ; τρίτον ms.

xxvi, 3 : περινοστήσασαν ms., Otto, Krüger ; συμπερινοστήσασαν Eusèbe. — σταθεῖσαν : σταθεῖσαν ἐν Τύρῳ τῆς Φοινίϰης Eusèbe ; addition tirée d’Irénée, I, xxiii, 2 — τὴν ὑπ᾽ αὐτοῦ ἔννοιαν ms., Otto, Krüger : τὴν ἀπ᾽ αὐτοῦ ἔννοιαν Eusèbe ; mais il abrège à la fin de sa citation, et il omet πρώτην γενομένην.

xxvi, 4 : Καππαρεταίας ms., Otto, Krüger ; Καπαραταίας Eusèbe. — ἐνεργηθέντα ms., Otto, Krüger : οἰστρηθέντα Eusèbe. — ϰαί ms., Otto, Krüger : ϰαὶ αὐτὸν Eusèbe. — δαιμονίων ms., Otto, Krüger : δαιμόνων Eusèbe. — μηδέ ms., Otto, Krüger : μή Eusèbe.

xxvi, 5 : ὅς : ὃς ϰαί Eusèbe. — πεποίηϰε βλασφημίας : πέπειϰε βλάσφημα Eusèbe. — θεόν : πατέρα εἶναι τοῦ Χριστοῦ Eusèbe ; « les deux leçons sont des gloses », Schwartz. — τὰ μείζονα : om. Eusèbe ; pourrait être un doublon. — πεποιηϰέναι : ms. et Eusèbe grec, om. par les traductions syriaque et latine d’Eusèbe. Le texte primitif était peut-être : ἄλλον δέ τινα θεὸν ὡς ὅντα μείζονα παρὰ τοῦτον ὁμολογεῖν.

xxvi, 6 : ὃν τρόπον… ϰοινόν ἐστιν Eusèbe, Krüger (Schwartz croit aussi que c’est le texte de Justin) ; ὃν τρόπον ϰαὶ οἱ οὐ ϰοινωνοῦντες τῶν αὐτῶν δογμάτων (ἐν add. Otto) τοῖς φιλοσόφοις τὸ ἐπιϰατηγορούμενον (ἐπιϰαλούμενον Otto ; mais cf. vii, 3) ὄνομα τῆς φιλοσοφίας ϰοινὸν ἔχουσιν ms., Otto.

xxvi, 8 : συντεταγμένον : om. Eusèbe, mais se trouve dans la traduction de Rufin.

xxvii, 2 : λαμϐάνετε : cf. Suétone, Gaius, xl.

xxvii, 5 : φωτός : φωτὸς θείου, ms. Krüger ; θείου semble être une interpolation. Les païens n’accusaient pas les chrétiens de renverser (ἀνατετραμμένον) la lumière divine de la raison, ce qui n’aurait guère de sens, mais de renverser les lampes dans leurs assemblées, λυχνίας ἀνατροπή ; cf. xxvi, 7.

xxviii, 3 : voy. Turmel, Le dogme du péché originel, dans Rev. d’hist. et de littér. religieuses, V (1900), p. 509.

xxix, 4 : διὰ φόϐον Otto, Krüger ; διὰ φόϐου ms.

xxx : λέγουσι om. ms.

xxxi, 2 suiv. : voy. la lettre d’Aristéas récemment éditée par M. P. Wendland, dans la Bibliotheca teubneriana (Leipzig, 1900) et par M. H. B. Swete à la suite de son Introduction to the Old Testament in Greek (Cambridge, 1900), p. 499.

xxxii, 10 : μετὰ τὸν πατέρα : cf. xii, 7.

xxxiii, 5 : γεννησόμενον (passif) ms., Krüger ; γενησόμενον Otto.

xxxiii, 6 : ὡς Μωϋσῆς Otto ; Μωϋσῆς ms., Krüger.

xxxv, 6 : ὁ προφήτης : cf. Évangile de Pierre, 6-7.

xl, 4 : ὡς γίγας ms., Krüger ; ἰσχυρὸς ὡς γίγας Otto d’après liv, 9.

xlii, 1 : ἀντιλογίαν Sylburg ; ἀπολογίαν ms., Otto, Krüger.

xliv, 11 : τὰ παρ᾽ αὐτόν : τὰ παρ᾽ αὐτοῦ ms., Krüger.

xlv, 1 : ἐϰπύρωσιν : ἐπιϰύρωσιν ms., Krüger.

xlviii, 3 : ὅτι δέ Sylburg, Krüger ; ὅτι τε ms., Otto.

liv, 6 : οἶνον ms., Krüger ; ὄνον Otto, Harnack (Texte u. Untersuchungen, VII, ii, p. 128), Jülicher (Theolog. Abhandlungen Weizsäcker gewidmet, Fribourg, 1902 ; p. 220).

lv : Sur le symbolisme de la croix, voy. aussi Min. Felix, Oct., xxix ; Tert., Apol., xvi ; Ad nat., I, xii ; Adu. Marc., III, xviii ; et dans Ihm, Damasi epigrammata (Leipzig, 1895), le premier morceau pseudo-damasien, vers 4.

lviii, 1 : τὸν πάντων ms., Krüger ; τῶν πάντων Otto.

