« Page:Barbey d’Aurevilly - Les Philosophes et les Écrivains religieux, 1860.djvu/205 » : différence entre les versions

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de Dieu et de sa justice, la plus grande peur de la plus grande chose qui pût exister dans la plus grande âme, l’âme de Pascal, que j’appelais plus haut : « A elle seule tout un infini ! »

Et il fallait qu’elle fût grande, en effet, cette âme, pour être plus forte que l’esprit dont elle était accompagnée : car, cet esprit, elle l’a vaincu, elle l’a emporté hors de la science et hors du monde, comme un lion emporte un enfant ! Là, dans le désert, le saint désert, comme disaient ces anachorètes, la terrible lionne l’a foulé aux pieds, déchiré, déchiqueté, et elle a répandu autour d’elle ses lambeaux saignants avec une fureur de mépris dont vous pouvez juger encore, car ces lambeaux, ce sont les Pensées de Pascal. Débris grandioses auxquels les articulations manquent : mais quel prodigieux organisme ne font-ils pas supposer ? L’ivresse de la terreur, d’une terreur sans bornes, a pu seule donner à l’âme d’un homme la force de briser un esprit pareil, car l’âme et l’esprit sont adéquats chez Pascal. C’est même la raison, par parenthèse, qui m’a toujours empêché de croire qu’eût-il vécu plus longtemps et n’eût-il pas eu dans le cœur le néant de tout, qui empêche de rien achever, Pascal eût pu élever à la religion le monument que l’on regrette, non que l’ordonnance d’un beau livre ne fût dans les puissances de ce grand esprit de déduction et de géométrie, mais la peur fait trembler la main et dérange les combinaisons de l’artiste, tandis que la terreur, tout le temps qu’elle ne vous glace pas, fait pousser le cri pathétique ; et le cri pathétique chez l’écrivain, c’est l’expression ! ce n’est plus l’art, c’est le génie !