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Autrefois, ils n’avaient pour ainsi dire qu’une âme, tant leur intimité était profonde : pensées et impressions, tout était le patrimoine commun. Fallait-il agir seul, on réfléchissait à deux : l’un était la conscience de l’autre ; et, dans une sorte d’hymen spirituel, mettant à leur amitié des ferveurs d’amour, ils allaient, double cœur et double tête, deux fois tristes et deux fois heureux, mais distraits de leurs propres chagrins par les peines ou les joies du frère élu.

Cette union naquit des contrastes même qui eussent dû séparer ces deux êtres, et qui, en effet, n’avaient tout d’abord éveillé en eux qu’une antipathie mêlée de certain mépris.

Arsemar et Desreynes se rencontrèrent côte à côte, sur un banc de lycée : l’un calme et l’autre bruyant, l’un studieux et l’autre grand copieur de copies, l’un vigoureux et l’autre preste. Desreynes raillait le fort en thème, Arsemar souriait de pitié ; quand celui-ci se livrait à quelque jeu paisible, l’ennemi lui tombait sournoisement sur les reins, battait l’enclume et se sauvait ; on lui criait : « Lâche ! lâche ! » Il riait. Dans ses colères, Arsemar devenait rouge ; Desreynes, blanc. Le premier était estimé, mais peu recherché ; le second avait auprès des foules plus de succès et moins d’estime. Les maîtres citaient l’intelligence d’Arsemar, et les élèves l’esprit de Desreynes.

Sonnèrent les seize ans. À Pâques, Georges revint amoureux, partant, grave et poète. À qui dire son secret, ses joies, ses douleurs et ses vers ? À qui