lviii, 1 : ἐπαίρεσθαι ms., Krüger, ἀπαίρεσθαι Otto.

lxi : voy. Turmel, Le dogme du péché originel, dans Rev. d’hist. et de litt. relig., V (1900), p. 508 et n.

lxii, 2 : τοὺς ἐπιϐαίνοντας τοῖς ἱεροῖς ϰαὶ αὐτοῖς θρησϰεύοντας : ἐπιϐαίνοντας τοῖς ἱεροῖς ϰαὶ τοῖς αὐτοῖς τοὺς θρησϰεύοντας ms., Krüger. Dans le texte du ms., τοῖς αὐτοῖς ne peut pas avoir de sens. De plus, l’article manque devant ἐπιϐαίνοντας, ou bien il est de trop devant θρησϰεύοντας. Cf. plus haut, lxii, 1 : τοὺς εἰς τὰ ἱερὰ αὐτῶν ἐπιϐαίνοντας ϰαὶ προσιέναι αὐτοῖς μέλλοντας.

lxviii, 2 : cf. Platon, Criton, p. 43 D : Εἰ ταύτῃ τοῖς θεοῖς φίλον, ταύτῃ ἔστω.

Deuxième apologie : L’adresse au sénat paraît avoir été déduite du texte et ne peut être de Justin.

II, i, 1 : ὑπὲρ ὑμῶν : ms., Krüger ; ὑπὲρ ἠμῶν Otto ; cf. I, iii, 1 ; Tertullien, Ad Scapulam, i : Hunc libellum non nobis timentes misimus, sed vobis et omnibus inimicis nostris.

ii : Sur cette histoire, voy. Paul Allard, Histoire des persécutions pendant les deux premiers siècles (Paris, 1885), p. 318 suiv.

ii, 9 : Οὔρϐιϰος : par erreur, Eusèbe donne à ce cognomen la forme Οὐρϐίϰιος.

ii, 13 : διδασϰάλιον ms. ; διδασϰαλεῖον Eusèbe.

ii, 16 : εὐσεϐεῖ αὐτοϰράτορι οὐδὲ φιλοσόφου Καίσαρος παιδί ms. ; εὐσεϐεῖ… φιλοσόφῳ etc., Krüger, d’après Eusèbe, IV, xvii, 12 ; εὐσεϐεῖ… φιλοσόφῳ < Καίσαρι οὐδὲ φιλοσόφου > Καίσαρος παιδί Valois, éditeur d’Eusèbe ; cf. la discussion de I, i. Si on s’en tient au texte du ms., Antonin et L. Verus sont seuls nommés, et Marc-Aurèle est passé sous silence. Si on adopte la leçon d’Eusèbe, il en est de même, puisque Marc-Aurèle, fils d’Annius Verus, n’était pas le fils d’un César, sans compter que le nom de philosophe donné à L. Verus est assez étonnant. La conjecture de Valois lève toutes les difficultés. Elle a été adoptée par MM. Harnack, Die Chronologie, I, p. 276, n. 2, et Schwartz, dans son édition d’Eusèbe (mais pour le texte de Justin, non pour celui d’Eusèbe, qui lisait déjà un ms. fautif).

iii : chapitre placé après le ch. viii dans le ms., transposé par les éditeurs à cause de la suite des idées et d’Eusèbe, IV, xvii, 13 : Τούτοις (l’histoire de la chrétienne qu’il vient de citer) ὁ Ἰουστῖνος εἰϰότως ϰαὶ ἀϰολούθως ἃς προεμνημονεύσαμεν (IV, xvi, 3 suiv.) αὐτοῦ φωνὰς ἐπάγει λέγων· Κἀγὼ οὖν προσδοϰῶ, etc. Mais les paroles d’Eusèbe ne prouvent pas expressément que ce chapitre suivait le précédent sans intervalle. Et d’autre part, Justin ne manque pas d’exemples où il reprend à deux endroits différents la même idée ou des idées analogues. On peut donc garder des doutes sur la légitimité de la transposition.

iii, 1 : ὲμπαγῆναι ms., edd. ; ἐντιναγῆναι Eusèbe. — φιλοϕόφου : ἀφιλοσόφου Eusèbe.

iii, 2 : περὶ ἡμῶν ἅ : περὶ ὧν Eusèbe.

iv, 2 : προέφημεν est considéré par Krüger comme une glose. Il nous semble au contraire qu’il faut conserver ce mot qui renvoie à ce qui a été dit, I, x, 1.

ix, 2 : τὰ αὐτὰ αὐτῷ ms. Otto ; τὰ αὐτὰ αὐτοῖς Sylburg, Krüger. — οὐ συντιθέμενοι ἄδιϰοι : συντιθέμενοι οὐϰ ἄδιϰοι, ms., Krüger.

xii, 2 : ἀνθρωπείων Krüger d’après Eusèbe ; cf. I, xxvi, 7 ; ἀνθρωπίνων ms., Otto. — τῶν αὐτοῦ ἀγαθῶν στερηθῇ : τῶν ἑαυτοῦ στερηθείη ἐπιθυμιῶν Eusèbe.

xv, 1 : phrase interpolée et qui n’a aucun sens à cette place[1].

  1. La plupart des notes de ce paragraphe et quelques indications du reste de l’introduction nous ont été fournies par M. Paul Lejay.