« Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes II.djvu/10 » : différence entre les versions

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Tout désolé qu’était Croisilles, il avait beaucoup de religion. Quoique son désespoir lui fît désirer la mort, il hésitait à se la donner. Dès les premiers mots de cet entretien, il s’était appuyé sur le bras de Jean, et tous deux retournaient vers la ville. Lorsqu’ils furent entrés dans les rues, et lorsque la mer ne fut plus si proche :

— Mais, monsieur, dit encore Jean, il me semble qu’un homme de bien a le droit de vivre, et qu’un malheur ne prouve rien. Puisque votre père ne s’est pas tué, Dieu merci, comment pouvez-vous songer à mourir ? Puisqu’il n’y a point de déshonneur, et toute la ville le sait, que penserait-on de vous ? Que vous n’avez pu supporter la pauvreté. Ce ne serait ni brave ni chrétien ; car, au fond, qu’est-ce qui vous effraye ? Il y a des gens qui naissent pauvres, et qui n’ont jamais eu ni père ni mère. Je sais bien que tout le monde ne se ressemble pas, mais enfin il n’y a rien d’impossible à Dieu. Qu’est-ce que vous feriez en pareil cas ? Votre père n’était pas né riche, tant s’en faut, sans vous offenser, et c’est peut-être ce qui le console. Si vous aviez été ici depuis un mois, cela vous aurait donné du courage. Oui, monsieur, on peut se ruiner, personne n’est à l’abri d’une banqueroute ; mais votre père, j’ose le dire, a été un homme, quoiqu’il soit parti un peu vite. Mais que voulez-vous ? on ne trouve pas tous les jours un bâtiment pour l’Amérique. Je l’ai accompagné jusque sur le port, et si vous aviez vu sa tristesse ! comme il m’a recommandé d’avoir soin de vous, de lui donner