« Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, III.djvu/396 » : différence entre les versions

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femmes, je resterais pour vous aider à jouer cette partie : elle est difficile, vous pouvez la perdre, vous avez affaire à deux femmes extraordinaires, et vous êtes déjà trop amoureux de l’une pour vous servir de l’autre. Béatrix doit avoir de l’obstination dans le caractère et Camille a de la grandeur. Peut-être, comme une chose frêle et délicate, serez-vous brisé entre ces deux écueils, entraîné par les torrents de la passion. Prenez garde.
femmes, je resterais pour vous aider à jouer cette partie : elle est difficile, vous pouvez la perdre, vous avez affaire à deux femmes extraordinaires, et vous êtes déjà trop amoureux de l’une pour vous servir de l’autre. Béatrix doit avoir de l’obstination dans le caractère, et Camille a de la grandeur. Peut-être, comme une chose frêle et délicate, serez-vous brisé entre ces deux écueils, entraîné par les torrents de la passion. Prenez garde.


La stupéfaction de Calyste en entendant ces paroles permit à Claude Vignon de les dire et de quitter le jeune Breton, qui demeura comme un voyageur à qui, dans les Alpes, un guide a démontré la profondeur d’un abîme en y jetant une pierre. Apprendre de la bouche même de Claude que lui, Calyste, était aimé de Camille au moment où il se sentait amoureux de Béatrix pour toute sa vie ! il y avait dans cette situation un poids trop fort pour une jeune âme si naïve. Pressé par un regret immense qui l’accablait dans le passé, tué dans le présent par la difficulté de sa position entre Béatrix qu’il aimait, entre Camille qu’il n’aimait plus et par laquelle Claude le disait aimé, le pauvre enfant se désespérait, il demeurait indécis, perdu dans ses pensées. Il cherchait inutilement les raisons qu’avait eues Félicité de rejeter son amour et de courir à Paris y chercher Claude Vignon. Par moments la voix de Béatrix arrivait pure et fraîche à ses oreilles et lui causait ces émotions violentes qu’il avait évitées en quittant le petit salon. À plusieurs reprises il ne s’était plus senti maître de réprimer une féroce envie de la saisir et de l’emporter. Qu’allait-il devenir ? Reviendrait-il aux Touches ? En se sachant aimé de Camille, comment pourrait-il y adorer Béatrix ? Il ne trouvait aucune solution à ces difficultés. Insensiblement le silence régna dans la maison. Il entendit sans y faire attention le bruit de plusieurs portes qui se fermaient. Puis tout à coup il compta les douze coups de minuit à la pendule de la chambre voisine, où la voix de Camille et celle de Claude le réveillèrent de l’engourdissante contemplation de son avenir et où brillait une lumière au milieu des ténèbres. Avant qu’il se montrât, il put écouter de terribles paroles prononcées par Vignon.
La stupéfaction de Calyste en entendant ces paroles permit à Claude Vignon de les dire et de quitter le jeune Breton, qui demeura comme un voyageur à qui, dans les Alpes, un guide a démontré la profondeur d’un abîme en y jetant une pierre. Apprendre de la bouche même de Claude que lui, Calyste, était aimé de Camille au moment où il se sentait amoureux de Béatrix pour toute sa vie ! il y avait dans cette situation un poids trop fort pour une jeune âme si naïve. Pressé par un regret immense qui l’accablait dans le passé, tué dans le présent par la difficulté de sa position entre Béatrix qu’il aimait, entre Camille qu’il n’aimait plus et par laquelle Claude le disait aimé, le pauvre enfant se désespérait, il demeurait indécis, perdu dans ses pensées. Il cherchait inutilement les raisons qu’avait eues Félicité de rejeter son amour et de courir à Paris y chercher Claude Vignon. Par moments la voix de Béatrix arrivait pure et fraîche à ses oreilles et lui causait ces émotions violentes qu’il avait évitées en quittant le petit salon. À plusieurs reprises il ne s’était plus senti maître de réprimer une féroce envie de la saisir et de l’emporter. Qu’allait-il devenir ? Reviendrait-il aux Touches ? En se sachant aimé de Camille, comment pourrait-il y adorer Béatrix ? Il ne trouvait aucune solution à ces difficultés. Insensiblement le silence régna dans la maison. Il entendit sans y faire attention le bruit de plusieurs portes qui se fermaient. Puis tout à coup il compta les douze coups de minuit à la pendule de la chambre voisine, où la voix de Camille et celle de Claude le réveillèrent de l’engourdissante contemplation de son avenir et où brillait une lumière au milieu des ténèbres. Avant qu’il se montrât, il put écouter de terribles paroles prononcées par Vignon.


