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maladie et tout prêt, comme il l’a dit, à chercher dans le travail un auxiliaire de la santé, n’a pas laissé échapper l’occasion d’exposer la politique qu’il suit ou qu’il veut suivre dans les affaires intérieures comme dans les affaires extérieures de l’Angleterre ; il a parlé en toute liberté, sans trop déguiser même ses perplexités et ses mécomptes. Le représentant de la France, bien que « le plus nouveau venu parmi les ambassadeurs, » s’est trouvé chargé de répondre pour le corps diplomatique au toast du lord-maire, et à l’hospitalité anglaise il a répondu par un discours simple et correct. M. Challemel-Lacour disait l’autre jour à Guildhali qu’aujourd’hui comme dans tous les temps chaque pays a ses questions particulières, ses problèmes intérieurs, mais qu’il y a « pour tous les peuples civilisés une tâche commune, celle qui intéresse la paix, l’Europe, la sécurité générale. » L’objet le plus immédiat, le plus pressant de cette « tâche commune à tous les peuples civilisés, » à tous les gouvernemens, c’est toujours à l’heure qu’il est cette question orientale dont le baron Haymerlé s’est occupé plusieurs fois, tout récemment encore devant les délégations autrichiennes, et dont M. Gladstone, lui aussi, a parlé au banquet de la Cité en homme revenu de quelques illusions, déjà à demi sceptique.
maladie et tout prêt, comme il l’a dit, à chercher dans le travail un auxiliaire de la santé, n’a pas laissé échapper l’occasion d’exposer la politique qu’il suit ou qu’il veut suivre dans les affaires intérieures comme dans les affaires extérieures de l’Angleterre ; il a parlé en toute liberté, sans trop déguiser même ses perplexités et ses mécomptes. Le représentant de la France, bien que « le plus nouveau venu parmi les ambassadeurs, » s’est trouvé chargé de répondre pour le corps diplomatique au toast du lord-maire, et à l’hospitalité anglaise il a répondu par un discours simple et correct. M. Challemel-Lacour disait l’autre jour à Guildhall qu’aujourd’hui comme dans tous les temps chaque pays a ses questions particulières, ses problèmes intérieurs, mais qu’il y a « pour tous les peuples civilisés une tâche commune, celle qui intéresse la paix, l’Europe, la sécurité générale. » L’objet le plus immédiat, le plus pressant de cette « tâche commune à tous les peuples civilisés, » à tous les gouvernemens, c’est toujours à l’heure qu’il est cette question orientale dont le baron Haymerlé s’est occupé plusieurs fois, tout récemment encore devant les délégations autrichiennes, et dont M. Gladstone, lui aussi, a parlé au banquet de la Cité en homme revenu de quelques illusions, déjà à demi sceptique.


De tout ce mouvement de diplomatie et de démonstrations coercitives qui a rempli et troublé ces deux derniers mois, que reste-t-il en effet ? Il est certain qu’il y a eu quelques déceptions pour tout le monde, pour le chef du cabinet anglais, qui avait pris l’initiative de l’action, pour les Grecs, qui se voyaient déjà secourus par l’Europe dans leurs conquêtes en territoire ottoman. La démonstration navale s’est évanouie, elle a disparu dans les eaux de l’Adriatique, et, après avoir si peu brillé, elle semble vraiment avoir peu de chances de se reproduire de sitôt sous une forme nouvelle. On en est revenu à une diplomatie moins impétueuse, à une attitude moins impérative vis-à-vis de la Turquie, et on attend plus patiemment que cette question de Dulcigno, qui a mis des escadres en mouvement sans résultat, soit résolue par la bonne volonté ou la résignation des Turcs. Cette cession nécessaire, inévitable et consentie, ne paraît pas encore, il est vrai, bien facile pour le gouvernement ottoman lui-même. Jusqu’ici les Turcs ont promis, ils se sont engagés, ils ne se hâtent pas dans l’exécution de leurs promesses. Ils ont envoyé à Scutari un nouveau chef militaire, Dervich-Pacha, avec la mission d’en finir, de remettre décidément Dulcigno au Monténégro ; mais les Dulcignotes protestent, la ligue albanaise menace de résister par les armes, et Dervich-Pacha négocie, hésitant, comme on le dit, à employer les moyens énergiques. Qu’il y ait un peu plus ou un peu moins de lenteur, il faudra bien en finir, et l’autre jour, à Guildhali, M. Gladstone s’est plu à déclarer, non sans une certaine ironie, que depuis douze heures il avait reçu de Constantinople la nouvelle que la cession de Dulcigno serait effectuée avant l’arrivée de la dépêche à Londres, il a même
De tout ce mouvement de diplomatie et de démonstrations coercitives qui a rempli et troublé ces deux derniers mois, que reste-t-il en effet ? Il est certain qu’il y a eu quelques déceptions pour tout le monde, pour le chef du cabinet anglais, qui avait pris l’initiative de l’action, pour les Grecs, qui se voyaient déjà secourus par l’Europe dans leurs conquêtes en territoire ottoman. La démonstration navale s’est évanouie, elle a disparu dans les eaux de l’Adriatique, et, après avoir si peu brillé, elle semble vraiment avoir peu de chances de se reproduire de sitôt sous une forme nouvelle. On en est revenu à une diplomatie moins impétueuse, à une attitude moins impérative vis-à-vis de la Turquie, et on attend plus patiemment que cette question de Dulcigno, qui a mis des escadres en mouvement sans résultat, soit résolue par la bonne volonté ou la résignation des Turcs. Cette cession nécessaire, inévitable et consentie, ne paraît pas encore, il est vrai, bien facile pour le gouvernement ottoman lui-même. Jusqu’ici les Turcs ont promis, ils se sont engagés, ils ne se hâtent pas dans l’exécution de leurs promesses. Ils ont envoyé à Scutari un nouveau chef militaire, Dervich-Pacha, avec la mission d’en finir, de remettre décidément Dulcigno au Monténégro ; mais les Dulcignotes protestent, la ligue albanaise menace de résister par les armes, et Dervich-Pacha négocie, hésitant, comme on le dit, à employer les moyens énergiques. Qu’il y ait un peu plus ou un peu moins de lenteur, il faudra bien en finir, et l’autre jour, à Guildhali, M. Gladstone s’est plu à déclarer, non sans une certaine ironie, que depuis douze heures il avait reçu de Constantinople la nouvelle que la cession de Dulcigno serait effectuée avant l’arrivée de la dépêche à Londres, il a même

