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conseil fédéral, une partie des membres du congrès s’abstint de se rendre à la salle des séances ; son abstention rendait impossible la réunion du quorum exigé par le règlement ; l’élection n’eut pas lieu, et le congrès lut ajourné sine die.

Que le président eût prévu, désiré et amené cette solution, nul n’en douta, et, moins qu’aucun, ceux des membres du congrès qui lui étaient hostiles et ceux qui, candidats à la présidence, espéraient le remplacer. Ce qui confirma leurs assertions, c’est que toutes les mesures militaires étaient prises, les bataillons fidèles concentrés à Caracas, et qu’une adresse rédigée par Casanas, l’ami du président et son représentant dans le congrès, dénonçait à l’opinion publique l’attitude révolutionnaire et antipatriotique de l’opposition qui en appelait d’abord à la cour suprême, interprète autorisée de la constitution, et menaçait, en cas de résistance, d’en appeler aux armes.

Ainsi que l’on devait s’y attendre, la cour suprême déclara que le maintien de Palacio au pouvoir était illégal, contraire à la loi fondamentale du pays, et qu’il constituait un acte d’usurpation et de dictature ; qu’en l’état actuel des choses et en l’absence d’un président régulièrement élu, Palacio était tenu de se démettre de ses fonctions en faveur de Villegas, le premier vice-président, lequel devait, sans retard, convoquer à nouveau le congrès et le mettre en demeure de procéder à la nomination du conseil fédéral. Cette décision, qui mettait Palacio hors la loi, qui déliait les troupes de leur serment d’obéissance et autorisait l’appel aux armes, exaspéra le président à tel point que, résolu à briser toutes les résistances, il ordonna l’arrestation immédiate des membres de la cour suprême et leur emprisonnement. Le sort en était jeté ; c’était la guerre civile : la force seule pouvait trancher le différend.

Ce qui frappe, au début de cette crise, c’est l’analogie qu’elle offre avec celle du Chili. Palacio, à Caracas, non plus que Balmaceda à Santiago, ne semble avoir conscience des devoirs que lui imposent ses hautes fonctions. Pour l’un, comme pour l’autre, les traditionnels erremens excusent et justifient le mépris des lois que ceux-là seuls sont tenus de respecter qui se sentent impuissans à se mettre au-dessus d’elles ; c’est ensuite l’inaptitude de la race espagnole à comprendre et à pratiquer des constitutions calquées sur celle des États-Unis, imprégnées du génie de la race anglo-saxonne. Ces constitutions font ici l’effet d’un vêtement d’emprunt s’ajustant mal au corps qu’il recouvre, déchiré en maints endroits, reprisé par des mains inhabiles. Entre les deux races, entre leurs traditions et leurs conceptions, la différence est trop grande pour que les conditions de la vie politique soient les mêmes. Dans