— Vous êtes arrivée à Paris éperdument amoureuse de Calyste, disait-il à Félicité ; mais vous étiez épouvantée des suites d’une semblable passion à votre âge : elle vous menait dans un abîme, dans un enfer, au suicide peut-être ! L’amour ne subsiste qu’en se croyant éternel, et vous aperceviez à quelques pas dans votre vie une séparation
— Vous êtes arrivée à Paris éperdument amoureuse de Calyste, disait-il à Félicité ; mais vous étiez épouvantée des suites d’une semblable passion à votre âge : elle vous menait dans un abîme, dans un enfer, au suicide peut-être ! L’amour ne subsiste qu’en se croyant éternel, et vous aperceviez à quelques pas dans votre vie une {{tiret|sé|paration}}

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femmes, je resterais pour vous aider à jouer cette partie : elle est difficile, vous pouvez la perdre, vous avez affaire à deux femmes extraordinaires, et vous êtes déjà trop amoureux de l’une pour vous servir de l’autre. Béatrix doit avoir de l’obstination dans le caractère, et Camille a de la grandeur. Peut-être, comme une chose frêle et délicate, serez-vous brisé entre ces deux écueils, entraîné par les torrents de la passion. Prenez garde.

La stupéfaction de Calyste en entendant ces paroles permit à Claude Vignon de les dire et de quitter le jeune Breton, qui demeura comme un voyageur à qui, dans les Alpes, un guide a démontré la profondeur d’un abîme en y jetant une pierre. Apprendre de la bouche même de Claude que lui, Calyste, était aimé de Camille au moment où il se sentait amoureux de Béatrix pour toute sa vie ! il y avait dans cette situation un poids trop fort pour une jeune âme si naïve. Pressé par un regret immense qui l’accablait dans le passé, tué dans le présent par la difficulté de sa position entre Béatrix qu’il aimait, entre Camille qu’il n’aimait plus et par laquelle Claude le disait aimé, le pauvre enfant se désespérait, il demeurait indécis, perdu dans ses pensées. Il cherchait inutilement les raisons qu’avait eues Félicité de rejeter son amour et de courir à Paris y chercher Claude Vignon. Par moments la voix de Béatrix arrivait pure et fraîche à ses oreilles et lui causait ces émotions violentes qu’il avait évitées en quittant le petit salon. À plusieurs reprises il ne s’était plus senti maître de réprimer une féroce envie de la saisir et de l’emporter. Qu’allait-il devenir ? Reviendrait-il aux Touches ? En se sachant aimé de Camille, comment pourrait-il y adorer Béatrix ? Il ne trouvait aucune solution à ces difficultés. Insensiblement le silence régna dans la maison. Il entendit sans y faire attention le bruit de plusieurs portes qui se fermaient. Puis tout à coup il compta les douze coups de minuit à la pendule de la chambre voisine, où la voix de Camille et celle de Claude le réveillèrent de l’engourdissante contemplation de son avenir et où brillait une lumière au milieu des ténèbres. Avant qu’il se montrât, il put écouter de terribles paroles prononcées par Vignon.

— Vous êtes arrivée à Paris éperdument amoureuse de Calyste, disait-il à Félicité ; mais vous étiez épouvantée des suites d’une semblable passion à votre âge : elle vous menait dans un abîme, dans un enfer, au suicide peut-être ! L’amour ne subsiste qu’en se croyant éternel, et vous aperceviez à quelques pas dans votre vie une sé-