« L’Encyclopédie/1re édition/DANSEUR, DANSEUSE » : différence entre les versions

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DANSEUR, DANSEUSE, subst. nom générique qu’on donne à tous ceux qui dansent, & plus particulierement à ceux qui font profession de la danse.

La danse de l’opera de Paris est actuellement composée de huit danseurs & de six danseuses qui dansent des entrées seuls, & qu’on appelle premiers danseurs. Les corps d’entrée sont composés de douze danseurs & de quatorze danseuses, qu’on nomme figurans ; & la danse entiere, de quarante sujets. Voyez Figurant.

Dans les lettres patentes d’établissement de l’opera, le privilege de non-dérogeance n’est exprimé que pour les chanteurs & chanteuses seulement. Voyez Chanteur, Danse, Opera. (B)

Danseur, s. mas. (Maitre de danse.) celui qui danse ou qui montre à danser, en qualité de maître de la communauté de cet art.

Les statuts de cette communauté sont de l’année 1658, donnés, approuvés, confirmés par lettres patentes de Louis XIV. enregistrées au châtelet le 13 Janvier 1659, & au parlement le 12 Août suivant. Il est bien fait mention dans le vû des lettres, de plusieurs autres statuts & ordonnances donnés de tems immémorial par les rois de France ; mais comme on n’en rapporte aucune date, on ne peut rien dire de plus ancien sur son établissement dans la capitale & dans les autres villes du royaume.

Le chef qui est à la tête de la communauté, & qui la gouverne avec les maîtres de la confrairie, a le titre & la qualité de roi de tous les violons, maitres à danser & joüeurs d’instrumens, tant hauts que bas, du royaume.

Ce roi de la danse n’entre point dans cette charge par élection, mais par des lettres de provision du Roi, comme étant un des officiers de sa maison.

A l’égard des maîtres de la confrairie, ils sont élus tous les ans à la pluralité des voix, & tiennent lieu dans ce corps, pour leur autorité & fonctions, de ce que sont les jurés dans les autres communautés.

Il y a deux registres où les brevets d’apprentissage & les lettres de maîtrise doivent être enregistrés ; celui du roi des violons, & celui des maîtres de la confrairie.

Les apprentis sont obligés pour quatre ans : on peut néanmoins leur faire grace d’une année. Les aspirans doivent montrer leur expérience devant le roi des violons, qui peut y appeller vingt-quatre maîtres à son choix ; mais seulement dix pour les fils & les maris des filles de maîtres. C’est aussi de ce roi que les uns & les autres prennent leurs lettres.

Les violons de la chambre du Roi sont reçûs sur leurs brevets de retenue ; ils payent néanmoins les droits.

Nul, s’il n’est maître, ne peut tenir salle ou école, soit pour la danse, soit pour les instrumens, ni donner sérénades, ni donner concerts d’instrumens aux noces, aux assemblées publiques ; mais il est défendu aux mêmes maîtres de joüer dans les cabarets & les lieux infames, sous les peines & amendes portées par les sentences du châtelet du 2 Mars 1644, & arrêt du parlement du 11 Juillet 1648.

Enfin il est permis au roi des violons de nommer des lieutenans dans chaque ville du royaume, pour faire observer ces statuts, recevoir & agréer les maîtres, donner toutes lettres de provisions sur la présentation dudit roi ; auxquels lieutenans il appartient la moitié des droits dûs au roi pour les réceptions d’apprentis & de maîtres. Réglement des maîtres à danser, & diction. du Comm.

Danseur de corde, s. m. (Art.) celui qui avec un contre-poids ou sans contre-poids dans ses mains, marche, danse, voltige sur une corde de différente grosseur, qui quelquefois est attachée à deux poteaux opposés, d’autres fois est tendue en l’air, lâche ou bien bandée.

Les Littérateurs qui recherchent curieusement l’origine des choses, prétendent que l’art de danser sur la corde a été inventé peu de tems après les jeux corniques, où les Grecs dansoient sur des outres de cuir, & qui furent institués en l’honneur de Bacchus vers l’an 1345 avant J. C. Quoi qu’il en soit de cette opinion, il est toûjours vrai qu’on ne peut douter de l’antiquité de l’exercice de la danse sur la corde, dont les Grecs firent un art très-périlleux, & qu’ils porterent au plus haut point de variété & de rafinement : de-là les noms de Neurobates, Oribates, Schœnobates, Acrobates, qu’avoient chez eux les danseurs de corde, suivant la diverse maniere dont ils exécutoient leur art.

Mercurial nous a donné dans sa gymnastique cinq figures de danseurs de corde, gravées d’après des pierres antiques. Les Romains nommoient leurs danseurs de corde funambuli, & Térence en fait mention dans le prologue de son Hecyre ; mais pour abréger, je renvoye sur ce sujet le lecteur à la dissertation d’un savant d’Allemagne, de M. Grodeek. Elle est imprimée à Dantzlck (Gedani) en 1702, in-8°. Je me contenterai d’ajoûter que les Cyzicéniens firent frapper en l’honneur de l’empereur Caracalla une médaille insérée & expliquée par M. Spon dans ses recherches d’antiquités ; & cette seule médaille prouve assez que les danseurs de corde faisoient dans ce tems-là un des principaux amusemens des grands & du peuple.

Bien des gens ont de la peine à comprendre quel plaisir peut donner un spectacle qui agite l’ame, qui l’importune avec inquiétude, qui l’effraye, & qui n’offre que des craintes & des allarmes ; cependant il est certain, comme le dit M. l’abbé du Bos, que plus les tours qu’un voltigeur téméraire fait sur la corde sont périlleux, plus le commun des spectateurs s’y rend attentif. Quand ce sauteur, ce voltigeur fait un saut entre deux épées prêtes à le percer si dans la chaleur du mouvement son corps s’écartoit d’un point de la ligne qu’il doit décrire, il devient un objet digne de toute notre curiosité. Qu’on mette deux bâtons à la place des épées, que le voltigeur fasse tendre sa corde à deux piés de hauteur sur une prairie, il fera vainement les mêmes sauts & les mêmes tours, on ne dédaignera plus le regarder, l’attention du spectateur cesse avec le danger.

D’où peut donc venir ce plaisir extrème qui accompagne seulement le danger où se trouvent nos semblables ? Est-ce une suite de notre inhumanité ? Je ne le pense pas, quoique l’inhumanité n’ait malheureusement que des branches trop étendues : mais je crois avec l’auteur des réflexions sur la Poésie & sur la Peinture, que le plaisir dont il s’agit ici est l’effet de l’attrait de l’émotion qui nous fait courir par instinct après les objets capables d’exciter nos passions, quoique ces objets fassent sur nous des impressions fâcheuses. Cette émotion qui s’excite machinalement quand nous voyons nos pareils dans le péril, est une passion dont les mouvemens remuent l’ame, la tiennent occupée, & cette passion a des charmes malgré les idées tristes & importunes qui l’environnent. Voilà la véritable explication de ce phénomene, & pour le dire en passant, de beaucoup d’autres qui ne semblent point y avoir de rapport ; comme par exemple de l’attrait des jeux de hasard, qui n’est un attrait que parce que ces sortes de jeux tiennent l’ame dans une émotion continuelle sans contention d’esprit ; en un mot, voilà pourquoi la plûpart des hommes sont assujettis aux goûts & aux inclinations qui sont pour eux des occasions fréquentes d’être occupés par des sensations vives & satisfaisantes. Vous trouverez ce sujet admirablement éclairci dans l’ouvrage que j’ai cité, & ce n’est pas ici le lieu d’en dire davantage. Voyez Compassion. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.