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AURORE

que leur innocence les empêche de distinguer entre la mesure et l’exagération, d’être, en temps voulus, sur leurs gardes vis-à-vis d’eux-mêmes. C’est ainsi que les jeunes femmes innocentes, c’est-à-dire ignorantes, s’habituent aux jouissances fréquentes des aphrodisies, et, plus tard, ces jouissances leur manquent beaucoup, quand leurs maris tombent malades ou vieillissent avant l’âge ; c’est justement parce que, candides et confiantes, elles s’imaginent que les rapports fréquents sont la règle et un droit, qu’elles sont amenées à un besoin qui les expose plus tard aux tentations les plus violentes et à pis que cela. Mais, pour se placer à un point de vue plus général et plus élevé : celui qui aime un homme ou une chose, sans les connaître, devient la proie de quelque chose qu’il n’aimerait pas s’il pouvait le voir. Partout où l’expérience, les précautions et les démarches prudentes sont nécessaires, l’innocent pâtit le plus cruellement, car il faut qu’il boive aveuglément la lie et le poison le plus secret d’une chose. Que l’on considère les procédés de tous les princes, des églises, des sectes, des partis, des corporations : n’emploie-t-on pas toujours l’innocent comme amorce désignée, dans les cas les plus difficiles et les plus décriés ? — comme Ulysse se servit de cet innocent Néoptolémos pour dérober son arc et ses flèches au vieil ermite malade de Lemnos. — Le christianisme, avec son mépris du monde, a fait de l’ignorance une vertu chrétienne, peut-être parce que le résultat le plus fréquent de cette innocence se trouve être, comme je l’ai indiqué, la faute, le sentiment de la faute, le désespoir,