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maladie et tout prêt, comme il l’a dit, à chercher dans le travail un auxiliaire de la santé, n’a pas laissé échapper l’occasion d’exposer la politique qu’il suit ou qu’il veut suivre dans les affaires intérieures comme dans les affaires extérieures de l’Angleterre ; il a parlé en toute liberté, sans trop déguiser même ses perplexités et ses mécomptes. Le représentant de la France, bien que « le plus nouveau venu parmi les ambassadeurs, » s’est trouvé chargé de répondre pour le corps diplomatique au toast du lord-maire, et à l’hospitalité anglaise il a répondu par un discours simple et correct. M. Challemel-Lacour disait l’autre jour à Guildhall qu’aujourd’hui comme dans tous les temps chaque pays a ses questions particulières, ses problèmes intérieurs, mais qu’il y a « pour tous les peuples civilisés une tâche commune, celle qui intéresse la paix, l’Europe, la sécurité générale. » L’objet le plus immédiat, le plus pressant de cette « tâche commune à tous les peuples civilisés, » à tous les gouvernemens, c’est toujours à l’heure qu’il est cette question orientale dont le baron Haymerlé s’est occupé plusieurs fois, tout récemment encore devant les délégations autrichiennes, et dont M. Gladstone, lui aussi, a parlé au banquet de la Cité en homme revenu de quelques illusions, déjà à demi sceptique.

De tout ce mouvement de diplomatie et de démonstrations coercitives qui a rempli et troublé ces deux derniers mois, que reste-t-il en effet ? Il est certain qu’il y a eu quelques déceptions pour tout le monde, pour le chef du cabinet anglais, qui avait pris l’initiative de l’action, pour les Grecs, qui se voyaient déjà secourus par l’Europe dans leurs conquêtes en territoire ottoman. La démonstration navale s’est évanouie, elle a disparu dans les eaux de l’Adriatique, et, après avoir si peu brillé, elle semble vraiment avoir peu de chances de se reproduire de sitôt sous une forme nouvelle. On en est revenu à une diplomatie moins impétueuse, à une attitude moins impérative vis-à-vis de la Turquie, et on attend plus patiemment que cette question de Dulcigno, qui a mis des escadres en mouvement sans résultat, soit résolue par la bonne volonté ou la résignation des Turcs. Cette cession nécessaire, inévitable et consentie, ne paraît pas encore, il est vrai, bien facile pour le gouvernement ottoman lui-même. Jusqu’ici les Turcs ont promis, ils se sont engagés, ils ne se hâtent pas dans l’exécution de leurs promesses. Ils ont envoyé à Scutari un nouveau chef militaire, Dervich-Pacha, avec la mission d’en finir, de remettre décidément Dulcigno au Monténégro ; mais les Dulcignotes protestent, la ligue albanaise menace de résister par les armes, et Dervich-Pacha négocie, hésitant, comme on le dit, à employer les moyens énergiques. Qu’il y ait un peu plus ou un peu moins de lenteur, il faudra bien en finir, et l’autre jour, à Guildhali, M. Gladstone s’est plu à déclarer, non sans une certaine ironie, que depuis douze heures il avait reçu de Constantinople la nouvelle que la cession de Dulcigno serait effectuée avant l’arrivée de la dépêche à Londres, il a même