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sourdes contre cet officier, me font présumer que loin d’employer l’autorité vraiment colossale qui lui est confiée pour le rétablissement de l’ordre et le maintien des lois de la République, elle n’est entre ses mains qu’un instrument de vengeance, de dilapidation et de persécution. Comment, d’ailleurs, un tel chef ne serait-il pas à craindre, ayant le commandement de 4 à 5000 hommes prêts à exécuter les ordres, de quelque nature qu’ils puissent être, que pourra leur donner ce chef ?

La légion du Sud est composée de 4 bataillons, chacun de 12 à 1500 hommes, et chacun de ces bataillons est commandé par un chef de bataillon qui, dans la même proportion d’une autorité également funeste, en ce que chacun d’eux commande un arrondissement ou cantonnement, ce qui lui donne le droit d’inspecteur particulier des ateliers, et que par ce moyen il augmente encore la masse d’autorité dont il est déjà revêtu.

Ce que je dis de l’infanterie est absolument applicable à la cavalerie dont le nombre se monte à 1200. Augustin Rigaud, frère du général, commande cette troupe, comme chef de brigade de cavalerie, et exerce, tant à raison de cet emploi qu’à celui de commandant d’arrondissement, une autorité et une influence sans borne. Tout est à craindre d’hommes aussi puissans et aussi jaloux d’une autorité que, par un laps de temps et des circonstances malheureuses, ils ont su affermir sur leur tête. Vous savez comme moi que quand des hommes ont bu à la coupe du pouvoir, il est bien difficile de la leur arracher des mains, surtout lorsque l’ambition et des vues d’intérêt, jointes à l’immoralité, font la base du caractère de ces mêmes hommes ; et je ne crois pas me tromper, si j’envisage Lefranc et Augustin Rigaud comme capables d’entreprendre les desseins les plus coupables et les plus violens pour conserver une autorité qu’ils ont usurpée.

Jugez, mon cher général, d’après le tableau que je viens de vous faire de ces deux chefs de brigade, quelles doivent être l’influence et l’autorité du général Rigaud. Ni avant ni depuis la révolution, aucun militaire n’a joui d’une autorité aussi vaste et aussi étendue que celle de cet officier général. Il est tout, il peut tout, et je le crois capable de tout [1] pour conserver une autorité devant laquelle tout bon républicain craint devoir expirer la liberté publique et l’autorité nationale.

  1. Ceci rappelle le mot de Sieyès, prononcé avec une plus haute intelligence de la situation : « Messieurs, nous nous sommes donné un maître qui sait tout, qui veut tout, et qui peut tout. »